Accord sur l'emploi : le projet de loi Sapin joue la carte du compromis

Le gouvernement vient de transmettre au Conseil d'Etat l'avant-projet de loi" relatif à la sécurisation de l'emploi". Un texte qui reprend le contenu de l'accord sur l'emploi conclu par le patronat et trois syndicats le 11 janvier dernier. Les experts du ministère du Travail se sont efforcés de rester fidèles à la volonté des signataires. cependant, sur certains points, notamment sur les procédures de licenciements collectifs, il a dû innover. Ce qui risque de ne pas faire taire diverses polémiques naissantes.
Michel Sapin, ministre du Travail Copyright Reuters

Le travail gouvernemental était ardu : retranscrire le plus fidèlement possible dans un projet de loi l'accord interprofessionnel du 11 janvier réformant le marché du travail. Un mois après, c'est fait, « l'avant-projet de loi relatif à la sécurisation de l'emploi » existe (cliquer ici pour consulter le texte). Il va maintenant donner lieu a une vaste concertation et va être soumis pour avis au Conseil d'Etat, avant d'être adopté en Conseil des ministres le 6 mars.

Un pensum de 47 pages, dont 13 pages consacrées à un exposé des motifs, 18 articles, dont un (l'article 13 relatif aux procédures de licenciements collectifs économiques) qui à lui tout seul nécessite 9 pages... Il faut dire que ce sont des pans entiers du Code du travail qui sont concernés : procédures de licenciements, chômage partiel, accord de maintien dans l'emploi en cas de difficultés économiques, droits rechargeables à l'assurance chômage, représentation des salariés dans les conseils d'administration des grandes entreprises, etc.

La loi renvoie à des négociations de branche ou d'entreprise

Le diable se nichant toujours dans les détails, le ministère du Travail a tenu à préciser « qu'il avait fallu clarifier et trancher sur ce qui pouvait paraître ambigu, voire contradictoire ». Et d'insister sur le fait que « le travail de ces quatre semaines a été fait dans un double esprit de loyauté envers les signataires et de transparence et d'écoute envers les non signataires (CGT et FO) qui ont été aussi consultés ».

Une précision utile alors que dès la fin de la semaine dernière les polémiques ont démarré, émanant surtout du Medef, sur la façon dont le gouvernement allait transcrire l'accord signé par le patronat et les trois syndicats CFDT, CFTC et CFE-CGC. Pourtant, à la lecture - fastidieuse- du texte, in fine, il n'y a plus vraiment à polémiquer tant les rédacteurs de cet avant-projet de loi se sont montrés prudents, laissant une grande marge de man?uvre aux branches et aux entreprises, via des accords.

Par exemple, sur la généralisation de la couverture complémentaire collective « santé » à tous les salariés de toutes les branches, prévue par l'accord, le Medef s'était insurgé en considérant que l'avant-projet de loi introduisait une « clause de désignation « permettant aux branches de désigner un prestataire au dépens du libre choix des entreprises ».

En réalité, à la lecture de l'article 1 du projet, on découvre qu'il revient à chaque branche de choisir comme bon lui semble, ce prestataire : désignation par la branche, simple « recommandation » de la branche ou libre choix laissé aux entreprises.

Même chose pour l'article 6 instituant des « droits rechargeables dans le cadre de l'assurance chômage ». La rédaction de cet article avait également déclenché le courroux du Medef, qui rappelait que ces droits rechargeables ne seraient créés qu'après étude d'impact sur les finances (en mauvais état) de l'Unedic. Or, comme le rappelle l'exposé des motifs, l'article 6 ne fait que poser le « principe et les bases juridiques » pour ces droits rechargeables. En revanche, les paramètres et les modalités pratiques devront être déterminés par les partenaires sociaux lors de la renégociation, fin 2013, de la convention d'assurance chômage. L'impact sur les finances du régime seront donc évidemment prises en considération.

Le même raisonnement prévaut pour la désignation des représentants de salariés (avec voix délibératives) dans les conseil d'administration des entreprises de plus de 5.000 salarié. L'avant-projet de loi prend bien soin de proposer aux assemblées générales d'actionnaires toute une palette de possibilités pour désigner les représentants.

