Les « Pigeons » en veulent plus !

Le gouvernement et les chefs d'entreprise ont bien du mal à recoller les morceaux. Si les relations se sont apaisées, surtout depuis que la fiscalité des plus-values a été corrigée, les entrepreneurs restent très méfiants. Revue de détail des plus, et des moins, des relations entre la gauche et le monde de l'entreprise. Notre dossier spécial anniversaire des "Pigeons".
Sur les 40 propositions émisé lors des Assises de l'entrepreunariat, seules quatre ont été retenues

Est-ce le résultat du timide retour de la croissance, des quelques annonces faites lors des Assises de l'entrepreneuriat ou de la promesse d'une « pause fiscale » ? Toujours est-il que le moral des industriels mesuré par l'Insee remonte. Dans le baromètre La Tribune-LCL-Ipsos, les efforts du gouvernement en faveur des PME sont de mieux en mieux perçus depuis mai dernier.

L'indice a gagné six points entre mai et août pour atteindre 95, son plus haut niveau depuis l'élection de François Hollande. Mieux, lors de la présentation avec Arnaud Montebourg des 34 plans industriels, le président a lancé une nouvelle offensive de charme en se déclarant « le président des entreprises ».

"ll faut maintenant que ces paroles se traduisent en actes concrets »

L'heure est donc à la réconciliation ? Ce n'est pas si simple. « Le discours en direction de l'entrepreneuriat et des chefs d'entreprise a radicalement changé. C'est un bon point. Il faut maintenant que ces paroles se traduisent en actes concrets », avance Philippe Hayat, le fondateur de l'association 100 000 Entrepreneurs, qui fut l'un des acteurs majeurs des Assises de l'entrepreneuriat.

En clair, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), qui permettra d'alléger de 20 milliards d'euros sur deux ans la masse salariale, ne suffit pas. Thibault Lanxade, chef d'entreprise et responsable du pôle entreprenariat et croissance au Medef attend impatiemment la suite.

« Sur les 40 propositions proposées lors des Assises, seules quatre ont été retenues », rappelle-t-il. « Si aimables soient-elles, les paroles ne suffisent pas pour inciter les chefs d'entreprise à prendre des risques. Ils attendent avec angoisse la présentation du projet de budget 2014 pour savoir à quelle sauce ils seront mangés. En attendant, leurs projets d'investissements et d'embauches restent dans les cartons », estime Alain Rosaz, le président de la Fédération des entreprises internationales de la mécanique et de l'électronique (Ficime).

Victoire sur la taxation des plus-values

Les « pigeons » ont obtenu gain de cause sur leur combat initial, la taxation des plus-values de cessions d'actions de société. Difficile pour eux de ne pas admettre que François Hollande, lors des Assises de l'entrepreneuriat, fin avril, a fait mieux que corriger le tir.

L'impôt dû théoriquement au fisc sera en effet réduit en fonction de la durée de détention de titres. Il pourra ainsi être diminué de 85 %, s'agissant des PME. La plus-value n'est imposée, dans ce cas, qu'à hauteur de 15 % de son montant théorique... Quand le chef de l'État a fait ses annonces, la fièvre médiatique de l'automne 2012 était largement retombée : si le « cadeau » n'a pas fait l'objet de beaucoup de commentaires, le geste n'en est pas moins réel.

L'imposition à 62% n'était qu'un cas extrême

Du point de vue des « pigeons », il ne s'agit que d'un retour à une situation normale. Il est vrai que l'imposition des plus-values de cession à hauteur de 62 %, prévue dans certains cas par le projet de loi de finances pour 2013 - addition du taux marginal de l'impôt sur le revenu, auquel sont soumis désormais les plus-values et des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, portés à 15,5 % par Nicolas Sarkozy - était à coup sûr exorbitante. Mais ce n'était là qu'un cas de figure, extrême.

