Hollande annonce ses mesures anti-crise

Par Julien Bonnet et Jean-Christophe Chanut  |   |  971  mots
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Chahuté dans les enquêtes d'opinion, François Hollande, en déplacement à Châlons-en-Champagne, a appelé vendredi, dans un véritable discours de politique générale, à passer à la vitesse supérieure sur les chantiers gouvernementaux et les négociations entre syndicats et patronat. Il annonce que la banque publique d'investissement va très bientôt voir le jour.

"Le changement c'est pour quand ?" Comme un symbole de l'impatience qui gagne les Français, ce message figurait ce vendredi sur une pancarte brandie par des militants CGT lors de l'arrivée de François Hollande à la 66e foire de Châlons-en-Champagne où il a tenu son discours de rentrée. "Mon devoir, c'est de dire la vérité aux Français. Nous sommes devant une crise d'une gravité exceptionnelle, une crise longue qui dure depuis maintenant plus de quatre ans et aucune des grandes puissances économiques, même les émergentes, n'est désormais épargnée", a déclaré le président en guise d'introduction.

Tourner la page du sarkozysme

En baisse dans les sondages et ciblé par les critiques sur le rythme, jugé trop lent, des réformes, le chef de l'Etat a définitivement tourné la page du sarkozysme pour se consacrer à l'avenir.  Une façon de bien se démarquer du style de son prédécesseur. "Il ne s'agit plus de juger le passé mais d'agir dès aujourd'hui" a expliqué François Hollande avant d'indiquer que sa mission était de "conduire notre pays pour qu'il fasse des choix dans le bon ordre, dans le bon rythme et dans la bonne direction". Et de rappeler que cela ne se faisait pas en trois mois mais sur cinq ans.

L'urgence de l'emploi

Pour ce faire, le président a entériné une accélération des réformes, en particulier pour faire face à "l'urgence" de l'emploi, avec un chômage qui frôle la barre des 3 millions de personnes. "Il n'y a pas de jours à perdre (...) trop de périls nous menacent", a-t-il justifié. Il a ainsi rappelé qu'il avait convoqué une session parlementaire - qui débutera le 10 septembre -  pour que le texte sur les "emplois d'avenir" soit adopté au plus vite: "Dès le début du mois d'octobre seront signés les premières conventions". Quant aux contrats de génération, le dispositif sera lui présenté dans les prochains jours aux partenaires sociaux, a-t-il assuré, confirmant ainsi les annonces de son ministre du Travail Michel Sapin. Avec la multiplication des plans sociaux depuis le début de son quinquennat, François Hollande a indiqué que s'engageraient  dès "le mois prochain" des négociations pour "anticiper les restructurations". Le document d'orientation de cette négociation sur la sécurisation de l'emploi pour les salariés et les entreprises, annoncée à l'issue de la conférence sociale de juillet, "sera présenté le 10 septembre" aux représentants des salariés et du patronat qui auront jusqu' à la fin du premier trimestre 2013 pour trouver un accord.

La Banque publique d'investissement sera créée "dans les jours qui viennent"

Sur le dossier de la Banque publique d'investissement (BPI), le chef de l'Etat a fait savoir qu'elle sera créée "dans les jours qui viennent" afin de permettre "l'accès des entreprises au financement, en prêts comme en fonds propres". Le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait évoqué lui comme échéance les "semaines" à venir. Cette banque "concentrera ses interventions sur les PME et les entreprises de taille intermédiaire les plus innovantes", a précisé ce vendredi François Hollande.

Protection sociale, logement, collectivités locales... les autres dossiers chauds du gouvernement

"Des choix courageux seront faits en 2013" pour réformer le financement de la protection sociale et "ils seront durables, justes et stables". Pas question pour lui d'attendre "la fin de (son) mandat pour faire adopter une disposition à l'application différée", allusion à la TVA sociale votée au printemps dernier par Nicolas Sarkozy. Autre sujet abordé par le chef de l'Etat: le logement. Il a ainsi annoncé qu'un projet de loi était "prêt" pour permettre "de céder gratuitement les terrains de l'Etat aux collectivités et bailleurs sociaux qui s'engagent dans des programmes de construction". Ce projet de loi sera examiné lors de la session extraordinaire du Parlement qui s'ouvrira le 10 septembre. Cette mise à disposition des terrains devrait permettre de créer "110.000 logements entre 2012 et 2016". Les propriétaires privés devraient également être "invités à céder plus rapidement qu'aujourd'hui leur terrain à bâtir". Enfin, concernant le financement collectivités locales, le gouvernement fournira d'ici fin octobre ses propositions. Les régions auront la gestion des "fonds européens consacrés à leur territoire". François Hollande recevra avec Jean-Marc Ayrault les maires, les présidents des grandes agglomérations ainsi que les présidents des conseils généraux.

Pour NKM: "de la mousse, de l'écume"

L'ex-ministre UMP Nathalie Kosciusko-Morizet n'a pas tardé à réagir au discours du président. Des "discours, on en a beaucoup en cette rentrée", "beaucoup de mots", a commenté la candidate à la présidence du premier parti d'opposition, interrogée par BFMTV. "Pendant tout l'été, on a eu un pouvoir assez absent, on se demandait ce qu'il faisait, eh bien, il préparait des discours", a-t-elle ironisé.

Un premier bilan mitigé selon un sondage TNS Sofres

De fait, selon un sondage TNS Sofres réalisé le 30 août auprès de 1.000 personnes pour I Tele, les Français semblent mitigés sur les premiers mois de la présidence Hollande. Pour 36% les réformes engagées vont dans le bon sens, 38% pensent l'inverse et 26% ne se prononcent pas. Ce sentiment mitigé s'explique, selon TNS Sofres, "par un sentiment de déception par rapport à la politique mise en place". En effet, 51% des sondés trouvent que les réformes engagées ne sont pas assez ambitieuse, contre 12% qui pensent le contraire et 18% à qui elles conviennent. Dans le même ordre des choses, la moitié des sondés jugent le rythme des réformes trop lent. D'où, depuis quelques jours, une impression que l'exécutif se démultiplie pour monter qu'il est sur le pont.