Des mesures habiles, mais l'addition risque d'obérer la croissance

Par Ivan Best  |   |  562  mots
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François Hollande exclut habilement toute hausse générale d'impôt, mais l'accumulation de prélèvements supplémentaires pèsera lourdement.

« Certes, il y a des hausses d'impôts, mais ce n'est pas un plan de rigueur que nous préparons, puisque nous ne touchons pas la consommation, moteur de la croissance. » Pour le président (PS) de la commission des Finances, Jérôme Cahuzac, qui a largement contribué au volet finances publiques du projet de François Hollande, les hausses d'impôts prévues par le candidat socialiste, n'auront donc pas d'impact négatif sur l'activité. Difficile de contester, pour autant, leur ampleur. Alain Juppé avait été accusé de « casser » la croissance en 1995 avec un plan d'augmentation de la fiscalité légèrement inférieur à 25 milliards d'euros actuels. Pour ramener le déficit public à 3 % du PIB dès 2013 (contre 4,5 % en 2012) François Hollande prévoit, lui, 29 milliards d'euros d'impôts supplémentaires dès 2013, auxquels il faut ajouter 15 milliards destinés à financer son programme (20 milliards d'euros, à l'issue du quinquennat). Un total de 44 milliards, soit plus de deux points de PIB.

L'économie française peut-elle supporter un tel choc fiscal ? Il est vrai que les mesures prévues - qui ne figurent pas sur des documents « officiels » - sont habilement choisies. Aucune hausse générale d'impôt n'est envisagée. Ni TVA, ni CSG au programme. Un argument de moins pour Nicolas Sarkozy, qui ne manquera pas de dénoncer le « matraquage fiscal » annoncé par le PS.

Les niches fiscales sont principalement visées. C'est la moins mauvaise façon d'augmenter les impôts, celle qui obère le moins la croissance, estiment la plupart des économistes. Car l'efficacité des niches s'avère douteuse, elles sont souvent à l'origine d'effets d'aubaine : des investissements aidés par des niches auraient eu lieu de toute façon.

Habilement choisis, ces prélèvements obligatoires supplémentaires représenteront tout de même autant de sommes retirées de la poche des agents économiques. Des sommes qui ne pourront plus être dépensées ou investies. Et l'argument avancé par le PS, de la préservation des revenus de l'immense majorité des Français, y compris les classes moyennes, peut être contesté. En effet, quand l'épargne salariale sera soumise à toutes les cotisations sociales dites non contributives, les employeurs ne seront-ils pas tentés d'en réduire le montant ? Les accords d'intéressement peuvent être revus à la baisse. Ce serait là un revenu en moins pour les salariés bénéficiant de ce système. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils sont nombreux : 5,5 millions de personnes touchent de la participation, 4,3 millions de l'intéressement (selon l'Insee).

De même, des célibataires pas forcément fortunés atteignent rapidement l'avant-dernière tranche d'impôt sur le revenu (30 %), ou la dernière (41 %), taux auxquels il faut ajouter 13,5 % de prélèvements sociaux. Leurs revenus de l'épargne seront donc nettement plus taxés qu'aujourd'hui. Avec toutes ces hausses d'impôts sera-t-il possible d'atteindre 1,7 % de croissance du PIB en 2013, puis 2 % en 2014, comme le prévoit François Hollande ? Alors que, partout en Europe, de telles potions amères sont administrées aux contribuables, le risque existe d'une longue stagnation de l'économie. Dans ce cas, la réduction programmée du déficit, censée être diminuée de 1,5 point en 2013 - du jamais-vu - ne serait pas au rendez-vous, les recettes fiscales étant obérées par la chute de l'économie.