Les « pigeons » ont d'autant plus gagné que l'impôt sur les plus-values sera in fine souvent moins lourd qu'il ne l'était sous Nicolas Sarkozy. Un investisseur dans une PME -c'est bien ce dont il s'agit - bénéficie rétroactivement, à compter du premier janvier 2013, d'un abattement de 50 % sur l'impôt dû, un an après l'acquisition des titres.

Autrement dit, s'il dispose de revenus très importants et paie le maximum d'impôt - y compris la surtaxe Sarkozy de 4 % -, il voit dans ce cas ses plus-values imposées à hauteur de 42 %, soit quasiment le niveau fixé par Nicolas Sarkozy en fin de mandat.

Si les titres sont conservés au moins quatre ans, l'imposition globale tombe à 35,25 %. Après huit ans de détention des actions, l'impôt total - y compris les prélèvements sociaux - est de 26,25 %. Soit une franche diminution par rapport à la législation Sarkozy.

En outre, le critère définissant une PME est apprécié de façon souple : il faut investir dans une PME de moins de dix ans, mais c'est la situation de l'entreprise à la date de l'achat des titres, et non lors de leur revente, qui est pris en compte. Peu importe que l'entreprise ait alors pris de l'âge et du poids. Le système d'imposition est certes encore très compliqué, mais la facture fiscale est devenue plus supportable.

Politique industrielle : un manque de cohérence

Si l'affaire des plus-values semble réglée, d'autres combats continuent de mobiliser les « pigeons ». Ceux-ci ont soutenu leurs petits frères, les « poussins », association de défense du million d'auto-entrepreneurs menacés par le projet de loi Pinel, poussé par le lobby des artisans.

Un crédit d'impôt innovation ayant une assiette plus large pour les PME innovantes

Autre sujet de mobilisation, la réorientation de l'épargne vers l'investissement productif. Ils plaident pour une réforme fiscale de l'assurance-vie pour que les gros contrats financent plus les PME et le capital-risque. Autre crainte des patrons de la nouvelle économie, le manque de clarté de la définition de l'innovation, pour obtenir le crédit d'impôt recherche, souvent contesté lors des contrôles de l'administration. Ils espèrent la création d'un crédit d'impôt innovation ayant une assiette plus large pour les PME innovantes.

Mais tout ne va pas si mal. Le pacte national de croissance lancé en novembre sur la base du rapport Gallois, qui a donné naissance au CICE pour la compétitivité, et le prolongement de 12 milliards d'euros du grand emprunt cet été sont plébiscités. Et, en attendant les conclusions du rapport Lauvergeon sur les technologies de rupture, les 34 plans d'Arnaud Montebourg pour dynamiser les filières industrielles de demain sont bien reçus, malgré une approche un peu colbertiste.

« C'est une excellente initiative. La méthode consistant à identifier des projets réalistes avec un État qui ne joue pas le rôle de grand Manitou mais laisse l'initiative au privé est bonne », estime André Choulika, le président de France Biotech, l'association des entreprises de biotechnologies. Mais, reproche-t-il, « ces efforts sont gâchés par d'autres mesures qui vont totalement à l'encontre de la création de richesses. C'est notamment le cas du projet de taxe sur l'excédent brut d'exploitation que le gouvernement souhaite créer. S'il voulait brider l'investissement des entreprises qui veulent investir et innover, le gouvernement ne s'y prendrait pas autrement. C'est inadmissible. »

Thibault Lanxade va plus loin : « En clair, parce qu'il coûte cher aux finances publiques et qu'il ne cesse d'encadrer l'activité des entreprises, ce colbertisme effréné justifie un niveau élevé des prélèvements obligatoires et la remise à demain des réformes qui pourraient permettre à l'État de créer un terreau véritablement favorable à l'entrepreneuriat. »

Marché du travail : pas de « big-bang » en vue

Sans conteste, l'accord national interprofessionnel sur la sécurisation du marché du travail du 11 janvier, devenu une loi, va dans le sens souhaité par les entrepreneurs : plus de flexibilité pour l'employeur, qui a la possibilité de conclure un accord permettant de modifier temps de travail et salaires lorsque la conjoncture se dégrade.

