Lycées : ces nouveaux programmes d'économie qui fâchent

Par Clarisse Jay  |   |  810  mots
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Depuis que les nouveaux programmes de sciences économiques et sociales de classe de Terminale ont été mis en consultation début mars, l'opposition des universitaires et enseignants s'organise. Une révision des nouveaux programmes depuis la seconde est réclamée.

Depuis la présentation de la réforme du lycée à la rentrée 2009, nombre d'enseignants sont montés au front pour critiquer le nouveau sort réservé à leur discipline (économie, histoire-géographie, mathématique, physique chimie). Parmi eux, les plus en pointe sont sans nul doute ceux de sciences économiques et sociales (S.E.S), une matière souvent sujette à polémique car touchant à des thématiques sensibles politiquement (chômage, emploi, coût du travail, crise financière, mondialisation...). Ils ont été rejoints dans leur combat par de nombreux universitaires qui lancé "l'appel de Vitruve" en février dernier.

Ils contestent notamment les nouveaux programmes qui ont commencé se mettre en place la rentrée 2010 avec l'application de la réforme du lycée en classe de seconde et demande un moratoire, s'appuyant notamment sur les remarques formulées récemment par l'Inspection générale. L'association des professeurs de S.E.S a envoyé un courrier ce mercredi au ministre de l'Education nationale lui demandant à nouveau de "reconsidérer la place et le statut des S.E.S en seconde" en en faisant un enseignement du tronc commun (et non un enseignement d'exploration) et en en revalorisant les horaires afin de permettre les dédoublements de classe. Peu d'espoir de modification a priori, ces programmes étant entrés en vigueur en septembre dernier.

170 notions

L'opposition aura été aussi à peu près vaine pour les nouveaux programmes de 1ère ES, validés, et qui seront appliqués à la rentrée 2011. C'est donc désormais sur le sprogrammes de Terminale que se focalise l'attention puisqu'ils ont été mis en consultation par le ministère le 7 mars. L'Apses avait déjà pris les devants en janvier (La Tribune du 4 janvier) en publiant son propre projet. L'association est remontée au créneau mi-mars en commentant notion par notion le nouveau programme. L'Apses critique notamment "l'encyclopédisme record", les notions évaluables au baccalauréat passant de 135 à 170.

«Dans le même temps, nous perdons 1 heure de cours hebdomadaire, dénonce Marjorie Galy, sa présidente. Cela implique de changer de chapitre toutes les 8 heures ! Nous pensons qu'il est possible de condenser le programme en 60 à 80 notions et 12 thème." Autre critique, un "cloisonnement disciplinaire dogmatique sans cohérence", l'économie se trouvant séparée de la sociologie, ce qui réactive les suspicions d'orientations idéologiques suscitée en 2008 par le rapport de l'économiste Roger Guesnerie sur l'enseignement de l'économie. Ce dernier préconisait notamment de familiariser les lycéens avec le monde de l'entreprise et critiquait un enseignement qui mettait "plus l'accent sur les problèmes de notre société" (chômage, précarité) et "peu sur ses réussites".

Enfin, les professeurs d'économie reprochent la surreprésentation des outils théoriques dans l'apprentissage. "Il n'y a pas assez de regards croisés", note Marjory Galy. Selon elle, contrairement à ce qu'avance le ministère de l'Education , ce nouveau programme, loin de mieux préparer les lycées aux études supérieures, risque de favoriser l'échec en premier cycle en privilégiant le bachotage et en supprimant toute faculté de modélisation des notions. Pour preuve, le projet de faire évoluer le second sujet de l'épreuve de SES du baccalauréat. Si la dissertation est maintenue, la question de synthèse sur document serait remplacée par trois exercices (dont des questions de cours et l'utilisation de documents) "moins ambitieux intellectuellement".

Liberté de l'enseignant

Un raisonnement que ne cautionne pas Jacques Le Cacheux, qui préside ce groupe d'expert. "Nous avons essayé de mettre en cohérence les programmes des deux années du cycle Terminale [Ndlr : 1ère et Terminale]. L'objectif est au contraire de faire acquérir à l'élève des capacités autonomes d'analyse via la familiarisation d'outils en matière d'analyse économique, de sociologie et de sciences politiques", explique l'économiste à "La Tribune". Le groupe d'expert revendique la séparation entre ces thématiques afin que les élèves puissent les distinguer pour pouvoir ensuite les "maîtriser et les mobiliser de façon autonome".

"Je rappelle qu'en préambule du programme, nous indiquons que la liberté de l'enseignant est pleine et entière. Il peut organiser l'ordre des notions enseignées et de faire appel à des questions relevant des champs politique et sociologique", insiste Jacques Le Cacheux, se référant aux indications complémentaires associées à chaque notion du programme et précisant qu'un programme c'est qu'un "cadre qui fixe ce que sont censés connaître les élèves et ce sur quoi peuvent porter les évaluations du baccalauréat".
La consultation prendra fin le 22 avril. "Nous tenons énormément compte des remarques", assure Jacques Le Cacheux précisant que le programme de 1ère a ainsi été "profondément remanié". Pas assez, à l'évidence, pour les professeurs de S.E.S....