Ah si j'étais coach des deux candidats...

Par Sophie Péters  |   |  865  mots
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Excellents rhéteurs tous les deux, les deux candidats n'ont rien à redouter du débat de ce soir sur le fond mais tout sur la forme. Le bruit court qu'ils ont chacun un, voire plusieurs coachs. Nicolas Sarkozy ne dit mot et consent. François Hollande dément. Dans le cas où ils manqueraient d'énièmes conseils, voici les quelques derniers pour la route...qui risque d'être bien longue.

1- Eviter le dîner de Cons
Faire passer l'autre pour un imbécile de service, le type qui n'a rien compris et égrène les mensonges, Nicolas Sarkozy est passé maître dans l'art de rabaisser son interlocuteur. Volontiers chaleureux en privé, il n'hésite pas à rappeler d'un regard féroce ou d'une parole blessante la haute idée qu'il se fait de lui-même à son interlocuteur. Prendre de haut François Hollande et l'humilier ne lui fera gagner aucun centimètre quand bien même il sait jouer à merveille des modulations de sa voix et d'une précision d'orfèvre dans le phrasé. Qu'il arrête de parler pour lui-même, de s'auto-centrer et s'auto-convaincre car il donne prise à son adversaire. Son intérêt : se caler sur Hollande en pariant sur sa confiance en lui et son profil de leader, d'homme de pouvoir qui crève aisément l'écran.
De son côté, François Hollande risque aussi de jouer la carte du mépris mais plutôt à la François Mitterrand, de la supériorité de l'intellectuel sur l'agité de service, en tentant d'imposer « la force tranquille ». Mais avec le risque d'apparaître compassé et coincé et surtout d'avoir revêtu trop tôt l'habit du président. Alors qu'il est connu dans les médias pour être drôle et convivial, il a depuis la campagne tout fait pour gommer son côté rigolard et bon enfant. Dommage ! En jouant contre sa nature il met en ?uvre ce que les psy nomment le « faux self », un homme qui sonne faux. Il aurait tout à gagner à être un plus authentique pour être plus convaincant. En affichant son côté débonnaire et pince-sans rire il a toutes les chances de désarconner Sarkozy. Et de remporter les voix des amateurs de mots d'esprit.

2- Assumer la Vérité si je Mens
La campagne a été émaillée d'attaques en tous genres, chacun accusant son adversaire de déformer ses propos et d'user et abuser du mensonge. Las. Les Français ne sont pas dupes. Que les candidats nous jouent « la vérité si je mens » en 36 épisodes, on le sait et on en redemande...parfois, comme un bon « Docteur House » en prime time. Mais surtout pas ce soir. S'ils pouvaient éviter les chamailleries de cours de récré et s'adresser à nous en « adulte responsable » comme disent les psy, posément, se connecter à eux-mêmes, à leurs convictions politiques, le débat gagnerait en intensité. En un mot qu'ils assument chacun qui ils sont et ce qu'ils sont, sans essayer de nous fourguer un rôle de composition écrit pas leurs conseillers en communication. Assumer le jeu politique, son machiavélisme incontournable, sans se traiter de menteurs, jeu qui affadit le combat politique. Eviter aussi les « y a qu'à » « faut qu'on », ennuyeux à mourir. Qu'ils se castagnent, oui bien sûr, mais avec élégance et panache à la Cyrano ! En étayant leurs propos, en jouant de leurs convictions personnelles, en parlant d'eux et non pas de l'autre, sur eux et non pas sur l'autre.

3- Jouer aux Intouchables
Dans la dernière ligne droite, chacun devrait donc avoir à c?ur de travailler son charisme. Comment ? En se connectant à leurs ressentis, en incarnant leurs messages, de manière à susciter l'empathie et la sympathie chez les téléspectateurs. En se regardant également l'un et l'autre bien en face (surtout Nicolas Sarkozy qui avec ses tics a souvent le regard en biais), en ne tripatouillant pas une feuille, un stylo ou ses mains, et en n'abusant pas des « moi monsieur ». Le capital sympathie ne peut émerger que dans une détente, une fluidité du propos, une confiance en soi, une assise bien posée, un « ancrage » pour reprendre encore un terme psy. Attention à la bataille des egos qui peut faire basculer le débat dans une joute verbale sans fond et des attaques personnelles. Sarkozy devra éviter de rejouer le Giscard de 74 avec sa fameuse flèche décochée à Mitterrand « vous n'avez pas le monopole du c?ur » et Hollande, le Mitterrand de 81 répondant à Giscard qui lui reprochait d'être « l'homme du passé » par la réplique « et vous vous êtes l'homme du passif ». Les attaques personnelles risquent de mettre chacun en état d'infériorité par rapport à l'autre, le candidat ne cherchant plus du coup qu'à esquiver ou riposter. Les électeurs sont bien plus au fait désormais de la chose politique et de la psychologie humaine qu'ils ne l'étaient il y a trente ans. Les présidentiables doivent donc changer de braquet, être plus en phase avec les électeurs d'aujourd'hui perfusés à la télé-réalité et rompus aux jeux émotionnels.

Cet après-midi il vaudrait mieux les envoyer en séance de méditation dans un temple zen ou les initier à la "pleine conscience" que de les enfermer dans d'ultimes réunions de cadrages. Hollande doit montrer un peu plus le charisme dont il est capable. Sarkozy ne doit pas cacher son côté pugnace tant apprécié de ses électeurs.
Que le meilleur gagne, en d'autres termes le plus sincère et le plus authentique par rapport à lui-même.