Pierre Moscovici lève le voile sur la réforme bancaire

A l'occasion des "Entretiens de l'AMF", Pierre Moscovici a donné les grandes lignes de la réforme bancaire qui devrait être présentée au Parlement d'ici à la fin de l'année. Le texte "prévoira la constitution au sein des groupes bancaires d'une filiale dédiée aux activités de marché qui ne sont pas nécessaires au financement de l'économie", a-t-il expliqué.
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Le ministre de l'Economie et des Finances Pierre Moscovici a exposé les grandes lignes du projet de réforme bancaire ce matin, à l'occasion des neuvièmes "Entretiens de l'AMF". Jusqu'alors, peu d'informations avaient filtré sur cette réforme qui correspond à un des engagements de campagne de François Hollande. Tout juste avait-on compris que, dans l'esprit du rapport Liikanen, Bercy s'attachait à distinguer les activités bancaires utiles aux clients des activités spéculatives tout en faisant attention à ne pas gêner le financement de l'économie réelle.

"Il y aura bien un avant et un après la réforme", a déclaré Pierre Moscovici ce jeudi. "La retouche cosmétique, l'ajustement à la marge, les petits pas, ce n'est pas ce qu'on attend de nous", a-t-il martelé, affirmant qu'il souhaitait que "cette réforme fasse référence en Europe". S'il est vrai qu'il s'agit de la première réforme s'inspirant du rapport Liikanen, elle n'entraînera aucune révolution pour les banques. Ce n'est d'ailleurs pas l'objectif. "Cette réforme ne portera pas atteinte au modèle français de banque universelle qui a démontré sa résilience face aux crises, ni aux activités utiles au financement de l'économie", a-t-il expliqué, soulignant qu'elle ne devait "pas être une réforme punitive à l'égard des banques".

L'idée de la réforme bancaire est de répondre aux "trois carences du système financier", a expliqué le ministre. A savoir : une mauvaise appréciation des risques à la fois par les établissements eux-mêmes et par les superviseurs qui ont du mal à prendre en compte l'émergence de nouveaux risques (Dexia a été cité en exemple), des procédures inefficaces de résolution des crises bancaires (lesquelles auraient été bienvenues dans le cas du CIF), et une supervision incapable d'appréhendre correctement les risques systémiques.

? La réforme, "un arsenal de normes sans précédent depuis la loi bancaire de 1984", s'articulera autour de trois objectifs :

 

1 - Séparer les activités utiles à l'investissement et à l'emploi des activités spéculatives que les banques réalisent pour leur propre compte

Reposant très largement sur l'approche retenue par le groupe d'expert présidé par Erkki Liikanen, le nouveau projet de loi "prévoira une réforme de la structure des banques qui permettra d'identifier, d'isoler et d'encadrer strictement les activités spéculatives des banques", a expliqué le ministre. "Elle se propose d'interdire de mener les activités de compte propre pur leur permettant de spéculer avec leur bilan sauf à les cantonner très sévèrement." Le projet gouvernemental ne sera cependant pas une "traduction pure et simple" du rapport Liikanen; celui-ci étant plutôt vu comme "une source d'inspiration".

Concrètement, le texte "prévoira la constitution au sein des groupes bancaires d'une filiale dédiée aux activités de marché qui ne sont pas nécessaires au financement de l'économie. Cette filiale sera soumise à une séparation stricte et à des exigences prudentielles sévères", a indiqué Pierre Moscovici. Cette filiale "se verra interdire de mener certaines activités spéculatives fortement critiquées parmi lesquelles la spéculation sur les dérivés des matières premières agricoles ou encore le trading à haute fréquence", a-t-il précisé.

