La région Ile-de-France prend le risque... d'innover

Comment vendre un projet très innovant lorsque l'on est une TPE ou une start-up qui n'a pas assez de fonds pour des tests et des démonstrations grandeur nature? Le secteur privé étant, là, de plus en plus absent, le conseil régional d'Île-de-France prend désormais le risque de financer ce type de projets. Une aide publique de plus pour compenser la faiblesse du privé.
Les gigantesques embouteillages de Moscou font de la capitale russe un prospect de choix pour MultiToll et son dispositif de régulation du trafic, Movcity.

Des idées, il y en a. Bonnes, très inventives, un peu étranges, plus ou moins bien dimensionnées, chères, pas chères... il y a de tout dans les start-up et les PME. Une batterie d'aides et de subventions, remboursables ou non, a donc été mise en place par tous les conseils régionaux en charge du développement économique. La dernière en date émane du conseil régional d'Île-de-France et d'Oséo : « AIXPé » pour « aide à l'expérimentation de projets innovants ». « C'est le troisième étage de la fusée », explique Jean-Paul Plan-chou, vice-président en charge de l'économie.

Au premier étage, il existe en effet déjà les fonds d'amorçage qui permettent de vérifier la faisabilité d'un projet; au second, on trouve les fonds de R&D, et en haut de la pile, dorénavant, il y a les fonds pour valider les projets innovants par l'expérimentation. On teste sur six à dix-huit mois une idée prometteuse en Île-de-France, avec une aide allant jusqu'à 170.000 euros.

Démontrer en grandeur réelle, une nécessité

« Il est fondamental de démontrer à nos clients la validité de nos inventions. Personne n'achète jamais rien sur papier et nous, nous avons besoin de montrer en réel, explique Christian Defay, le patron de MultiToll, une PME de Cergy-Pontoise. Une solide PME quinquagénaire qui investit chaque année de 15 à 20% de ses 10 millions de chiffre d'affaires en R&D. Sur sa dernière idée, elle a déjà mis 1 million d'euros et a marié deux technologies : les caméras de lecture de plaque d'immatriculation et la lecture de badges passifs collés aux pare-brise des voitures par antennes UHF. Avec cela elle a mis au point Movcity, qui contrôle le flux des voitures. En gros, on contrôle qui roule, où il roule et s'il en a le droit ou pas.

Après, on sévit ou on réoriente.« En plus de Paris et des grandes métropoles françaises nous avons ciblé trois villes totalement engorgées par les voitures : Moscou, São Paulo et Shanghai. Mais c'est très compliqué même si nous investissons beaucoup sur ces prospects, continue Christian Defay. En France, les collectivités nous reçoivent et aiment le projet. Mais j'ai un peu le sentiment que personne ne veut se lancer en premier. On a beau leur expliquer que l'identification des voitures et la régulation du trafic seront un enjeu considérable pour elles, surtout en termes de santé publique, c'est long. On est presque mieux écouté à Moscou. Peut-être que plus on s'éloigne de Paris, plus le client considère l'innovation et pas la taille de l'entreprise."

Un projet en phase de test
Il faut dire que Moscou a atteint un engorgement maximal : les voitures peuvent ne pas bouger pendant deux ou trois heures et dans des cas urgents, les hélicoptères sont envoyés pour emmener certaines d'entre elles. Mais, pour les Français ou les Russes, MultiToll doit d'abord prouver, en réel, l'efficacité de son système. Il a beau avoir été élaboré dans le cadre de Mov'eo, le pôle de compétitivité transports de l'Île-de-France, cela ne suffit pas. Le test vient de démarrer grandeur nature à Cergy-Pontoise.

Même si le patron de MultiToll ne cache pas qu'il aurait bien aimé le faire dans un ou deux arrondissements de Paris avec des voitures électriques ou hybrides dûment étiquetées et contrôlées pour passer par exemple dans des couloirs de bus (« à quoi ça sert d'acheter une hybride si on reste aussi longtemps que les autres dans les embouteillages! ») ou dans des couloirs protégés comme avec covoiturage.

