"Le vrai problème de la fraude fiscale concerne les multinationales qui paient des impôts nulle part"

François Hollande a présenté ce 10 avril plusieurs mesures afin de lutter contre le fraude fiscale: création d'un Parquet financier à compétence nationale; publication annuelle des pays considérés comme des paradis fiscaux; obligation pour les banques françaises de publier la listes de leurs filiales à l'étranger avec la nature de leur activité. Daniel Guiroy, avocat au barreau de Paris et spécialiste de la fiscalité française et internationale donne son avis sur ces mesures.
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Les mesures annoncées par François Hollande sont-elles efficaces pour lutter contre la fraude fiscale ?

Daniel Guiroy- La France a déjà un arsenal de lutte très développé et, une fois encore, on ne parle que de la fraude personnelle et non pas de celle des entreprises. Quant à la création d'un Parquet financier à vocation nationale, pourquoi pas. Mais cela nécessitera de nouveaux magistrats spécialisés. Or, actuellement, il manque déjà des magistrats dans les sections financières spécialisées des parquets de Paris, Marseille, Lyon et Bastia.

Et s'agissant des paradis fiscaux ?

C'est la même chose, des outils existent déjà. Ainsi, il y a des conventions fiscales, notamment au sein des pays membres de l'OCDE, qui permettent de demander l'assistance d'autres pays pour connaître les revenus et le patrimoine des français placés à l'étranger. Simplement, il faut que tout le monde joue le jeu. Or, des pays ne nous renseignent pas assez. La France est quasiment le seul pays à avoir cette volonté de transparence. Mais comme il y a une compétition fiscale en Europe, cela nuit à la lutte contre la fraude. En outre, la France a commis une erreur en n'adhérant pas aux accords fiscaux, dits Rubik, avec la Suisse, comme l'ont fait l'Autriche, la Grande Bretagne et l'Allemagne. Ces accords prévoient une imposition à la source des placement étrangers en Suisse, tout en préservant l'anonymat bancaire, et une partie de ces sommes est reversée aux pays dont est originaire le titulaire. Si la France avait adhéré, elle aurait pu récupérer entre 500 et 800 millions d'euros.

Pourquoi un tel refus ?

A l'époque, Nicolas Sarkozy était président et, aux accords Rubik, il préférait une disposition type Fatca [Foreign Account Tax Compilance Act] qui oblige les banques du monde entier à transmettre aux autorités américaines tous les mouvements qui affectent des comptes détenus par un citoyen américain. A défaut, une banque qui ne coopère pas se voyant interdite d'activité sur le sol américain. Or, cette idée de Fatca à la française est restée lettre morte.

Et l'idée de demander aux banques françaises de publier chaque année la liste de leurs filiales à l'étranger et la nature de leur activité ?

Les banques françaises joueront le jeu mais si leurs filiales à l'étranger, notamment celles installées dans des paradis fiscaux doivent tout dire sur leur activité, elle perdront leurs marchés et leurs clients. C'est aussi simple que ça. Toujours la compétition fiscale et financière. Encore une fois, les mesures de lutte se concentrent trop sur les particuliers et pas assez sur les entreprises multinationales qui savent très bien comment ne pas payer d'impôt, nulle part. Le vrai sujet, donc, serait d'éviter les multiples non impositions. L'OCDE et le G20 se sont enfin emparés de cette question.

Commentaires 17
à écrit le 13/04/2013 à 2:13
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Et elle devraient les payer dans quel pays ces impots puisqu'elles sont des multinationales ? Partout donc ? Et pourquoi pas doublement triplement imposées ? Une multinationale installée dans 50 pays ou plus trouvera toujours un "paradi fiscal" pour ...

à écrit le 11/04/2013 à 15:38
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Que les multinationales payent l'impôt nulle part est faux, mais qu'elles payent peu par rapport aux petites entreprises est prouvé en France. Une multinationale peut difficilement caché la réalité de ses chiffres, mais par contre dispose de moyens d...

