Giraud-Moebius, un monument de la BD aux deux visages

Jean Giraud était l'un des auteurs majeurs de la bande dessinée dont il a contribué à faire un art à part entière : sous son propre nom, avec le personnage de western Blueberry, et sous le pseudonyme de Moebius, pour une carrière parallèle moins grand public et axée sur la science-fiction.
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Gir, Giraud, Moebius, Moeb... Jean Giraud a dessiné en se multipliant pendant plus de 50 ans. Sous son nom, il a créé en 1963 le lieutenant Blueberry, personnage de western devenu l'un des héros les plus célèbres de la BD populaire. Sous le pseudonyme de Moebius, il a signé des oeuvres de science-fiction moins classiques, comme "L'Incal" ou "Arzach". Deux facettes qui lui ont permis de devenir un artiste à la fois culte et très populaire.

A ce moment-là, la calvitie et le pull camionneur avaient remplacé depuis longtemps les longs cheveux bruns et les chemises à fleurs de sa jeunesse. Mais il avait gardé les yeux de l'enfant de la banlieue parisienne qu'il était lorsqu'il avait publié ses premiers dessins en 1957, avant un séjour au Mexique qui le bouleverse. "Ca m'a marqué pour la vie, disait-il. Mon goût pour le fantastique est très lié à ça. J'ai eu l'impression d'être dans un western et, d'un coup, on basculait dans la modernité américaine".

En 1963, il crée "Blueberry" avec le scénariste Jean-Michel Charlier, son grand succès commercial qui reste 50 ans plus tard la référence en matière de western en bande dessinée. Sous le crayon de Giraud, Mike Blueberry, dont les aventures seront ensuite déclinées dans une longue série d'albums, avait à l'origine les traits de l'acteur Jean-Paul Belmondo. "Mon ambition était féroce. Je voulais casser la baraque, que le monde de la BD soit stupéfait", racontait Giraud à l'AFP.

Métal hurlant et Alien

Mais Jean Giraud ne s'est jamais satisfait du succès. Nourri de contre-culture américaine - "Aux Etats-Unis, il y avait un mouvement underground éblouissant" -, il est en 1975 l'un des fondateurs de la revue "Métal Hurlant" et ressuscite Moebius, le pseudonyme qu'il avait utilisé en 1962 dans Hara-Kiri, inspiré du mathématicien allemand créateur du ruban du même nom. "C'était une signature, un logo qui ouvrait toutes les portes que je voulais ouvrir. Ce que nous voulions, c'était sortir du cadre relativement restreint, sous surveillance parentale, policière, de la BD de l'époque", expliquait-il.

Sous la signature de Moebius, il renouvelle le fantastique, invente un univers parallèle, explore les techniques graphiques et narratives. Il crée "Arzach", "l'Incal", "Le garage hermétique" et le "Major fatal", personnage improbable affublé d'un éternel casque colonial. Moebius, c'est le triomphe de la liberté et de l'exploration. Un univers onirique digne du mythique "Little Nemo" de l'Américain Winsor McCay. Au cinéma, il collabore alors à la conception de films de Ridley Scott ("Alien") ou Luc Besson ("Le cinquième élément").

En 1985, il crée une structure familiale, Stardom, qui commercialise ses oeuvres et leurs produits dérivés. Il aimait se mettre lui-même en scène dans certaines oeuvres, comme dans "Inside Moebius", où il apparaissait avec nez rouge et cheveux clairsemés. "Une chose importante dans ce métier, c'est d'être capable de s'évaluer. Surtout au début... après on s'en fout, confiait-il. A l'heure actuelle, je serais incapable de dire quelle est ma valeur en tant que dessinateur". Le marché de l'art l'a fait pour lui. Fin 2007, une planche d'"Arzach" s'est vendue 58.242 euros aux enchères.

 

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