Comment Paris fait de l'or avec ses trottoirs

Par Céline Jeancourt-Galignani  |   |  804  mots
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La mairie de Paris mettra en place ce lundi une nouvelle réglementation destinée à mieux encadrer les 12.000 terrasses de la capitale. En sacrifiant une partie de ses trottoirs, la municipalité est parvenue à devenir le plus grand "bailleur" français de surfaces commerciales dédiés à la restauration.

Avec l?arrivée du printemps et des beaux jours, les terrasses font leur apparition. L?occasion pour les Parisiens de passer un moment au soleil, mais occasion surtout pour les bistrotiers d?agrandir leurs cafés. Installées sur la voirie publique, ces quelque 12.000 terrasses que compte la capitale sont en réalité propriété de la Ville de Paris. C?est à elle qu?appartient en effet les 26,5 km carré de trottoirs de la ville, soit 25% de la superficie totale de la capitale. Et c?est donc aussi à elle d?encadrer les installations sur la voirie. Chose faite dans un nouveau règlement des terrasses, présenté lundi au Conseil municipal, après huit mois de concertation avec les riverains et les commerçants. "Nous réactualisons un règlement vieux de 20 ans" explique l?adjointe au maire chargée du commerce et de l?artisanat, Lyne Cohen Solal.

De nouvelles conditions d'exploitation des trottoirs parisiens

"Les critères choisis sont l?équité entre riverains et commerçants et la qualité des terrasses" ajoute-t-elle. Les nouvelles mesures se traduisent donc par un partage de la voirie : les cafés devront absolument respecter les 1,60 mètre au minimum sur le trottoir réservés au passage des piétons. Mais également par des critères d?esthétisme et d?écologie : interdiction, d?ici à deux ans, des bâches en plastique jugées "particulièrement inesthétiques", au profit de protections fixes, ainsi que des chauffages au gaz "qui chauffent la rue"? Les zones piétonnes sont aussi concernées puisqu?elles pourront désormais accueillir des terrasses fermées. Autre nouveauté, la présence de chauffages électriques ou de parasols et l?absence de cendriers seront taxées.

Parmi ces mesures, la disparition des bâches fait particulièrement grincer des dents les commerçants, pour qui les terrasses ouvertes chauffées et bâchées coûtent moins chers que les terrasses fermées vitrées. Car si la Ville de Paris fixe les règles d?installation, elle en fixe aussi le montant des taxes.

Des critères tarifaires complexes

Les propriétaires de cafés, bars et restaurants sont ainsi soumis à des droits de terrasse, encadrés par une réglementation tarifaire très précise, découpée en zones décidées en janvier 2010. Celle-ci repose notamment sur les loyers commerciaux de la rue. Mais pas seulement. "On ne peut établir de véritables liens entre les loyers intérieur et ceux du trottoir", martèle André Boulet agent immobilier Century 21 dans la branche commerce.

Car le critère déterminant des loyers est celui la commercialité de la zone dans laquelle les cafés sont implantés. Ces zones, au nombre de cinq (hors catégorie, 1, 2, 3, et 4) sont définies par la municipalité, qui "s?indexe sur l?attrait commercial du quartier ou de l?arrondissement" explique André Boulet. Un attrait qui se caractérise par les passages de piétons et de touristes, mais aussi par la présence de magasins. "La commercialité évolue en effet en fonction des activités qui s?installent dans la rue. L?arrivée d?un Hermès, d?un Zara ou d?un McDonald?s changera le prix des loyers commerciaux" affirme André Boulet.

Les terrasses sur les Champs-Elysées sont proportionnellement bien moins taxées que dans les quartiers populaires

Ainsi, pour une terrasse ouverte dans la catégorie la plus basse, c?est-à-dire dans un quartier modeste sans beaucoup de passage, le "loyer" annuel est de 15,81 euros le mètre carré de trottoir. Soit à peine moins que le prix du mètre carré que paient ces établissements aux propiètaires des murs (entre 17,5 et 18,9 euros). En revanche, un café installé en Hors Catégorie, comme sur les Champs-Elysées, paiera à Paris son mètre carré de trottoir 87,49 euros pour une terrasse ouverte, alors qu'en moyenne, il faut compter 6.965 euros du mètre carré en moyenne pour exploiter un café ou un restaurant sur cette artère très fréquentée. Le prix du trottoir peut donc sembler relativement faible, mais il faut tout de même ajouter nombre de taxes relevant des installations (délimitations, chauffage, parasols, écrans rigides, enseignes publicitaires?)

Les terrasses sont indéniablement une opportunité intéressante pour les cafés, notamment parce qu'elles leur permettent d'attirer des clients qui veulent pouvoir fumer à table. Le sont-elles aussi pour leur propriétaire ? "Sur les 7 milliards du budget de la Ville, les recettes des taxes des terrasses ne représentent pas grand chose" se contente de répondre Lyne Cohen Solal. Seule certitude, ces recettes font partie des produits de la gestion du domaine et d?exploitation des équipements de la Ville, qui, en 2009, représentaient 15% de l?ensemble des ressources de la capitale.