Bousculer l'agenda social ? Pas si facile

Officiellement, patronat et syndicats ont jusqu'à la fin mars 2013 pour boucler leur négociation sur la sécurisation de l'emploi. Mais le Président de la République et le ministre du Travail mettent "la pression" pour que les discussions aboutissent dès la fin 2012. Ce qui pourrait conduire à un pataquès juridique et relancer le débat sur l'autonomie normative des partenaires sociaux.
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C'est parti ! Dans les tout prochains jours, les partenaires sociaux vont entamer la très ardue négociation sur la sécurisation de l'emploi. Pour ce faire, ils ont en main depuis le vendredi 7 septembre le document d'orientation, envoyé par le ministère du Travail, qui fixe leur feuille de route : révision des procédures de licenciements économiques, limitation des recours aux contrats précaires, mise en place d'un dispositif de flexisécurité alternatif aux licenciements économiques, etc. Que du lourd ! Or, le temps presse. Officiellement, selon le document gouvernemental, "cette négociation pour une meilleure sécurisation de l'emploi devra aboutir au plus tard en mars 2013". Mais, à la phrase suivante, il est indiqué que "compte tenu de la gravité de la situation de l'emploi, le Gouvernement propose que tous les efforts soient faits dans la mesure du possible pour y parvenir plus rapidement, avant la fin de l'année 2012". Et François Hollande, lors de son intervention télévisée dimanche 9 septembre, a mis encore plus de pression sur les syndicats et le patronat en demandant que la négociation soit bouclée dès la fin de l'année 2012. A défaut, le gouvernement reprendrait la main. Alors, 31 décembre ou 31 mars ? le débat est loin d'être purement formel. Il pose, en vérité, la question du degré d'autonomie normative laissé aux partenaires sociaux. Explication.


Quelle échéance pour la négociation?

Depuis la loi Larcher du 31 janvier 2007, le gouvernement ne peut plus légiférer dans les domaines touchant aux relations du travail sans, au préalable, avoir laissé un temps à la négociation sur ce thème aux partenaires sociaux. Soit exactement ce qui vient de se passer avec la négociation sur la sécurisation de l'emploi. C'est seulement ensuite que le Parlement peut légiférer, soit en reprenant le contenu de l'accord conclu par les syndicats et le patronat pour lui donner force de loi, soit, en cas d'échec de la négociation (ou d'un nombre de signatures insuffisant), pour légiférer librement. Mais il ne peut le faire qu'après le délai fixé pour la négociation. Or, juridiquement parlant, le gouvernement est lié par la date du 31 mars 2013 qu'il a lui-même fixé. La nouvelle échéance du 31 décembre n'est qu'un "souhait".

Imaginons que la difficile négociation ne soit pas terminée à la mi janvier. Le gouvernement reprendra t-il alors la main ? A la CFDT, dans l'entourage de François Chérèque, on refuse pour l'instant toute polémique sur cette question : "On verra, nous n'en sommes pas là, commençons par essayer de trouver un accord pour la fin de l'année. Nous avons de nombreuses propositions à mettre sur la table. Certes, nous avons une grosse pression du gouvernement. Mais si nous n'avons pas fini fin décembre, il sera toujours temps de discuter avec le ministère du Travail". Même tonalité au ministère du Travail  "La pression est maximale pour que les partenaires sociaux puissent conclure leur négociation avant la fin 2012. Ni plus ni moins". Autrement dit, tout sera une question de circonstances. Le gouvernement laissera syndicats et patronat négocier si un accord se profile. A défaut, si les débats s'engluent, il y a fort à parier que le ministère du Travail reprendra la main pour imposer ses vues... Au risque de créer un pataquès juridique à cause de cette question de date. Certaines organisations pourront alors arguer du non respect de la relative autonomie normative des partenaires sociaux fixée par la loi Larcher.

La question de l'autonomie normative des partenaires sociaux

Pis, cela pourrait relancer le vieux débat - théorisé par Denis Kessler, alors vice-président du Medef, il y a plus de dix ans, et dont la flamme est soigneusement entretenue par Laurence Parisot - sur les pouvoirs dont devraient disposer les corps intermédiaires. Concrètement, le Medef plaide pour que un "champ de compétences" soit défini et constitutionnellement protégé. Dans ce champ, seuls le patronat et les syndicats seraient compétents pour édicter des normes, via des accords interprofessionnels, de branche et d'entreprise. Le Parlement serait alors privé de son droit de légiférer dans les domaines clairement définis appartenant à ce champ. Une révolution... qui ne semble pas pour demain. Car autant à droite qu'à gauche, de nombreuses voix se sont élevées pour réfuter cette idée qui amputerait le Parlement d'une partie de ses droits. Pour une fois donc, ce n'est pas l'exemple allemand qui sert de modèle. De fait, outre-Rhin, la plus grande partie des normes sociales sont définies dans chaque branche professionnelle par le patronat et les syndicats...

 

Commentaires 5
à écrit le 11/09/2012 à 7:42
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et pour les polypensionnés ???? il y a urgence . Et les médias feraient bien de se pencher sur le problème , même si c'est "technique" ,

à écrit le 11/09/2012 à 7:07
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Mais en quoi cela va créer des emplois? Au mieux cela permettra de fixer un cadre juridique mais pour autant les emplois ne fleuriront surement pas a cause ou grâce a cela. Ce n'est la forme qui est en cause mais le fond . Sans entreprise pas d'e...

à écrit le 10/09/2012 à 22:21
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Tous les élus socialos Molasson 1er en tête ont prit 3 semaines de vacances alors qu 'ils étaient juste embauchés et maintenant ils veulent mettre la pression sur le patronat et les syndicats pour trouver des accords et des solutions à des problèmes ...

à écrit le 10/09/2012 à 20:54
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Le parlement n'est pas lié par la loi Larcher de 2007 puisque fait lui même la loi! Donc il n'a pas a attendre la fin du mois de mars. Journalisme de qualité moyenne

à écrit le 10/09/2012 à 18:50
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Les politiques veulent se meler de tout, avoir pouvoir sur tout ... et n'être responsables de rien !!!

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