Il l?avait dit (François Hollande). Elle le fera. Conviée ce mardi par l'Assemblée permanente des chambres de métiers de l'artisanat (APCMA), Sylvia Pinel, la ministre déléguée chargée de l'Artisanat et du Commerce a remis en cause le régime social de l?auto-entrepreneur. «Ce régime a conduit à créer dans certains secteurs, notamment le commerce et l'artisanat, une concurrence déloyale avec les professionnels qui sont soumis à des règles sociales et fiscales et des normes différentes», a-t-elle déclaré. De fait, après «une évaluation du dispositif» que mène actuellement le gouvernement, «des ajustements seront apportés, une fois ses conclusions connues, et définis en concertation avec les organisations professionnelles représentatives», a-t-elle précisé lors de l'assemblée générale de l'APCMA.
"Travailler plus pour gagner plus"
Créé par la loi de modernisation économique votée en 2008, en vigueur depuis le 1er janvier 2009, ce régime social est l?une des dernières survivances du « travailler plus pour gagner plus », l?un des thèmes forts du quinquennat précédent. En quelques mots, il permet aux salariés appartenant au privé mais aussi aux fonctionnaires, aux chômeurs, aux retraités et aux étudiants de développer une activité à titre principal ou complémentaire pour accroître leurs revenus, avec des démarches simplifiées et un régime fiscal allégé.
Depuis 2009, près de 1,1 million de personnes ont adopté ce régime que dénoncent régulièrement les artisans, en particulier ceux appartenant au secteur de la construction. Ces derniers estiment qu?il introduit des distorsions de concurrence. Selon une étude réalisée par l?Insee, sur les 430.000 auto-entrepreneurs recensée, 54.000 exerçaient leur activité dans le secteur du bâtiment, soit 12% du total.
Le candidat Hollande avait déjà menacé le régime
«Mis en place sans réelle concertation, ce régime crée de nombreuses difficultés à nos entreprises» et «permet, sans véritable contrainte, de légaliser le travail dissimulé et procure des avantages particuliers qui créent de véritables distorsions de concurrence», a affirmé Alain Griset, le président de l'APCMA mardi devant la ministre. Cette attaque contre le régime de l?auto-entrepreneur était attendue. Pendant la campagne présidentielle, le candidat Hollande avait estimé qu'étaient «apparues à l'expérience des limites voire des dérives». Il avait toutefois précisé qu?il ne souhaitait pas sa suppression.
Sans surprise, la Fédération des AutoEntrepreneurs (Fedae) accueille mal les intentions du gouvernement. Son vice-président, Cyrille Darrigade, récuse cette mise en accusation qui consisterait à pointer du doigt les bénéficiaires du régime."La distorsion de concurrence n'existe pas entre régimes : les experts comptables en ont fait eux-mêmes la démonstration en publiant, en mai 2009, un comparatif des statuts de l?entrepreneur individuel, consultable librement sur le site internet de la Fédération des Autoentrepreneurs." Dans un comuuniqué, l'organisation syndicale rappelle que "les auto-entrepreneurs ne font pas de dumping social et ne s?affranchissent pas du droit commun pour exercer une activité moins taxée, parce que moins complexe administrativement. De plus, les auto-entrepreneurs cotisent au fond de formation professionnelle sans pouvoir en bénéficier".