S'engager dans le risque
Cette semaine, MultiToll fait le show à Moscou en espérant ramener quelques Russes pour voir en vrai les bienfaits de l'innovation. « On ne peut pas vendre de systèmes aussi complexes, si on n'a pas de site de démonstration », conclut Christian Defay.« Il y a eu un retrait du financement privé dans les secteurs à risque, constate Jean-Paul Plan-chou. C'est devenu aujourd'hui un véritable effondrement. Ce n'est plus normal! » Alors Jean-Paul Planchou s'engage un peu dans le risque. Par exemple, avec Green Creative qui vient d'avoir, selon l'expression de Lucile Noury-Soyer, l'une des associées, l'idée d'une « nouvelle approche de la poubelle ». Là on est bien dans le risque, mais le conseil régional finance l'expérimentation.

La nouvelle poubelle est un petit peu moins moche que les poubelles habituelles, mais elle présente surtout l'immense avantage de recycler elle-même ce qu'on y jette. « Nous avons constaté que seulement 1% des gobelets, 50% des bouteilles et 60% des canettes sont recyclées, explique Lucile Noury-Soyer. La raison essentielle de la faiblesse du recyclage relève des lieux de travail, où les gens ne font guère attention au tri. On a donc conçu une poubelle pour ces lieux-là, qui recycle tout cela au fur et à mesure qu'on y jette dedans gobelets, bouteilles et canettes. » Green Creative en est à sa deuxième période d'ex-périmentation. Auparavant, l'entreprise a travaillé avec Procter & Gamble, puis avec Veolia sur des produits comme la récupération des déchets de supermarchés et leur méthanisation. Puis elle fait une première version de sa poubelle révolutionnaire avec le groupe de nettoyage Onet.

Un test régional pour la « poubelle intelligente »

Tout le monde était enthousiasmé mais il manquait 300000 euros pour les tests. Ce coût, malgré les récompenses du prototype dans la plupart des salons professionnels, a fait reculer tous les investisseurs privés. « On a failli abandonner après le salon Pollutec en novembre dernier, avoue Lucile Noury-Soyer devant son prototype baptisé R3D3 pour sa ressemblance avec un robot célèbre. La Région a mis 130.000 euros pour qu'on l'installe et qu'on le teste dans les locaux de collectivités et j'espère qu'on arrivera à en produire une première série dans six mois. »

Marchera? Marchera pas? Nul ne sait. Le jour du test par La Tribune, R3D3 était par exemple en petite forme digestive. À la limite, peu importe. Ce qui compte est de voir la pluie de projets à financer qui s'est abattue sur le conseil régional, faute d'avoir trouvé un euro dans le privé. Du calculateur d'itinéraires pour personnes à mobilité réduite aux plates-formes virtuelles en 3D pour le travail en commun des architectes. La Région et Oséo privilégient les projets ayant une dimension citoyenne : 77% de ceux qui ont été retenus proviennent de TPE, et plus du quart sont des projets « éco-technologiques ». Sur le papier tous ont un réel intérêt. Mais tous présentent des risques. En période de crise, c'est donc le secteur public qui s'y colle...

Commentaires 21
à écrit le 13/05/2013 à 13:10
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Le problème de ce système de financement par le publique vient du fait que les entreprises qui bénéficieront de cet argent sont déjà bancales à l'origine. Les produits ou services vraiment innovants trouvent toujours des privés pour les financer. Ceu...

le 14/05/2013 à 1:43
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Décidément certains ont la mémoire courte, la crise financière a entraîné la crise du crédit interbancaire, vu que chaque banque se méfie du bilan de l'autre. Au final les banques ne financent que les grosses entreprises..avec un capital et une activ...

le 14/05/2013 à 11:26
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Vous n'avez rien compris. On parle d'activités à risque avec des entreprises qui n'ont pas les moyens financiers et pas de produits suffisamment attirant pour être accepté d'emblée par les clients. Ces entreprises ont besoins de capitaux risqueurs ou...

à écrit le 12/05/2013 à 14:55
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Encore de la pseudo recherche pour taxer les automobilistes et faire des zones d'accès réservées et encore des péages... Finalement nous avons mangé notre pain blanc en termes de Liberté!!! Il faudra enlever ce mot de la devise de l'état.

à écrit le 12/05/2013 à 10:14
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D'un côté je préfère que mes impôts aillent dans le soutien au développement de PME de ce type en France qui sont créatrices d'emploi et d'innovation et donc à long terme pourront générer des bénéfices sur lesquels seront prélevés de l'impôt plutôt q...

