Le bonheur, une valeur décidément en hausse

Notion de plus en plus prisée par le monde politique et économique, le bonheur intéresse désormais de près les juristes. L'Ecole de Formation des Avocats Centre Sud a ainsi crée l'OIB, Observatoire International du Bonheur, qui entend mener la réflexion sur ce thème et son impact en termes juridiques. Réuni le week end dernier à leur siège de Montpellier, le conseil d'administration de l'OIB s'enorgueillit d'intéresser aujourd'hui les instances internationales.
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A l'instar des médecins, les avocats sont aujourd'hui chahutés par les connaissances de leurs clients, glanées ici ou là sur le Net. "Etre un technicien du droit n'est donc plus suffisant, constate Yann Meric, avocat à Perpignan et vice président de l'Observatoire International du Bonheur. Le plus grand atout des avocats, c'est désormais leurs capacités de synthèses et surtout celle de savoir analyser les problématiques en matière de sciences humaines et sociales". Dont acte : lors de discussions informelles au Conseil National des Barreaux, il a été suggéré que les Ecoles des Avocats mettent en ?uvre un laboratoire d'excellence afin de participer à la stratégie internationale de recherche et d'innovation. L'Ecole de formation des Avocats Centre Sud (EFACS) se lance en 2010 dans le premier projet pilote dont le thème sera...le bonheur.

Dépasser les clichés

Objectif : placer les valeurs fondamentales d'humanité qui fondent le socle du droit au centre de la réflexion sur le bonheur et mettre en ?uvre des projets de recherche ayant une dimension nationale, communautaire et internationale. "Beaucoup de monde s'intéressent depuis plusieurs années aux indices susceptibles de mesurer le bonheur des individus et des populations mais rarement aux éléments qui permettent aux gens d'y accéder. Nous voulons donc observer et étudier quels sont les éléments constitutifs de la satisfaction dans la vie", précise Philippe Canonne, avocat au bureau d'Aurillac et nouveau président de l'OIB, élu le week end dernier. Façon de porter le débat sur un autre terrain que celui rebattu par la Commission Stiglitz et l'idée du BIB (Bonheur Intérieur Brut) ou de celui promu en 2007 par Cameron avec le GWB ("General Well Being", bien-être général) qui lie bonheur et croissance économique. Façon aussi de dépasser les clichés traditionnels comme l'image d'Epinal du Bhoutan, ce petit royaume en plein c?ur de l'Himalaya, qui brille dans l'imaginaire occidental comme le pays du bonheur. Destination touristique de luxe avec un visa de près de 250 dollars par jour, le Bhoutan a introduit, au début des années 1990, la notion de bonheur national brut qui repose sur quatre piliers louables (développement durable, préservation de la culture, conservation de la nature et bonne gouvernance) mais pas conçu pour tous les Bhoutanais. Dans un pays composé de plus de vingt-cinq groupes ethniques distincts, la culture du Bhoutan est celle des Bhotia, l'ethnie au pouvoir depuis l'installation de la monarchie en 1907. Le nouvel indice de bonheur national brut a donc surtout permis à la monarchie bhoutanaise de légitimer, tant à l'interne qu'à l'international, son pouvoir.

Saisir les procédés mentaux

L'OIB s'appuie ainsi en partie sur les travaux de Ruut Veenhoven, psychosociologue, professeur à l'université Erasmus de Rotterdam, et fondateur du "world Database of Happiness" qui mesure le sentiment de bonheur par pays. "Si les gens n'apparaissent pas heureux également, la question est de savoir pourquoi. Les déterminants du bonheur peuvent être recherchés à deux niveaux : les conditions externes et les processus internes. Si nous arrivons à identifier les circonstances dans lesquelles les gens tendent à être heureux, nous pouvons tenter de créer des conditions semblables pour tous. Si nous saisissons les procédés mentaux qui y président, nous pourrons possiblement enseigner aux gens comment prendre plaisir à vivre", souligne Ruut Veenhoven qui définit le bonheur comme "le degré selon lequel une personne évalue positivement la qualité de sa vie dans son ensemble". En d'autres termes le bonheur est un état d'esprit qui exprime jusqu'à quel point une personne aime la vie qu'elle mène. Selon cette perception, le concept de bonheur recouvre donc une évaluation de la qualité totale de la vie qui a amené l'OIB à définir cette année ses cinq thèmes d'études : rôle du droit dans une approche holistique du développement, le bonheur est dans l'assiette (notamment le droit à l'alimentation), démocratie participative et bonheur collectif, négociation syndicale clef du bonheur en entreprise, bonheur et répression. De quoi alimenter les prochaines assises de l'OIB qui auront lieu à Sète en septembre prochain. De quoi aussi intéresser des universitaires, des psychanalystes et des praticiens de la psychologie positive, tel Jean-Christophe Barralis. Coach et psychothérapeute, co-fondateur de l'Institut Français d'Appreciative Inquiry, il met en pratique des concepts tirés de la psychologie positive qui facilite le bien-être subjectif au travail. Il a rejoint l'OIB en qualité de membre actif, séduit par "cet observatoire qui structure le concept du bonheur, et contribue à faire avancer sans partis pris la réflexion et l'état de recherche dans la société".

Force de proposition

Composé pour l'heure de 200 membres (dont 50 actifs), l'OIB s'enorgueillit d'être aujourd'hui repéré comme un pôle d'observation et une force de propositions au niveau international. La Banque Mondiale qui a fait cette année du rôle du droit dans le développement des sociétés son thème principal a approché l'observatoire. Une élève de l'EFACS actuellement en stage au Conseil d'Etat va, elle, travailler sur le rôle du Droit dans le développement. Quant aux Nations Unies, ils ont sollicité cette année l'OIB pour participer à des travaux communs. "Si nous restons un observatoire et une sorte de café philo, et si nous n'accompagnons pas les mutations en cours, nous risquons d'être vite dépassés. C'est un bon signe pour nous que la communauté internationale s'intéresse à nos sujets. Raison pour laquelle nous devons accompagner le mouvement en devenant également un pôle d'action", souligne Philippe Canonne, conscient de l'immensité de la tâche qui les attend....Que du bonheur !
 

Commentaire 1
à écrit le 07/02/2012 à 10:56
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curieux que l'auteur de l'article ait choisi un carré de pré fleuri naturel comme image du bonheur ! alors que la "tendance" est au gris et au noir dans tout (notamment la déco. BEURK !!! pas étonnant que les gens dépriment)

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