La France n'a pas les moyens de ses ambitions militaires

Par Patrick Coquidé  |   |  494  mots
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Alors que le parlement a autorisé, mardi, la poursuite de l'engagement de 4.000 militaires français en Libye, Nicolas Sarkozy a annoncé le retrait d'un millier d'hommes d'Afghanistan avant la fin 2012. En période de rigueur budgétaire, la France peine à maintenir 10.000 soldats en opérations extérieures.

Députés et sénateurs ont approuvé, mardi, lors de la session extraordinaire du parlement, la poursuite de l'intervention en Libye dans le cadre de l'Otan qui mobilise près de 4.000 de nos militaires depuis la mi-mars. Mais quelques heures plus tôt, à l'occasion d'une visite éclair en Afghanistan, Nicolas Sarkozy avait annoncé le retrait d'un millier de soldats français d'ici à la fin 2012, soit le quart des effectifs engagés. Avant le traditionnel défilé du 14 Juillet, le chef de l'Etat se rendra d'ailleurs à l'hôpital militaire de Clamart, au chevet de soldats blessés en opérations extérieures, les Opex en langage militaire.

Au-delà des choix politiques qu'elles constituent, ces Opex qui mobilisent actuellement plus de 10.000 hommes (en plus des forces prépositionnées dans les DOM ou en Afrique) représentent un poids budgétaire de plus en plus lourd pour la France comme pour ses alliés américains ou britanniques en période de déficits galopants. La présence française en Afghanistan coûte près de 500 millions d'euros par an aux finances publiques. La nouvelle ministre du Budget, Valérie Pécresse, a reconnu, dimanche, que l'intervention du groupe aéronaval français en Libye s'élève pour l'instant à 160 millions d'euros.

A 1 million d'euros par jour (le prix d'un missile Scalp tiré d'un Rafale est de 500.000 euros et l'heure d'avion de 10.000 euros), le conflit, s'il s'enlise, risque de coûter largement plus de 200 millions en fin d'année, alors que 630 millions seulement ont été initialement budgétés pour l'ensemble des Opex 2011, Afghanistan, Côte d'Ivoire, Tchad, Liban... Ce montant devrait dépasser 1 milliard d'euros en fin d'année.

"Comparé au chiffre du budget de la Défense qui est de 40 milliards, nous pouvons absorber le coût de l'intervention en Libye", a estimé Valérie Pécresse. Le budget de l'Etat devrait d'ailleurs venir à la rescousse de celui de la Défense pour prendre en charge les surcoûts.

Sauf que le surcoût officiel des Opex est nettement sous-estimé, comme le constatait un rapport de la Mission d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale de juillet 2009. À la différence des Britanniques par exemple, la France n'inclut pas le coût de l'usure prématurée des matériels. Par ailleurs, les avantages financiers accordés aux militaires en Opex (solde doublée) auront une incidence sur le niveau des retraites des intéressés. Malheureusement, la hausse du coût des Opex intervient alors que le budget de la Défense est de plus en plus contraint et que la restructuration des armées n'a encore produit ses effets. La Défense devait ainsi pouvoir compter sur plus de 2 milliards d'euros de recettes exceptionnelles, comme des cessions d'actifs, qui ne sont pas au rendez-vous.

Ajouté au coût de son engagement extérieur, la France risque donc d'être contrainte de reporter la modernisation de ses équipements militaires.