"Nous procèderons à des ajustements sur le grand emprunt le cas échéant"

Les résultats du grand emprunt commencent à tomber. René Ricol fait un point d'étape et répond aux critiques formulées quant aux choix des jurys.
Le commissaire à l'investissement, René Ricol, fera un point sur le grand emprunt fin juin-début juillet.

Alors que les publications de résultats d'appels à projets des investissements d'avenir se sucèdent depuis le début de l'année, les critiques se multiplient dans la communauté scientifique (l'enseignement supérieur et la recherche concentrent au sens large 22 milliards d'euros sur les 35 milliards du grand emprunt) à l'encontre des jurys et des procédures de sélection. Certaines zones ou thématiques n'étant pour l'heure pas couvertes par les premières sélections d'équipements d'excellence, de laboratoires d'excellence, d'instituts hospitalo universitaires (IHU) et autres initiatives d'excellence (Idex), beaucoup craignent une université à deux vitesses.

Les premiers résultats des appels à projet tombent depuis le début de l'année. Où en est-on ? Quelles sont les prochaines échéances notamment dans l'enseignement supérieur et la recherche ?
Nous tenons notre feuille de route. Nous avons déjà fait émerger des projets extraordinaires. La prochaine sélection sera celle des sociétés d'accélération du transfert de technologie (SATT) qui doivent améliorer la valorisation de la recherche. Quinze dossiers ont été déposés. Le jury international vient de rendre son avis au comité de pilotage et 900 millions d'euros seront affectés à cet effort sans précédent. La sélection du jury pour les instituts de recherche technologique (IRT), pour lesquels quinze dossiers ont été déposés, sera connue la première quinzaine de mai. La sélection de la première vague de initiatives d'excellence (Idex) interviendra, elle, en juillet.

La plupart des financements se font sous forme de dotations tout ou partie non "consomptibles", c'est-à-dire que seuls les revenus sont versés aux lauréats. Ce schéma est critiqué. Concrètement, combien d'argent frais arrivera dans les caisses des structures lauréates ?
Ce schéma est connu depuis le début et la loi de Finances est très claire à ce sujet. Il est normal que les dépenses permises grâce aux investissements de l'Etat soient encadrées. Si tous les milliards distribués étaient consommés, que se passerait-il après ? Nous donnons ainsi à nos investissements une visibilité sur la durée. Et placés 3,4% par an, les revenus des dotations ne sont pas anodins : au total, nous aurons concrètement engagé 20 à 21 milliards d'euros à fin 2011 hors effet de levier, sachant que nous tablons toujours sur un effet de 65 à 70 milliards d'euros au lieu des 60 évoqués au début. Si l'on prend l'exemple des Initiatives d'excellence, la méthode que nous avons choisie permettra enfin de donner aux sites universitaires retenus des dotations en capital leur assurant, dans la durée, des revenus substantiels pour mener leur politique, comme toutes les grandes universités dans le monde.

Plusieurs voix se sont élevées dernièrement, notamment chez les présidents d'université, pour critiquer les choix des jurys, certains grands projets n'ayant pas été retenus. Certains demandent que soient revus les futurs appels d'offres. Que leur répondez-vous ?
Tout le monde ne peut pas tout gagner ! Les jurys ont bien fait leur travail. Je rappelle que la mise en place de jurys internationaux, composés de pairs, était demandée par la communauté scientifique et universitaire. Nous ne pouvons pas chercher à avoir les meilleurs jurys, les plus indépendants, et les contredire ensuite. En tout cas moi, je ne le ferai pas et je constate que la majorité des présidents d'université et des porteurs de projets non retenus dans cette première vague ont une attitude très positive et déclarent vouloir tenir compte des observations des jurys pour être retenus en deuxième vague. Je respecte les règles du jeu définies depuis le début ; les jurys font des propositions au comité de pilotage.