2 - Améliorer la capacité des pouvoirs publics à intervenir dans les crises bancaires afin d'éviter d'avoir recours aux contribuables lorsque des erreurs ont été commises par les banques

Le volet structurel de la réforme sera complété par un "puissant régime de résolution des crises bancaires", selon les termes employés par le ministre. "L'objectif de l'Etat n'est pas de financer les banques en difficulté", a-t-il rappelé. En fait, le nouveau régime de résolution qui sera intégré à la réforme bancaire s'inspirera directement des recommandations du G20 et reprendra pour l'essentiel le projet de directive présenté par la Commission en juin dernier. Ce n'est donc pas une surprise pour les établissements financiers. Il comprendra trois dispositions :

- l'obligation de mettre en place des plans de résolution ordonnés dans chaque banque. Ils devront décrire ex ante comment préparer l'intervention des pouvoir publics en cas de problème et permettre une résolution ordonnée des problèmes en cas de crise

- le renforcement des instruments et des compétences de l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) qui sera désignée comme autorité de résolution

- il sera écrit dans la loi "que c'est aux banques elles mêmes de payer pour leurs erreurs et non aux déposants ou aux contribuables", a déclaré Pierre Moscovici.

Pour lui, "la France doit montrer la voie". "Si de tels instruments avaient existé ils auraient permis d'améliorer le traitement de certaines faillites bancaires", parmi lesquelles certaines "ont encore des conséquences, y compris dans le projet de loi de finances rectificative que j'ai pu présenter hier", a -t-il dit.

3- Répondre directement aux besoin de régulation macro-prudentielle en dotant les pouvoirs publics des moyens pour lutter contre le développement des risques systémiques

"Le projet de loi proposera un renforcement de la surveillance du système financier dans son ensemble", a déclaré le ministre qui envisage de créer une autorité macro prudentielle "dotée de pouvoirs d'intervention exhaustifs" dont "la mission sera de suivre le développement des risques à l'échelle du système bancaire et non pas d'un seul établissement".

Ces réformes de structure s'accompagneront d'un renforcement de la surveillance de marché des banques, a également souhaité le ministre. Enfin, un volet sur la banque de détail devra "faciliter l'accès des entreprises et des particuliers à des services financiers de qualité et au meilleur coût", tout en s'attachant à protéger les "clienteles les plus fragiles".

 

? Le calendrier 

Après de nouvelles discussions avec les consommateurs, les professionnels et les syndicats, le gouvernement a l'intention de présenter son projet de loi au Parlement à la fin de l'année.

 

? Réaction des banques françaises

Suite à ces declarations, la Fédération bancaire française a appelé, dans un communiqué, à "veiller à ce que toute réglementation supplémentaire ne vienne pas entraver davantage la capacité des banques françaises à financer l'économie, ni à créer des distorsions de concurrence à l'échelle de l'Europe, ou entre l'Europe et les Etats-Unis." Concernant le projet de résolution des crises bancaires, elle s'est inquiétée de l'articulation avec le texte européen actuellement en discussion. Les banques françaises se félicitent néanmoins de la reconnaissance du modèle de banque universelle et comprennent "que la réforme visera à favoriser le métier de financement des banques en privilégiant le critère de l'utilité du service au client". "Les mesures de séparation, voire d'interdiction de certaines activités, qui peuvent être lourdes de conséquences, doivent être soigneusement évaluées", prévient néanmoins la FBF.

Très remontés contre Bâle 3, que les Etats-Unis refusent d'appliquer, et l'ensemble des réglementations en cours d'élaboration au niveau européen (notamment sur le shadow banking), Frédéric Oudéa, PDG de la Société générale, et Baudouin Prot, président de BNP Paribas, ont fait part à plusieurs reprises de leur inquiétude de voir les banques françaises souffrir d'un désavantage compétitif lié à l'excès de régulation ce matin.

Commentaires 16
à écrit le 16/11/2012 à 9:41
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premiere chose à faire ,un fichier central des préts tout le monde y verra plus clair,les banques seront moins frileuses il ne faut pas oubliér que les impayés nous les retrouvons dans les intérets payés à la banque

à écrit le 16/11/2012 à 7:39
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Les politiques se sont tellement avancés sur ce dossier que rien de sage ne saurait dès lors sortir. Mettre au pas la finance, voilà ce que nos chers élus doivent pouvoir démontrer, et peu importe in fine que nos institutions financières en souffrent...