Licenciements collectifs économiques : le contentieux dépendra du juge administratif

En revanche, il est exact que sur certains points, le gouvernement a été amené à trancher sur des aspects de l'accord restés flous. Ainsi, dans le fameux article 13 du projet de loi qui réforme en profondeur le droit du licenciement économique collectif. A la suite de l'accord du 11 janvier, une entreprise qui souhaite procéder à un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE, en cas de licenciement de plus de neuf salariés) peut procéder de deux façons :

- soit la procédure de licenciement collectif peut faire l'objet d'un accord majoritaire (accord signé par des syndicats représentant au moins 30% des salariés). Un tel accord prévoyant le contenu du PSE et fixant les différents délais. Une fois conclu, cet accord doit donner lieu à une validation de l'administration dans un délai de 8 jours pour s'assurer qu'il est conforme aux dispositions législatives ;
- soit, autre possibilité, le PSE fait l'objet d'un document unilatéral de l'employeur, après consultation du comité d'entreprise. Dans ce cas, ce document devra être homologué par l'administration (les Directions régionales des entreprises de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi [Directes] seront seules compétentes) qui doit se prononcer dans un délai de 21 jours. Le gouvernement a décidé que ce délai de 21 jours commencerait à courir après la consultation du comité d'entreprise. C'est-à-dire à un moment où le contenu du PSE sera déjà connu. Le Medef, lui, souhaitait que cette homologation intervienne en amont...

Le contentieux sur la réalité du caractère économique du licenciement n'est pas abordé

Toujours sur ce sujet, le gouvernement -c'est de sa compétence- a décidé que tout le contentieux sur le contenu du PSE (son insuffisance notamment) serait de la responsabilité du juge administratif. En revanche, le salarié licencié pourra toujours contester son licenciement dans sa dimension individuelle (notamment sur l'absence de motif économique réel) devant le conseil de prud'hommes.

Ainsi donc, au grand dam de certains syndicats comme la CGT, ni l'accord du 11 janvier ni le projet de loi ne revient sur l'épineuse question du moment où peut intervenir la contestation du caractère économique d'un licenciement. Le statu quo demeure : le caractère économique d'un licenciement ne peut donc toujours être contesté que... postérieurement à ce licenciement (jurisprudence Viveo).

Au ministère du Travail, on estime cependant que la procédure de l'homologation ou la nécessité de parvenir à un accord majoritaire pour élaborer un PSE va forcément pousser les entreprises à la prudence. « C'est notre façon d'apporter une réponse aux licenciements dits boursiers dans les entreprises rentables », relate un proche du ministre.

A noter aussi que le projet de loi prévoit, en cas de fermeture d'un site sans projet de cession, l'entreprise aura désormais l'obligation de rechercher un repreneur et elle devra informer le comité d'entreprise (qui pourra se faire assister par un expert) de ses démarches.

En revanche, le projet de loi ne traite pas de la question d'une éventuelle offre de reprise refusée par l'entreprise. A la veille de la manifestation des "Goodyear" ce mardi, François Hollande a cependant confirmé que ce point fera l'objet d'une proposition de loi spécifique ultérieurement.

 

Commentaires 24
à écrit le 13/02/2013 à 14:21
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plus on affiche sécuriser les emplois, plu son crée de chomeurs (l'autriche n'a aucune contrainte de licenciement et a 4%M de chômeurs), ils font peur aux riches et les font fuir avec leur argent pendant qu'ils ouvrent les frontières aux demandeurs d...

à écrit le 13/02/2013 à 14:16
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nos soit disant syndicats, les tentacules de partis politiques qui ne font que de la politique, ne représentent que 5% des employés !!! les "accords" sont donc illégitimes, non représentatifs.

