L'UMP va devoir revoir sa copie sur les 35 heures

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  961  mots
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Dans son projet 2012, le parti présidentiel, via une modulation des exonérations de cotisations sociales, veut inciter les branches à négocier sur la durée du travail pour mettre définitivement fin aux 35 heures... Mais la référence légale aux 35 heures ne serait pas pour autant supprimée. Des propositions, à ce stade, qui risquent de se heurter à de grandes difficultés juridiques et pratiques.

"Pour créer des emplois en France, il faut sortir des 35 heures, en inventant une nouvelle démocratie sociale". L'UMP, présentant mardi à Lambersart (Nord) ses premières propositions économiques et sociales en vue des élections présidentielle et législatives de 2012 a donc décidé de rouvrir le dossier de la durée du travail. Mais pour bien marquer sa différence avec le gouvernement Jospin qui, il y a douze ans, avait choisi la voie législative pour appliquer les 35 heures légales, le parti présidentiel, à l'inverse, compte sur le dialogue social pour revenir sur cette question. Ce qui ne va pas aller sans créer quelques difficultés si l'on se réfère aux premiers éléments de méthode proposés par le projet du parti. D'ailleurs, le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, reconnaît lui-même que le dossier est encore loin d'être ficelé, préférant évoquer, à ce stade, "des orientations philosophiques".

Que propose le projet UMP ? Il s'agirait d'inciter les organisations patronales et les syndicats à ouvrir des négociations de branches sur l'organisation et la durée du travail. Concrètement donc, il reviendrait aux partenaires sociaux de fixer une durée conventionnelle du travail propre à chaque secteur d'activité : chimie, BTP, automobiles, etc... Etant entendu, ajoute l'UMP, que le mécanisme spécifique - à ne pas confondre avec le dispositif général d'allégement des cotisations sur les bas salaires - d'exonération fiscale et sociale sur les heures supplémentaires, prévu par la loi Tepa de 2007, continuerait de s'appliquer mais pour "les heures sup" effectuées au-delà de la durée conventionnellement définie.

Autre ajout de l'UMP, la notion de durée légale du travail de 35 heures ne serait pas supprimée. Simplement, ce seuil deviendrait supplétif, applicable pour les seuls secteurs qui ne seraient pas parvenus à conclure un accord. Mais alors, et c'est la que réside la forte incitation à négocier, pour les entreprises des branches n'ayant pas négocié un accord 35 heures "les exonération de charges seraient modulées".... Concrètement, faute d'accord, les actuelles exonérations seraient revues à la baisse.

Un rappel d'abord. La notion de durée légale du travail de 35 heures ne doit pas être confondue avec la durée effective du travail qui, en France, est d'environ 40 heures hebdomadaires. Les 35 heures sont en réalité un seuil au delà duquel se déclenche le mécanismes des heures supplémentaires. Depuis une loi de 2008, les entreprises, par simple accord, peuvent fixer librement le contingent annuel d'heures supplémentaires que les salariés n'ont pas le droit de refuser d'exécuter.

Un constat ensuite. La proposition de l'UMP n'est pas une véritable novation. Elle s'inspire en fait d'une vieille antienne patronale, théorisée par Denis Kessler il y a plus de dix ans, quand l'actuel patron du réassureur Scor était alors vice-président du Medef. En lutte ouverte contre les 35 heures légales, il privilégiait une importation du modèle anglais où, en effet, il n'existe pas de durée légale du travail ; ce sujet relevant des partenaires sociaux dans les branches, voire les entreprises. L'UMP ne va donc pas aussi loin, gardant quand même une référence aux 35 heures légales. Ce qui pose problème. Quelle va être, de fait, l'intérêt pour des entreprises d'allonger conventionnellement la durée du travail , alors qu'aujourd'hui "les heures sup" sont fiscalement et socialement exonérées dès la 36è heure hebdomadaire de travail ? Si une branche fixe, par exemple, sa durée conventionnelle à 37 heures, les deux premières heures ne bénéficieront d'aucune exonération... Celle-ci ne commençant qu'à la 38è. Paradoxalement, à ce stade, le projet conduirait donc à renchérir le coût du travail.

Autres problème. L'UMP souhaite baisser les exonérations générales de cotisations sociales pour les branches (donc les entreprises) sans accord sur le temps de travail. L'exercice risque d'être complexe. D'abord, depuis une loi Fillon de 2004 (l'actuel Premier ministre était alors ministre du Travail), les exonérations de charges ne sont plus du tout liées au temps de travail effectué dans l'entreprise (à la différence du précédent dispositif Aubry) mais au montant de la rémunération. Toutes les entreprises y ont droit, selon un barème dégressif, pour les salaires compris entre 1 et 1,6 Smic. Ce qui représente un coût annuel pour les finances publiques de 22 milliards d'euros.

Le projet UMP risque alors d'accoucher d'une véritable usine à gaz. Par exemple, pour un salaire versé égal à 1,2 Smic, l'entreprise bénéficiera d'une exonération partielle de cotisation sociale différente selon qu'elle appartient à une branche ayant conclu ou non un accord sur la durée du travail... Difficile à imaginer. D'autant plus qu'il n'est pas certain que le Conseil constitutionnel valide cette différence de traitement puisque, répétons le, depuis 2004, les exonérations de charges ne sont plus liées aux temps de travail. Il va donc falloir à l'UMP affiner ses propositions pour en éliminer tous les effets pervers.

Enfin, problème annexe mais politiquement pas inintéressant, il conviendra de guetter la réaction du Medef. Le projet UMP pourrait en effet conduire à remettre en cause l'existence de l'organisation patronale comme partenaire social ayant un pouvoir normatif. Si, au nom de la démocratie sociale et du refus de l'uniformité de notre système social, pouvoir est donné aux branches en matière de durée du travail, cela pourrait être étendu demain à d'autres domaines touchant aux relations du travail ou à la protection sociale... Une espèce de revanche de l'UIMM sur le Medef, en quelque sorte.