Les fondations d'universités en quête de fonds

Rendues possibles par la loi sur l'autonomie, trente-quatre fondations ont été à ce jour créées par les universités. Un risque d'essoufflement pourrait se faire sentir.

"Après l'effervescence des années 2008-2009, 2010 a été une année de rationalisation et, avec l'opération campus et le lancement du grand emprunt, un essoufflement se fait sentir." C'est ainsi qu'analyse les premiers pas des fondations d'université Yaelle Afariat, directrice de l'Association française des "fundraisers", en ouverture de la sixième conférence qu'elle consacre au sujet ces mercredi et jeudi à Paris.

Recherche et financement en tête des projets financés

Rendues possibles par la loi LRU de 2007 sur l'autonomie, les fondations d'universités, qui permettent à celles-ci de s'adjoindre de nouvelles ressources, sont aujourd'hui au nombre de 34, dont 23 portées par une université (sur 83 universités) : vingt-et-une universitaires (généralistes, sans personnalité morale, ni mise de fond minimale) et treize partenariales (thématiques, plus autonomes et d'une durée limitée de cinq à huit  ans). "Ce n'est pas un raz de marée mais beaucoup d'universités cherchent avant tout à se regrouper, notamment dans les pôles de recherche et d'enseignement supérieur", relève Philippe-Henri Dutheil, avocat-associé chez Ernst & Young. Mais selon le ministère de l'Enseignement supérieur, "soixante fondations devraient être actives dans les prochains mois".

A ce jour, 71 millions d'euros ont été levés, six fondations ayant levé plus de 6 millions, telle Strasbourg, lancée fin 2008. "Nous avons aujourd'hui levé 7 millions d'euros sur un objectif de 20 millions sur cinq ans", explique Jean Gagneux, son directeur administratif et financier. Prudentes, beaucoup ont souhaité mettre en oeuvre des projets avant de créer officiellement la fondation. "Nous avons décidé de communiquer par les preuves", indique Rodolphe Gouin, ldirecteur de la Fondation Bordeaux Université (commune à tout le pôle universitaire bordelais), qui a levé 5,1 millions d'euros d'engagements. Son président, le patron de Vivendi, Jean-René Fourtou, estime d'ailleurs que "plus que les fonds eux-même, l'intérêt d'une fondation est de faire découvrir aux entreprises l'université", dont les capacités de recherche sont supérieures à celles des entreprises.

Au menu des projets financés par les fondation arrivent en bonne place le financement de la recherche et de la formation, la valorisation de la recherche mais aussi la vie étudiante (bibliothèques, accessibilité pour les handicapés...), le rayonnement international et l'insertion professionnelle ou encore la promotion des sciences humaines et sociales. La fondation de l'université de Cergy Pontoise devrait ainsi financer un projet de chaire littéraire sur le "sens des mots", à l'initiative du lexicologue Jean Pruvost. Les chaires, qui portent sur des thématiques précises sont d'ailleurs ce qui fonctionne le mieux avec les entreprises, ces dernières y trouvant ainsi des viviers de compétences manquantes.

Multiplication des fondations

Mais si cette coopération avec le monde économique commence à faire son chemin sur les terres universitaires, pointe le risque d'un essoufflement de la part des donateurs, pour l'heure majoritairement des entreprises (face à la difficulté à constituer des réseaux d'anciens, seules quelques universités ont lancé des campagnes auprès des particuliers telles Pierre et Marie Curie et Dauphine). Si la crise a eu une incidence relative (La Tribune du 15 février 2010), voire a "été une opportunité en mettant l'accent sur l'égalité des chances ce qui a poussé les entreprises à s'impliquer", selon Marie-Laure Lavenir, secrétaire générale de la Fondation de l'université de Cergy Pontoise, "2011 sera une année charnière et de consolidation", anticipe Yaelle Afariat. Incertitudes sur la fiscalité des dons et surtout nouvelles "mannes" publiques que sont l'opération campus et le grand emprunt et multiplication des fondations vont-ils freiner le "fundraising" dans les universités ?

Pour Rodolphe Gouin, si "certains grands groupes ne veulent pas s'éparpiller et que la démobilisation guette des équipes universitaires déjà impliquées dans la gestion de l'autonomie, de l'opération campus et du grand emprunt, ce dernier peut aussi jouer le rôle de levier pour le fundraising, nombre d'industriels participant aux appels à projets du grand emprunt. Autre effet positif, la possibilité qui se profile pour les fondations d'accompagner les projets qui ne seront pas retenus par les jury du grand emprunt. Plus largement, outre le grand emprunt, c'est la multiplication des fondations (fondations de coopération scientifiques, futures fondations hospitalières...) en tout genre qui pourrait à terme avoir raison de la générosité des entreprises. "La capacité de don n'est pas illimitée", pointe Philippe-Henri Duteil.

Atout pour le rayonnement

Mais si les dons ne sont pas mirobolants, les fondations ont plusieurs vertus. D'une part, elles poussent les universités à se structurer, poursuit Philippe-Henri Duteil. Elle les incite aussi, à l'heure de la consolidation, à professionnaliser et mutualiser leurs pratiques. "Nous échangeons entre fondations pour harmoniser nos pratiques, explique Stéphanie Lanson, directrice administrative et financière de la fondation Lyon I. Mais à terme il faudra faire évoluer la législation pour régler notamment les problématiques de transferts de propriété et des cumuls d'activité." Surtout, "elles sont un atout majeur pour le rayonnement de l'université et la valorisation de la recherche", insiste Jean Gagneux. Et joue en faveur de l'employabilité des étudiants, les entreprises étant de plus en plus séduites par la professionnalisation et la pluridisciplinarité des formations universitaires, note Rodolphe Gouin.

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