Les entreprises happées par la récession

Par Valérie Segond  |   |  659  mots
La Tribune Infographie
Pour les économistes, le doute n'est plus permis : la croissance sera nulle, voire négative en France en 2012. Selon certaines analyses, si tous les pays européens vont au bout de leurs plans d'austérité, la récession pourrait atteindre 1,7% en Europe l'année prochaine.

"It's the economy, stupid !" Selon certains économistes, le fort ralentissement de la croissance, perceptible depuis l'été, pourrait faire basculer la France dans une nouvelle récession deux ans à peine après la brutale contraction de l'activité de 2008-2009.

Alors que les experts économiques tablaient en début d'année sur la poursuite de la reprise de 2010, avec une croissance de l'ordre de 1,5 % en 2012, les événements des dernières semaines les conduisent tous à reprendre leur calculette. En octobre, le consensus des économistes tel qu'il ressort du Consensus Forecast pariait encore sur une croissance de 0,9 % en 2012, prévision déjà inférieure à la prévision officielle de Bercy (1 %). Mais celle de novembre, qui doit être publiée sous peu, devrait être significativement révisée à la baisse.

Une révision qui frappe déjà l'opinion, avec le retour brutal des plans sociaux en France, chez PSA et ses fournisseurs, Société Générale, BNP Paribas, Crédit Agricole, et peut-être bientôt, si l'on en croit les syndicats, chez Areva et Air France. Le taux de chômage remonte depuis le mois de mai pour atteindre en septembre un record depuis douze ans. "Pour l'instant, dit Marcel Grignard, secrétaire national de la CFDT, on observe une nette augmentation des difficultés des entreprises. Mais, grâce à la flexibilité, cela ne se traduit pas encore par un retour massif des plans sociaux."

Jusqu'à quand ? "Le nombre total de défaillances d'entreprises en France est encore, à la fin octobre, en léger recul sur un an (de 1,3%), dit Ludovic Subran, économiste chez Euler Hermes, mais c'est en raison du décalage lié aux délais légaux. En réalité, l'année 2012 devrait connaître à nouveau un rebond de 3% des défaillances d'entreprises, à 63.900, soit proche de son record de 2009 (64.500)." Tout concourt à mettre un coup d'arrêt à la croissance, dit Bruno Cavalier, économiste chez Oddo, plus pessimiste encore que le consensus : "entre le chômage qui est reparti à la hausse depuis le mois de mai, le climat d'incertitude totale qui domine avec la brutale aggravation de la crise de la zone euro, et qui incite les ménages à épargner davantage et les entreprises à différer leurs investissements, les deux plans de rigueur en trois mois, la stagnation du commerce mondial depuis six mois, sans oublier le resserrement du crédit imposé par les banques, la fin de l'année et le début de l'année prochaine vont être très difficiles."

Pour lui, dans une zone euro qui devrait voir son activité reculer de 0,3% en 2012, la France fera, l'année de ses élections reines, 0,1%. "La vitesse à laquelle le crédit se retourne à un moment où le taux de marge des entreprises est faible, et où le taux d'autofinancement se dégrade rapidement, va conduire les entreprises à réviser fortement à la baisse leurs programmes d'investissement, et à déstocker", ajoute Gilles Moec, économiste sur la zone euro à la Deutsche Bank à Londres.

Au-delà du niveau même de la croissance, la question de la dynamique à l'oeuvre est centrale. Mathieu Plane, économiste à l'OFCE, rappelle que la forte révision à la baisse de l'activité pour 2012, que l'OFCE a réduite de 1,7% en avril à 0,8% en octobre, est due pour plus de la moitié aux hausses d'impôts annoncées fin août, le reste venant de la hausse du coût des matières premières et de la baisse de nos exportations. Alors que l'OFCE va, lui aussi, réviser à la baisse sa dernière prévision en intégrant les nombreux événements récents, il s'inquiète du durcissement, et de la synchronisation des plans d'austérité dans tous les pays de la zone euro.

Eric Heyer, de l'OFCE, a calculé que si tous les pays de la zone euro respectent leurs engagements de consolidation budgétaire, la récession atteindra 1,7% en 2012. Ce n'est pas encore le recul de 2,6% de 2009, mais combien d'années faudra-t-il pour recréer les emplois perdus ?