Modulation du temps de travail : le législateur reprend la main

Par Isabelle Moreau  |   |  554  mots
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Les députés ont voté jeudi une disposition sur la modulation du temps de travail. L'opposition et la CGT dénoncent la méthode et le fond. Malik Douaoui, avocat associé du cabinet Taj, juge au contraire que cela mettra fin à l'incertitude juridique des entreprises.

La mesure n?est pas passée inaperçue. Dans le cadre de l'examen de la proposition de loi de simplification du droit du député UMP Jean-Luc Warsmann, l'Assemblée nationale a adopté mercredi un article très critiqué par l'opposition sur la modulation du temps de travail. L?article 40 établit que la modulation « prévue par un accord collectif » du nombre d'heures travaillées « sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année » ne constitue par une modification du contrat de travail.

Le PS vent debout

L?opposition est vent debout. Alain Vidalies, secrétaire national au Travail et à l?Emploi, du Parti socialiste, regrette dans un communiqué que « sans aucune concertation avec les partenaires sociaux et dans le cadre d?un texte qui ne devait traiter que de la simplification du droit, l?UMP a remis en cause le droit des salariés, reconnu par la Cour de Cassation, de s?opposer à un nouvel aménagement de leurs horaires de travail ».

Contrat de travail/contrat collectif

Dans un arrêt rendu le 28 septembre 2010, la Cour de cassation avait pourtant estimé que, même lorsque la modulation résultait d?un accord collectif, le salarié devait donner son accord express à sa mise en ?uvre parce que son contrat de travail s?en trouvait modifié.
Très critique également, la CGT estime quant elle dans un communiqué que « parmi les nombreuses dispositions d'un texte fourre-tout, un coup terrible est porté à la législation du temps de travail ». Elle précise, à titre d'exemple, qu' « un employeur pourrait exiger de son salarié de travailler une semaine durant 48 heures et 10 heures la semaine suivante sans que celui-ci puisse s'y opposer. »

Un maximum de 48 heures par semaine

« C?est théoriquement possible car 48 heures est la durée maximum de travail hebdomadaire maximum au niveau européen », concède Malik Douaoui, avocat associé du département de droit social du cabinet Taj, sans toutefois trop y croire en pratique. L?avocat, qui rappelle qu?« on ne parle plus d?annualisation mais de modulation du temps de travail car la loi du 20 août 2008 a unifié l?ensemble des formes d?annualisation du temps de travail », décrypte le vote de l?article 40 par les députés : « Ce qu?il faut comprendre en arrière-plan de cet article, c?est le combat entre le contrat de travail et le contrat collectif. En clair : est-ce qu?un salarié peut s?appuyer sur son contrat de travail pour faire barrage à un accord collectif ? ».

Un pavé dans la mare

La Cour de cassation avait répondu oui. Le législateur  vient de dire non. « Le législateur a pris le contre-pied de la Cour de cassation qui avait jeté un pavé dans la mare voilà un an. Il l?a rappelée à l?ordre et on revient à l?état antérieur », analyse Malik Douadoui.

Pour lui, « ce vote va lever l?incertitude juridique des entreprises sur le sujet. Car il faut savoir que toutes les entreprises (c?est le cas par exemple dans l?automobile) qui ont mis en place un système de modulation du temps de travail n?ont jamais requis l?accord des salariés. Elles pensaient qu?un accord collectif signé avec les partenaires sociaux suffisait. » Les voilà aujourd'hui rassurées.