à écrit le 12/02/2013 à 22:28
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Sapin est un vrai génie! La france a vraiment de la chance d'avoir des gens comme lui et un président hors pair. Dailleurs les français ont voté majoritairement pour eux!

le 13/02/2013 à 10:33
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Ne pas prendre ses désirs pour réalité, c'est gens la sont au pouvoir car les Français ont voulu avant tout se débarrasser des autres précédents incapables. Mais il n'y a malheureusement rien de changé... !

le 13/02/2013 à 19:20
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réflexion a vraiment un humour noir, mais pas très marrant pour les 5 millions de chromeurs, notre déficit qui se creuse, la dépense publique qui augmente, les intérêts qui asphyxient tout, ne parlons pas de rembourser, c'est pour nos enfants et peti...

à écrit le 12/02/2013 à 14:15
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Grâce à ces accords " gagnant-gagnant", "donnant-donnant" par le "dialogue social" et la concertation,toutes ces "avancées sociales" vont ramener le salariat un siècle en arrière!

le 12/02/2013 à 14:34
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Et oui c'est ainsi quand la démocratie n'est pas respecté... Les signataires de cet accord ne représentent qu'un tiers des votants aux élections professionnelles... !

à écrit le 12/02/2013 à 12:00
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De toutes façons, ce projet de loi ne concernant que les grosses boites, ne comptez plus sur les millions de TPE et PME qui sont les rares à créer des emplois : tant qu'il ne sera rien fait pour les petites entreprise et alléger les contraintes à l'e...

le 12/02/2013 à 14:33
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Sauf que... de nombreuses organisations syndicales départementales, dont à la CGT existes chez les demandeurs d'emplois... !

à écrit le 12/02/2013 à 0:46
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Bonjour, Le texte auquel vous renvoyez dans votre article n'est pas le bon. Il s'agit d'une projet de loi sur les télécommunications. Un peu de concentration ne nuirait pas!

le 12/02/2013 à 15:13
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Oui, désolé, il s'agissait d'une erreur technique, réparée maintenant. Ceci dit, cela aurait pu être signalé de façon plus aimable! Respectueusement

à écrit le 11/02/2013 à 23:37
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Les signataires du patronnat vont se faire enfler comme sur les lois Aubry des 35 h, la confiance entre l énarchie et les forces vives sont rompues depuis belle lurette. Et dire qu ils appellent ca sociale démocratie.

le 12/02/2013 à 8:32
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ca se discute vu qu'a priori ils ont dit qu'ils n'appliqueraient pas autre chose que le compromis signe... euh oui, ca promet pour les mois a venir...

le 12/02/2013 à 14:37
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ça promet surtout pour les salariés Français s'ils ne se bougent pas le c.. !

le 12/02/2013 à 18:09
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@ chère churchill le compromis sera peut-être confirmer dans les mois à venir voir des années.

à écrit le 11/02/2013 à 22:50
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C'est qui ce vieux hibou endormi ?

le 12/02/2013 à 14:41
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c'est un mec qui dit être socialiste et qui apllique une politique de rigueur comme le pays n'en a jamais vu encore... !

à écrit le 11/02/2013 à 21:09
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Un compromis, une consultation... vous voulez dire comme pour le mariage pour tous, ou la loi de séparation bancaire, ou de productivité? Laissez nous rire, puisque c'est tout ce qui nous reste. La seule méthode de ce gouvernement est le rapport de f...

le 12/02/2013 à 0:50
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Le mariage pour tous c'est l'essentiel le reste attendra sauf le vote des étrangers bien entendu! D'abord les électeurs!

à écrit le 11/02/2013 à 18:48
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Le lien de l'article renvoie au rapport parlementaire d'information sur le secteur des télécoms...

le 12/02/2013 à 15:02
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Oui car si les Français prennent le temps de l'étudier ils seraient très surpris... !

le 12/02/2013 à 15:10
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Oui, désolé, erreur technique qui est maintenant réparée.

à écrit le 11/02/2013 à 18:43
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en clait il est d'accord d'appliquer la ou ca l'arrange, pour le reste, l'accord ' est perfectible', donc il va le changer.... non seulement personne ne voudra l'appliquer, en plus ca sera un signal fort que tt ca c'est du vent, enfin tt le monde va ...

le 12/02/2013 à 14:44
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Non les boites vont belle et bien l'appliquer, car aucun accord n'a encore autant plus au MEDEF... Voir les déclarations de Parisot..

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