à écrit le 16/11/2012 à 7:38
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On n'a qu'à fermer toutes les banques et ne garder que la Banque de France, remarquablement bien gérée, au moins je le suppose. Finies, les retraites des Inspecteurs des Finances!

le 16/11/2012 à 9:23
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le résultat net de l?exercice s?établit à1570 millions d?euros, soit une baisse de 989 millions par rapport à celui de 2010. soit 2 fois moins que GLE et 4 fois moins que BNPP...et si on fermait la Banque de France?

à écrit le 16/11/2012 à 4:42
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Ce projet doit bien faire rigoler les banques parcexqu'il remette effectivement de l'ajustement cosmétique. On prend juste la main des banquiers pour les aider à pisser droit. Cantonner et astreindre les activités pour compte propre à des norme...

le 16/11/2012 à 6:06
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Quand on veut aider a pisser droit ce n'est pas la main qu'il faut tenir ... mdr Dexia, CIF, ce n'est pas le sujet. Banques specialisees justement, modele etroit et peu diversifie, resultat, plouf plouf. Les grandes banques francaises sont fondamenta...

à écrit le 16/11/2012 à 3:22
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"Si de tels instruments avaient existé ils auraient permis d'améliorer le traitement de certaines faillites bancaires" Questions subsidiares: lesquelles? quand? Parce que des faillites bancaires en France nous n'en avons pas connu beaucoup a part le ...

à écrit le 16/11/2012 à 3:05
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@ Walter99 90% des capitaux vont vers le casino geant boursier ... interessant mais il serait encore plus interessant que vous nous communiquiez vos sources au dela de votre delire militant. Rensiegnez vous avant de parler. Quant a croire que ce n'e...

à écrit le 15/11/2012 à 21:07
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Quelle erreur ! c'est un vrai Glass steagall act qu'il faut faire, une séparation physique des banques d'affaire et de dépôt. Cela créerait des dizaines de milliers d'emploi dans le secteur bancaire! La séparation des activités est un jeu d'écriture ...

le 15/11/2012 à 21:36
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c'est bizarre qu'aucun pays n'ait mis cela en place puisque ca a l'air si bien dans la facon dont vous le presentez. Delamarche est une grande gueule qui fait a parfaitement compris comment faire du buzz sur internet, il est surtout tres suivi par le...

le 15/11/2012 à 23:36
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Il y'aurais tellement a vous repondre que je ne sais par ou commencer ... Le monde ne fonctionne plus a l'heure des 30's , la finance encore moins .. instaurer le GlassSteagall n'aurais aucuns effets positifs tangibles , voir meme des effets potentie...

le 16/11/2012 à 0:58
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Mon cher Danub, ta naïveté est triste à voir... renseigne toi un peu sur le sujet avant de sortir ce genre de commentaire. C'est tout simplement l'avidité sans borne de ces messieurs du secteur bancaire et de nos dirigeants qui bloque toute possibili...

le 16/11/2012 à 1:08
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Mon cher Brucyy, certes le Glass Steagall act version 30's ne pourrait plus s'appliquer aujourd'hui dans sa forme initiale, mais la régulation est la seule façon de stopper les catastrophes à venir. Tu as en effet tout faux sur les causes de la crise...

le 16/11/2012 à 3:12
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Les agences de notation financees (et donc complices je suppose) par les banques, decidement on aura tout lu ...

le 16/11/2012 à 9:28
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Tenez compte que la Northern Rock était une pure banque de dépôts... et a quand même explosé en vol. La pure séparation n'évitera donc pas le danger que l'on veut éviter. Ce n'est donc pas la parade idéale. D'autres mesures ou différentes seraient d...

le 16/11/2012 à 13:11
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Mon cher manlagachette .. Certes les banques d'investissements payent , et continuent de payer les CRA pour noter leurs produits ,dans un conflict d'interet evident , (on se souviens des MBO CDO , etc) , et les banques sont (tres ironiquement) oblig...

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