Pourquoi Marine Le Pen pourrait faire exploser l'UMP

Par Ivan Best  |   |  767  mots
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A la différence de son père, Marine Le Pen veut accéder au pouvoir. Un scénario à l'italienne est envisageable: un FN expurgé de toute référence sulfureuse, formant avec, l'aile dure de l'UMP, un grand parti de droite. On reviendrait alors au RPR euro-sceptique des années 70, aux côtés d'un parti centriste pro-européen, semblable à l'ex-UDF.

Les politologues ne le disent que « off the record ». On ne se prononce pas à la place du peuple français... Mais pour la plupart d'entre eux, la cause est entendue. Avec des sondages réalisés à l'issue du premier tour attribuant au moins 53% des voix à François Hollande au second tour, celui-ci a partie gagnée. Ou presque...si l'on veut rester prudent. La défaite, jugée probable, de Nicolas Sarkozy, va évidemment provoquer un électrochoc à droite. La question est celle de son ampleur. Jusqu'où ira la recomposition ?

Au delà de la guerre des chefs
Le sujet va au-delà de celui de la guerre des chefs à l'UMP. Celle-ci est inévitable. La question principale est celle de l'attitude de l'UMP vis-à-vis du Front national. Dans ces deux formations politiques, une volonté existe de mettre fin à l'ostracisme à l'égard du FN. La « droite populaire », composante non négligeable du parti néo-gaulliste hésite de moins en moins à dire sa volonté de rapprochement avec le parti d'extrême droite. Tous les députés UMP voient avec angoisse se profiler des élections législatives forcément périlleuses avec un FN en position de force. Si l'on extrapole le score de Marine Le Pen, les candidats du Front national pourront sans doute se maintenir au second tour, le 17 juin, dans un grand nombre de circonscriptions. D'où des triangulaires souvent mortelles pour le candidat UMP. Et la question qui sera sans doute posée, de l'alliance avec la FN en vue de ce scrutin.

Jean-Marie Le Pen gérait sa boutique
Un tabou serait alors brisé. Mais il n'est pas impossible d'envisager qu'à moyen terme, la recomposition à droite aille au-delà du jeu des alliances pour une élection législative. Car une donnée a fondamentalement changé, depuis la succession de Jean Marie Le Pen, qui a laissé sa « boutique » à sa fille Marine : alors que le challenger de Jacques Chirac au second tour de 2002 n'a jamais vraiment cherché à accéder au pouvoir, gérant, justement, sa boutique FN, scrutin après scrutin, accumulant les millions grâce aux bons scores aux législatives, la nouvelle génération n'aborde pas la vie politique avec le même prisme. Clairement, Marine Le Pen pense fortement au pouvoir et à ses attributs.

«Contrairement à son père, elle veut être ministre » tranche un politologue. Bien sûr, cela nécessitera des adaptations. Quelques restes d'antisémitisme et de nostalgie fasciste devront être expurgés du FN. Une fois cet ajustement atteint, il est envisageable que soit créé un grand parti de droite, comme cela s'est fait en Italie, avec le MSI, parti fascisant créé juste après guerre devenu parfaitement « fréquentable » au milieu des années 90, une fois abandonnée toute référence sulfureuse. Le MSI, devenu Alliance nationale, a ainsi pu faire alliance avec Silvio Berlusconi au milieu des années 2000. Et son président, Gianfranco Fini, de devenir vice président du conseil, puis ministre des affaires étrangères et président de la Chambre des députés.

Une stratégie défendue par Gilbert Collard
L'avocat Gilbert Collard,  président du comité de soutien de Marine Le Pen, défend avec force cette stratégie. Non pas celle d'une alliance entre le FN et l'UMP, mais celle de la création d'un grand parti de droite, à la ligne euro-sceptique, à l'instar du premier RPR de Jacques Chirac, celui de 1979. Bien sûr, cela signifie l'éclatement de l'UMP : les centristes qui en sont membres n'accepteront jamais un tel rapprochement avec l'extrême droite. Avant que le rapprochement avec la FN ne se concrétise, ils auront quitté cette UMP tout juste vieille de dix ans, pour récréer l'équivalent de l'UDF. Un parti de droite modérée, qui, dans la lignée démocrate-chrétienne, serait bien sûr pro-européen. C'est d'ailleurs pourquoi François Bayrou pourrait avoir intérêt à une défaite de Nicolas Sarkozy : en dépit d'un score décevant, il peut être à même de fédérer cette formation centriste. Etre le nouveau Valéry Giscard d'Estaing, en quelque sorte.
Scénario de politique fiction ? Bien sûr, les fondateurs de l'UMP, dont Alain Juppé, feront tout pour l'éviter. Ils ne veulent pas voir partir en fumée des années d'effort, pour créer le grand parti de droite français. Mais les forces sont grandes, au sein de la formation dite néo-gaulliste, en faveur d'un dialogue avec le FN. Une question de survie, après le résultat record de Marine Le Pen.