La TVA sociale, un coût par emploi créé exorbitant

Par Ivan Best  |   |  554  mots
Bercy a estimé que cette réforme, consistant à augmenter la TVA de 1,6 point pour financer la suppression des cotisations familiale payées par les employeurs jusqu'à 2,1 fois le smic, aurait un impact positif sur l'emploi. Photo : Reuters
Bercy estime à 100.000 le nombre d'emplois que pourrait créer la TVA sociale. Financé par une hausse de TVA, l' allègement de cotisations sociales serait de 13 milliards d'euros. Le coût de chaque emploi créé atteindrait donc un niveau particulièrement élevé, 130.000 euros, contre 150.000 euros pour la baisse de TVA dans la restauration.

Quel serait l'impact  de l'opération TVA sociale, qu'on votée récemment les députés, et qui sera mise en oeuvre en cas de victoire de Nicolas Sarkozy à la présidentielle? Bercy a estimé récemment que cette réforme, consistant à augmenter la TVA de 1,6 point pour financer la suppression des cotisations familiale payées par les employeurs jusqu'à 2,1 fois le smic, aurait un impact positif sur l'emploi. 100.000 emplois pourraient être créés par ce transfert, grâce à l'allègement du coût du travail qu'il autorise. 100.000 postes, ce n'est pas négligeable... mais ramené au montant des cotisations allégées, c'est relativement peu. Les employeurs paieraient, en effet, 13 milliard d'euros de moins de cotisations. Soit, le calcul est simple, un coût par emploi de 130.000 euros. Un coût très élevé, proche de celui de la baisse de la TVA accordée à la restauration: cette mesure aurait créé 20.000 emplois, pour près de 3 milliards d'euros investis, soit presque 150.000 euros par poste.
 

L'estimation de Bercy contestée

Surtout, il n'est pas certain que les 100.000 emplois existent réellement, estime Eric Heyer directeur adjoint du département analyse et prévision à l'Obervatoire français des conjonctures économiques (OFCE): "même si l'on se situe dans un scénario que l'on peut qualifier de rose, à savoir que les entreprises répercutent entièrement dans leurs prix les baisses de charges, et que nos voisins européens ne réagissent pas à ce qui s'apparente à une dévaluation, alors, on peut s'attendre à environ 40.000 créations d'emplois". Si ces conditions ne sont pas remplies, "il faut craindre au contraire des destructions de postes" affirme l'économiste. 
 

Les baisses de charges sur les très bas salaires plus efficaces

Dans une étude publiée récemment, le ministère de l'Economie et la Dares (ministère du travail) ont évalué le coût d'une politique globalement plus onéreuse ( 22 milliards d'euros!), mais plus créatrice d'emplois: la baisse de charges sur très les bas salaires, entre le niveau du smic et 1,6 fois le salaire minimum. Les experts estiment entre 20.000 et 40.000 euros le coût brut de cette politique, par emploi créé. Mais il y a encore "moins cher": les emplois aidés. Ainsi, les contrats aidés -à temps partiel-, des contrats de huit mois signés souvent par des collectivités locales "coûtent seulement 7.000 euros aux finances publiques", souligne Eric Heyer . Comment expliquer un tel écart ? Avec les allègements de charges, "les effets d'aubaine sont très importants". Autrement dit, des entreprises qui auraient de toutes façons embauché (malgré la crise, 20 millions de contrats de travail sont signés chaque année) bénéficient des allègements. Alors que les contrats aidés sortent du chômage des personnes qui, sans cela, y seraient restées à coup sûr.

S'agissant de l'opération TVA voulue par Nicolas Sarkozy, elle ne vise pas seulement à renforcer la compétitivité de l'économie, estime Eric Heyer. "Il s'agit aussi, ce qui apparaît défendable, de ne pas faire reposer sur les seuls salaires le financement de prestations à caractère universel, comme les allocations familiales. Le problème, c'est que la TVA n'était pas nécessairement le bon impôt de substitution aux cotisations. La CSG aurait été beaucoup plus adaptée...".