SeaFrance, l'impossible équation

Par Fabrice Gliszczynski  |   |  557  mots
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L'opération de l'État est risquée, pour de multiples raisons, tant sur le montage que sur sa viabilité. Explications.

Une petite semaine. C'est le temps dont disposent toutes les parties prenantes du sauvetage de SeaFrance pour monter le dossier de la Scop (société coopérative participative) depuis la décision mardi du tribunal de commerce de Paris de repousser à lundi prochain l'examen du projet de reprise de la compagnie de ferries par ses salariés, prévu initialement mardi.

Si ce projet défendu par la CFDT Maritime n'avait aucune chance jusqu'ici de convaincre le tribunal en raison de l'absence de financement, la proposition du gouvernement de liquider l'entreprise et de permettre aux salariés de réinvestir leurs indemnités de licenciement (gonflées par la SNCF, l'unique actionnaire de SeaFrance) dans la création d'une Scop redonne de l'espoir aux salariés.

Chacun des 880 salariés recevra de l'ordre de 50.000 à 60.000 euros, selon la ministre de l'Écologie en charge des transports, Nathalie Kosciusko-Morizet. Selon elle, les indemnités permettront d'atteindre le montant nécessaire à la relance de SeaFrance, évaluée « entre 40 et 50 millions d'euros », sachant que la région Nord-Pas-de-Calais a déjà promis 10 millions d'euros (sous forme de garanties de prêts). « Un marché de dupes », a pourtant rétorqué le secrétaire national de la CFDT, Laurent Berger. Un projet qui « dépasse l'entendement », selon la compagnie britannique P&O, prête à déposer plainte à Bruxelles « au moindre signe de la poursuite des aides apportées par l'État français à cette entreprise ».

Les risques de cette opération sont multiples sur le montage de la Scop, puis sur sa viabilité. Le premier point dépend notamment de l'adhésion des salariés. Placeront-ils tout ou partie de leurs indemnités pour créer une Scop ? Les avis sont partagés. Beaucoup hésitent. Certains conditionnent leur contribution au fait que la Scop soit propriétaire des navires, et non la SNCF, comme le veut l'État, qui les louerait ensuite à SeaFrance.

Quand bien même la Scop se créerait, le défi de sa viabilité resterait à relever. « C'est un dossier franchement compliqué sur le plan économique », explique un proche dossier. Cela en raison d'une baisse des volumes de fret depuis la crise de 2008 et d'une farouche concurrence sur le trafic transmanche du britannique P&O, présent sur la même ligne que SeaFrance, Calais-Douvres, et du danois DFDS (ex-candidat à la reprise de SeaFrance avec Louis Dreyfus Armateur), présent sur Dunkerque-Douvres. Deux acteurs aux coûts de production inférieurs auxquels il faut évidemment ajouter la concurrence du tunnel sous la Manche. En quatre ans, SeaFrance a perdu 100 millions d'euros de chiffre d'affaires. Dans ce contexte, l'arrêt de l'activité de la compagnie depuis novembre ne fait qu'empirer la situation.

Trop de salariés

Pour beaucoup d'experts, un rapprochement avec un autre acteur s'impose. « Sans cela, c'est impossible », assure l'un d'eux. La compagnie française Brittany Ferries, par le passé intéressée par SeaFrance, aurait le profil. Autre problématique, l'emploi. Le projet de Scop veut sauver les 880 CDI et 200 CDD. Là aussi, les observateurs sont sceptiques. « Sans baisse d'effectifs, ce sera très compliqué. L'objectif n'est pas de passer la présidentielle et de fermer boutique dans un an. » Autre point crucial, la constitution d'une équipe dirigeante. Selon nos informations, une ancienne figure de Brittany ferries serait favorable pour en prendre les rênes.