Ensuite, le comité peut demander au jury de compléter sa sélection, ce qui a été fait par exemple pour des laboratoires d'excellence de qualité exceptionnelle. Dans ce cas, le comité a proposé vingt-cinq projets supplémentaires et le président du jury n'en a retenu que dix-sept. Je m'en suis remis à sa position. Il en va de même pour les instituts hospitalo-universitaires (IHU) : il en était prévu cinq, le jury en a choisi six et nous avons respecté ce choix. Le comité de pilotage a proposé au jury que pour six autres projets déposés des sous-ensembles prometteurs soient également financés, ce que nous allons faire là aussi avec l'accord du jury. Enfin, je constate que les jury n'ont pas cherché à faire émerger seulement l'excellence mais aussi beaucoup des projets innovants portés par de jeunes équipes .

Autre reproche récurrents, l'émergence d'un paysage universitaire à deux vitesses, certaines universités, thématiques ou territoires étant délaissés...
Quand la première vague de sélection sera achevée, il sera temps de tirer un bilan objectif. Les critiques visant par exemple, dans les sélections déjà faites, la trop faible présence de l'Ouest de la France, c'est ignorer la non préselection de Saclay, également le fait que c'est pour permettre à la Bretagne au aux Pays de la Loire de "candidater" que j'ai demandé, en accord avec Valérie Pecresse, que l'on passe du concept de campus d'excellence à celui d'initiative d'excellence. C'est aussi oublier que Montpellier a obtenu 6 labex et Clermont-Ferrand 3. Attendons donc d'avoir une carte complète ! Nous avons décidé de procéder aux sélections par vagues. Nous avons aussi demandé aux préfets de région de nous informer de toutes les initiatives locales porteuses d'avenir.

Nous ferons le point à l'issue de la première vague, fin juin début juillet. Nous disposerons alors d'une bonne photographie générale et procèderons le cas échéant à des ajustement, comme nous l'avons fait avec les prêts participatifs d'Oséo dont nous avons rebâti le dispositif et auxquels nous allons consacrer 2 milliards d'euros au lieu de 1 milliard, celui-ci étant déjà quasiment alloué à plus de mille entreprises. Sur les IHU, pour lesquels une seule vague était prévue, je n'exclus pas non plus de lancer un second appel à projets restreint. Le fait qu'aucun IHU sélectionné ne traite du cancer est un problème. Enfin, sur certains appels à projets comme les SATT, alors là, nous allons faire du maillage territorial car ne pas en faire serait pour le coup inacceptable au regard des potentiels de toutes les régions.

Les jurys seront-ils tous renouvelés, comme cela a été évoqué ?
Je n'ai rien dit de tel et nous serons pragmatiques. A l'issue des premières sélections, les listes des membres des jurys ont été publiées dans un soucis de transparence, ce sera le cas pour la seconde vague.

Le grand emprunt pousse les établissements à se regrouper. La course à la taille est-elle nécessaire pour compter sur l'échiquier international ?
Nous ne sommes pas du tout dans cette logique et nous n'avons fait aucune déclaration en ce sens. L'objectif est plutôt de mieux valoriser, d'amorcer les projets, de renforcer les liens entre recherche et entreprises, de stimuler l'innovation et le tissus des PME. Nous voulons mettre la France au niveau de la compétition mondiale, créer des emplois, favoriser la réindustrialisation et sans forcément se comparer à chaque instant aux classements internationaux. Il y a un seul MIT aux Etats-Unis. L'objectif n'est pas de faire émerger vingt-cinq MIT en France mais de mettre en avant les forces de recherche du pays et de renforcer les liens universités-entreprises. Notre objectif est aussi de développer notre potentiel d'attractivité ?

Concernant les ajustements éventuels, envisagez-vous des rallonges financières ?
L'enveloppe a été fixée à 35 milliards d'euros et elle ne bougera pas. Et pour tout ce qui relève de l'enseignement supérieur et de la recherche, nous ne sortirons pas de la logique des jurys internationaux. Cela dit, nous avons déjà informé les commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat d'ajustements, certaines actions du programme nécessitant d'être plus soutenues mais cela sera fait dans la limite des 35 milliards d'euros.

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