à écrit le 11/04/2013 à 13:49
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"les multinationales qui ne paient de l'impôt nulle part" : cette affirmation est en grande partie fausse. Il serait bien plus utile de prendre quelques cas célèbres d'optimisation fiscale agressive et de voir ce qu'il en est. Dans ces cas là, ces gr...

à écrit le 11/04/2013 à 10:56
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Les fameux prix de transfert qui font que Total par exemple est presque totalement exonéré d'impôts sur le sol français !

à écrit le 11/04/2013 à 1:40
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l'UMP en 2010 avait du garder que les listings de gauche sous le manteau pour s'en servir plus tard. et avait détruit ceux de leurs copains de droite.

à écrit le 10/04/2013 à 20:07
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Cet article dit vrai, ces mesures seront sans effet sur les multinationales car ...celles ci ne fraudent pas. La planification fiscale repose sur l'utilisation intelligente du droit, des faits, de la législation. Quand on est coté en bourse, on n'a p...

le 10/04/2013 à 23:53
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Merci de ces très intéressantes précisions et point de vue.

le 11/04/2013 à 11:01
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Je vois que vous n'êtes pas si retraité que cela pour suivre les travaux du "Beps" (base erosion profit shifting) de l'OCDE! A titre personnel, je suis assez pessimiste sur l'évolution de ces travaux : d'une part, ils sont réalisés dans l'urgence d'u...

à écrit le 10/04/2013 à 20:07
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N'importe quoi... le gouvernement voulait le signer, le parlement a refusé la signature pour des raisons purement électorales.

à écrit le 10/04/2013 à 19:20
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Tout le monde sait que la majorité de "l'optimisation" fiscale concerne les multinationales. Regardez le scandale des prix de transfert. Malheureusement, rien ne bougera. C'est un problème mondial. Quant au Rubik, c'est une vaste farce. Un français...

à écrit le 10/04/2013 à 19:10
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Otez moi d'un doute !Une multinationnale est dirigée par un conseil d'administration !Ce conseil represente les actionnaires (les plus gros) de l'entreprise.Hors ce qui les interesse ,c'est le dividende versée qui represente la rentabilité de leurs p...

le 10/04/2013 à 20:16
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Une multinationale dans 99,99% des cas ne dissimule rien du tout. C'est la raison pour laquelle beaucoup affichent en toute sérénité des taux d?imposition bien inférieurs au taux nominal du pays de leur siège social. Le voudraient elles, elles ne le ...

le 10/04/2013 à 21:45
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@vx fiscalité: 1) tout le monde passe au IFRS et les Principes comptables généralement reconnus en Amérique du Nord (GAAP dans ton texte) passent à la trappe. 2) Il est bien évident que les entreprises profitent au maximum de la fisclaité (c'est pour...

le 10/04/2013 à 21:52
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@Vx fiscalité..: quant au commissaire aux comptes (auditeur dans ton texte et auditor en anglais), je demandais un jour à un ami directeur de société étrangère à Paris si son "auditeur" n'allait pas refuser de signer, il ma répondu "chez nous, vous (...

le 10/04/2013 à 22:23
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A Patrickb 1/Les big four depuis la débâcle d'Arthur Andersen and co il y a un peu plus de 10 ans sont devenus hyper prudents, car la manipulation en grand des comptes, c'est payé trop cher quand c'est découvert, cela ne veut pas dire que tout est pa...

le 11/04/2013 à 1:36
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@Vx fiscaliste: 1 ) les FAS (Financial Accounting Standards) et les GAAP (Generally Accepted Accounting Principles) ne sont pas la même chose. Les normes IFRS (International Financial Reporting Standards) sont en train de se mettre en place, mais cer...

à écrit le 10/04/2013 à 18:49
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Ce Mr ne me semble pas tres credible: les accords Rubik sont une arnaque que personne n'a signe a part l'Autriche (qui protege elle-meme son secret bancaire), le royaume-uni (place financiere). L'Allemagne n'as PAS ratifie cet accord, justement parce...

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