Mais l'impact sur les PME et les start-up est jugé insuffisant et il est très peu probable, pour l'instant, que le gouvernement aille plus loin dans la réforme du marché du travail. Michel Sapin, le ministre du Travail, y est totalement opposé, au grand dam du patronat. Le contrat d'avenir, le contrat de génération et le contrat franc sont à l'heure actuelle les principales réponses à la lutte contre le chômage, en particulier des jeunes, en attendant le retour durable de la croissance.

« Même si je peux comprendre qu'il réponde à une situation d'urgence, le contrat d'avenir lance un message négatif aux jeunes. Cela revient à leur dire : vous ne vous en sortirez pas tout seuls, on est obligé de vous trouver des emplois de seconde catégorie qu'on subventionne... En faire l'élément clé de la "boîte à outils" serait une aberration. Aidons plutôt ces jeunes à entreprendre, à définir et porter leur projet. Éliminons également les rigidités qui bloquent l'embauche dans les entreprises. Il ne faut pas que les jeunes générations se désespèrent. Ils valent bien mieux que ça », s'insurge Philippe Hayat.

Simplification : toujours dans les cartons

Là encore, le bilan est mitigé. Certes, le président de la République a bien décrété un moratoire général sur les normes en avril et l'arrêt de l'inflation législative. Avec la suppression de l'indicateur 040 de la Banque de France décidée lors des Assises de l'entrepreneuriat, les chefs d'entreprise ont désormais droit à la « seconde chance » après un premier échec.

Mais au-delà de cette nouveauté, concrètement, le plus dur reste à faire, tant les chefs d'entreprise se disent submergés par la paperasse administrative. Aucun coup de balai, aucun grand soir n'est à l'ordre du jour.

« Le choc de simplification que nous appelons "plan oxygène" est encore à l'état de projet, c'est regrettable. Pendant qu'ils répondent aux demandes toujours croissantes de l'administration fiscale et sociale, les chefs d'entreprise ne cherchent pas de nouveaux clients, ne réfléchissent pas à la stratégie de l'entreprise », regrette-t-on chez CroissancePlus, l'association qui fédère les entreprises en forte croissance.

Toutes les organisations patronales s'insurgent aussi contre le projet de loi Hamon qui prévoit l'instauration d'un droit d'information obligatoire des salariés deux mois avant la cession de l'entreprise, et ce quelle qu'en soit la taille.

« Cette mesure fragiliserait l'entreprise en rendant plus complexe et en empêchant la préparation de la cession dans la confidentialité. De plus, la nullité de la cession en cas de non-respect de cette nouvelle obligation nous semble disproportionnée et attentatoire à la liberté d'entreprendre », explique la CGPME.

Pour en atténuer les effets négatifs, la confédération propose de limiter ce droit d'information obligatoire des salariés aux seuls cas d'absence de repreneurs, et ce afin d'éviter qu'une entreprise viable ne disparaisse faute de repreneur.

Finalement, l'exécutif laisse se poursuivre les chantiers lancés lors du quinquennat précédent. C'est par exemple le cas de la déclaration sociale nominative (DSN) - un processus quasi unique de collecte des données sociales relatives aux salariés par les organismes de protection sociale et les administrations - qui ne sera obligatoire qu'en 2016. Quant aux freins structurels au développement des entreprises, tels que les trop nombreux seuils sociaux, ils ne sont pas encore passés dans le viseur de l'exécutif.


>> DOSSIER SPÉCIAL "PIGEONS"

Commentaire 1
à écrit le 30/09/2013 à 6:10
Signaler
On croit rêver ! Y a que les français pour inventer des usines fiscales pareille : si ma femme est née un jour pair et que la somme de l'âge de ses 2 enfants est impair alors son IS sera égal à la somme de son âge, avec abattement de 50%, plus un qua...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.