à écrit le 12/05/2013 à 3:42
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c'est une abherration, car n'oublions pas que ce sont nos impôts que l'on mets dedans !!! si cela est perdu, notre argent est perdu !! mais bien sûr ceux qui n'en paient pas s'en réjouiront !!!

le 12/05/2013 à 10:12
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C'est grâce à ce genre de mentalité frileuse que la France a intelligemment investi dans l'immobilier et la bouffe, des valeurs sures. Par contre, on se fait piquer toutes nos idées parce que c'est quand même trop risqué d'investir dans des innovatio...

à écrit le 12/05/2013 à 1:48
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Quelques exemples qui montrent en France comme ailleurs qu'il n'y pas toujours lieu d'opposer bêtement public et privé mais que les partenariats peuvent très bien fonctionner et déboucher sur des résultats positifs pour tout le monde.

le 12/05/2013 à 3:51
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il est claire que la comparaison est très dogmatique

à écrit le 11/05/2013 à 21:38
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Un pas de plus vers l'économie administrée qui réussit tellement à la France depuis 40 ans...

le 12/05/2013 à 1:54
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L'économie n'était pas particulièrement "administrée" en France depuis 40 ans et pour mémoire la crise vient à l'origine d'un système mis en place par Reagan et de quelques opérateurs de banques qui ont transgressé largement le système pour aboutir a...

le 12/05/2013 à 3:47
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Monsieur Durand, et madame Dupont ferait bien de s'informer : l'économie française est totalement administrée et cela l'a tue !!!! la crise ne vient nullement de Reagan mais de Clinton qui a imposé aux banques les subprimes. et ce ne sont nullement l...

le 12/05/2013 à 10:19
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Il ne s'agit pas d'administrer l'économie, l'ile de france va seulement jouer le role de business angel.On est d'accord que ça devrait être aux banques de faire ça mais elles préfèrent spéculer sur les obligations grecques donc il faut que quelqu'un ...

à écrit le 11/05/2013 à 19:46
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"Le secteur privé étant, là, de plus en plus absent, le conseil régional d'Île-de-France prend désormais le risque de financer ce type de projets" ... Euh... Ben serait-ce parce que le Conseil régional et autres entités capables de lever l'impôt et d...

le 12/05/2013 à 2:02
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Le problème est que l'Etat nous prend de l'argent pour résorber les dégâts économiques que certains privés ont déclenché à l'origine dans des banques américaines qui ont conduit à la crise des subprimes, laquelle a obligé à soutenir ensuite les banqu...

le 12/05/2013 à 3:52
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citoyen pas simpliste ou citoyen TRES simpliste : ce n'est nullement la crise des subprimes qui a provoqué la crise mais la crise sur les dettes publiques créée par le clientélisme politique qui a provoqué la crise. C'est Mme Lagarde qui appellait ch...

à écrit le 11/05/2013 à 16:27
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La vraie question qu'il faut se poser, c'est pourquoi dans ce pays, les entreprises ne peuvent financer leur recherche... Je vous laisse regarder où part l'argent qu'elles dégagent : charges sociales et autres impôts. Après faut pas s'étonner si les ...

à écrit le 11/05/2013 à 12:21
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Entre l'Huchon et la Plan-chou on est servis en Jean-Paul's. Et en plus ils placent notre fric dans des boites qui vont aider à nous coller encore plus de PV dont une partie ira dans leurs poches !! Trop forts.

à écrit le 11/05/2013 à 11:54
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Problème signalé depuis bien longtemps maintenant : quand ca rapporte du fric c'est le privé et les grandes sociétés qui le gagnent (ex parfait : les banques :D) et quand y a plus de sous pour financer la R&D ou qu'on est dans le rouge financièrement...

le 12/05/2013 à 4:02
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si votre banque ne vous prête pas, c'est que vous ne pouvez plus emprunter mais cela ne vous empêche pas d'aller voir Cetelem qui sûrement vous prêtera. c'est pareil pour la recherche, le privé c'est que la mise au point coûtera très cher et plus che...

à écrit le 11/05/2013 à 11:48
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Voila un macro business model, si j'ose dire, qui promet ! Initiative au secteur privé, aide au financement par la collectivité.

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