Aubry et Hollande embarrassés par l'idée de "démondialisation" de Montebourg

Par Jean-Christophe Chanut, mis à jour par Latribune.fr  |   |  1061  mots
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Le "troisième homme", Arnaud Montebourg, a écrit aux deux candidats encore en lice pour qu'ils reprennent les mesures phares de son programme. Réponse des opposants au second tour : pas de "politique en zigzag" pour François Hollande et "ne rien changer" tout en trouvant des points d'accord, pour Martine Aubry.

C'est l'un des enjeux de l'entre-deux tours de la primaire socialiste : des deux candidats encore en lice, qui va être le plus Montebourg compatible ? Le "troisième homme " a en effet décidé d'écrire une "lettre ouverte" aux deux finalistes, leur demandant de reprendre à leur compte ses thèmes de campagne. Les programmes économiques de Martine Aubry et de François Hollande peuvent-il intégrer, en tout ou partie, le concept de "démondialisation", cher à Monsieur 17% ? Revue de détail.

La "mise sous tutelle" du système bancaire. Arnaud Montebourg milite ouvertement pour l'entrée de représentants de l'État dans les conseils d'administration des banques ainsi que pour une séparation nette entre banques d'affaires et banques de dépôt. Ce dernier point ne fait pas débat, il est prévu dans le projet socialiste. En revanche, s'agissant de la participation de l'État, François Hollande ne la pose pas en principe de préalable, il ne l'envisage que si des banques françaises demandent un soutien. Martine Aubry, non plus, n'évoque pas une prise de contrôle a priori mais revendique un encadrement des bonus.

Taxe sur les transactions financières. Le député de Saône-et-Loire prône pour payer la "dette de crise" l'instauration immédiate d'une taxe sur les transactions financières de 0,1 % limitée, s'il le faut, à la France et l'Allemagne. François Hollande, lui, parle des "pays européens qui sont d'accord". Martine Aubry ne précise pas mais rappelle constamment que le projet socialiste évoque une taxation limitée à 0,05 %.

Protectionnisme. Arnaud Montebourg défend une "région européenne" capable de se protéger des produits chinois par des barrières sanitaires, sociales et environnementales. Martine Aubry défend l'idée d'un taux de TVA différencié en fonction du niveau d'émission de CO2. François Hollande, lui, ne considère pas le protectionnisme européen comme une réponse aux dérégulations induites par la mondialisation.

Crise grecque. Arnaud Montebourg se dit persuadé que la "défaisance" de la zone euro est pour demain. Il parie, après la Grèce, sur un défaut de l'Espagne dans les deux mois. Martine Aubry et François Hollande, continuent de vouloir soutenir la Grèce et militent pour la création rapide d'eurobonds afin de mutualiser la dette.

Les questions sociales. Si les trois socialistes - plus mollement pour François Hollande - défendent un retour à la retraite à 60 ans pour ceux qui ont la durée de cotisation requise, Arnaud Montebourg, en revanche, considère que la création de 300.000 emplois d'avenir, idée chère à Martine Aubry, n'est pas "à la hauteur du problème"  et se montre sceptique sur le rétablissement de 60.000 postes d'enseignants évoqué par François Hollande.

Les voix de Montebourg convoitées, mais pas à n'importe quel prix...

François Hollande a déclaré ce mardi sur France Info : "je ne vais pas faire une politique en zigzag en fonction des personnes que je voudrais convaincre", sans cité le nom d'Arnaud Montebourg. "J'essaye de rester sur une cohérence, sur une constance, sans avoir besoin de changer mon propre discours", a-t-il ajouté. "Je ne courrai pas pour faire toutes les chansons à tous ceux qui demandent un peu plus et qui ont des urgences. Vous avez vu l'état des finances publiques, de la dette? Je ne peux pas promettre ce que je n'ai pas", a poursuivi le député de Corrèze. "Je recherche le rassemblement le plus large sans rien perdre de la ligne directrice qui est la mienne, de ma cohérence", a-t-il plaidé.

Le rival de Martine Aubry, qui l'accuse implicitement d'incarner une "gauche molle", a répliqué sur un ton inhabituellement offensif. Il ainsi a assené: "Je ne me ferai donner aucune leçon, de qui que ce soit, sur ma position, sur ma constance, sur ma cohérence et sur mon sens du rassemblement"."J'ai dirigé pendant 11 ans le Parti socialiste, je ne l'ai jamais fait dévier. Je n'ai jamais fait d'alliance avec le Centre, je n'ai jamais été comme une espèce de mouche qui va autour des pots de confiture pour savoir laquelle elle est la plus offrante", a-t-il expliqué.
Une allusion voilée à l'alliance que Martine Aubry avait scellée avec le Mouvement Démocrate du centriste François Bayrou lors des élections municipales de 2008.

Martine Aubry interrogée sur France 2, a de son côté, défendu son indépendance tout en multipliant les ouvertures vers l'électorat d'Arnaud Montebourg. "Je ne défends que ce à quoi je crois, et donc je ne changerai pas, a-t-elle prévenu. Mais la maire de Lille a ensuite décliné les sujets - banques, Europe, République nouvelle - sur lesquels elle affirme être en parfaite concordance avec Arnaud Montebourg.

"Je dis depuis 2008 qu'il faut mettre au pied les banques", a-t-elle rappelé, alors que l'élu de Saône-et-Loire prône une mise sous tutelle des banques. "Je crois qu'il a raison de dire qu'il faut que les banques 'retrouvent leur boulot', c'est-à-dire agir pour l'emploi et pour aider les particuliers. Je suis d'accord là dessus et j'ai fait des propositions", a dit Martine Aubry.

Quant à la "VIe République" dont Arnaud Montebourg souhaite l'avènement, elle a redit son projet d'une "grande réforme constitutionnelle". "Nous avons besoin de retrouver la morale, nous avons besoin dans un climat d'affaires épouvantable de changer, y compris les règles de fonctionnement de la présidence", a-t-elle souligné.

Concernant le protectionnisme qu'appelle de ses voeux Arnaud Montebourg, elle a répondu  "Je n'aime pas ce mot. Si on ferme les frontières, la moitié des Français qui travaillent pour l'exportation, leurs produits ne sortiront plus", a plaidé Martine Aubry. "En revanche, j'ai inscrit dans les textes (...) le juste échange".
"Ni libre échange, ni protectionnisme. Il faut en effet protéger nos entreprises contre des délocalisations qui sont inacceptables (...) et en même temps, empêcher qu'on nous fasse concurrence sur de mauvaises bases", a-t-elle détaillé.

Arnaud Montebourg entretien le suspense sur une éventuelle consigne de vote en faveur de l'un ou l'autre des prétendants. "Je ferai certainement un choix" pour le second tour de la primaire d'investiture socialiste opposant François Hollande à Martine Aubry, a déclaré mardi Arnaud Montebourg.