Henri Lachmann "En France, on préfère l'héritage à la réussite"

Par Propos recueillis par Philippe Mabille  |   |  363  mots
Henri Lachmann, président du Conseil de surveillance de Schneider Electric
Henri Lachmann est un patron qui ne mâche pas ses mots. Il est aussi l'un des derniers de sa génération à être autant impliqué dans la société civile. Auteur en 2010 d'un rapport remarqué sur le stress et la souffrance au travail, il plaide pour un dialogue social moins archaïque et une société française moins cloisonnée.

La Tribune - Aucun dirigeant d'entreprise ne figure parmi les personnalités préférées des Français. Comment expliquez-vous ce désamour ?
Henri Lachman - 
Il y a eu des abus de rémunération très destructeurs dans un pays envieux et jaloux. Il y a aussi une absence de culture d'entreprise, qui n'est pas transmise à l'école. En France, on préfère l'héritage à la réussite. Ce pays n'aime pas ses entreprises. Dans le débat fiscal en cours, je comprends que l'on demande plus d'impôts à ceux qui ont le plus. Mais ce qui m'inquiète, au travers du débat sur la taxe à 75 %, c'est le message que l'on adresse aux jeunes. La nouvelle génération de dirigeants est très différente de la précédente. Voyant que la performance n'est pas récompensée, ni valorisée, que le mérite n'est pas reconnu, ils prennent leurs distances avec leur propre pays. Ils se sentent mal aimés et vont entreprendre ailleurs. Une fois partis, leur sensibilité à l'égard de notre pays s'atténue. La France disparaît peu à peu de leur écran radar. Il faut prendre garde à cette évolution. La France représente une part de moins en moins importante dans le chiffre d'affaires de nos grands groupes.
Il faut arrêter de stigmatiser la performance et la réussite économique. Cela a des conséquences tragiques pour notre économie. Il y a danger à laisser le fossé se creuser entre les jeunes dirigeants et le pays. Les jeunes dirigeants veulent partir, ceux qui sont déjà partis ne veulent plus revenir et les étrangers ne veulent pas venir. Il y a de quoi être préoccupé. L'objectif d'un patron de PME allemand est de transmettre à la prochaine génération une entreprise plus forte. En France, un entrepreneur qui réussit se sent tellement peu valorisé que son premier réflexe est de vendre et de fuir une fiscalité sur le patrimoine jugée spoliatrice et un droit du travail jugé beaucoup trop rigide.

>> La suite de l'interview d'Henri Lachmann, président du Conseil de surveillance de Schneider Electric.