La Chancellerie des universités de Paris sera-t-elle supprimée ?

La Cour des comptes plaide pour la suppression de cette institution en raison de l’inefficacité de la gestion de son patrimoine. L’attribution opaque des logements dont elle assure la gestion ainsi que le pillage d’une partie du patrimoine mobilier sont dénoncés.
Fabien Piliu
La Chancellerie, dont voici la photo de groupe, est dans le collimateur de la Cour des comptes

La course aux 50 milliards d'euros d'économie entraînera-t-elle la fin de la Chancellerie des universités de Paris ? C'est probable. Si la Cour des comptes avait précédemment recommandé la suppression des chancelleries des universités, à l'exception des plus importantes d'entre elles, notamment celle de Paris, son jugement a changé après le contrôle effectué en 2012-2013.

Des institutions créées en 1971

A quoi servent les Chancelleries d'universités ? Créées en 1971, ces institutions discrètes ont notamment pour mission la gestion des biens et charges indivis entre les nouvelles universités mises en place à la suite de la loi Edgar Faure du 12 novembre 1968. Les trente chancelleries existantes sont des établissements publics nationaux à caractère administratif, placés sous la tutelle du ministre chargé de l'enseignement supérieur et dirigés par les recteurs d'académie, chanceliers des universités. Si la plupart d'entre elles ont un budget annuel inférieur à 50.000 euros, la Chancellerie parisienne, qui compte 60 agents dans ses effectifs et dispose d'un budget de fonctionnement de 14 millions d'euros, est de loin la plus importante. Elle gère le patrimoine provenant de l'ancienne Université de Paris, un patrimoine appartenant à l'indivision des treize universités qui comprend 15.544 mètres carrés de locaux à Paris, " bien situés ", dont les deux tiers sont destinés à l'habitation, le reste étant affecté à des usages professionnels ou commerciaux. La Chancellerie parisienne administre également le palais académique de la Sorbonne mais elle assure aussi, comme elle le précise sur son site Internet, la coordination des établissements d'enseignement supérieur. Elle définit les objectifs de la politique académique et est garante de la marque Sorbonne dont elle assure la protection et le développement.

Que reproche la Cour des comptes à la Chancellerie ?

" Cet établissement public n'a pas démontré sa capacité à administrer efficacement les biens immobiliers qui lui étaient confiés, et sa gestion, malgré des améliorations ponctuelles, a continué de souffrir de nombreuses carences. Le positionnement de la Chancellerie est devenu anachronique tant par rapport à l'État que vis-à-vis des universités dont l'autonomie est aujourd'hui renforcée ", estime la Cour.

Concrètement, les loyers pratiqués par la Chancellerie sont, en moyenne, à un niveau inférieur à la valeur basse du marché pour les appartements de type F1 ou F2 et légèrement au-dessus de ce niveau pour les appartements de type F3 ou F4 et plus. S'ils se situaient dans la valeur moyenne, ils procureraient à la Chancellerie des revenus supérieurs de près de 14 % et, dans la valeur haute, de 34 % à la situation actuelle.

A cette optimisation défaillante de la gestion du parc locatif, s'ajoute une attribution opaque de ces logements. " La procédure d'affectation des logements apparaît peu transparente. Ainsi la Chancellerie a indiqué à la Cour qu'elle n'était pas en mesure de fournir une liste des personnalités hébergées dans ces immeubles, le choix des locataires revenant, d'après elle, exclusivement à son mandataire. L'examen de la liste des baux montre cependant qu'une dizaine de locataires de ces appartements ont un lien avec les ministères chargés de l'éducation nationale ou de l'enseignement supérieur et ont pu accéder au parc locatif de la Chancellerie grâce à leurs fonctions. Certains d'entre eux ont, par ailleurs, facilité l'accès de ces logements à leurs enfants. Aucun des immeubles gérés actuellement par la Chancellerie n'était, à son entrée dans le patrimoine de l'université de Paris, particulièrement destiné à l'hébergement de hauts fonctionnaires du ministère ni même de professeurs des universités », précise la Cour.

Une bibliothèque affiche 312.9209 de frais de fonctionnement pour 329 lecteurs !

La Cour remet également en cause la gestion de la Chancellerie de plusieurs dizaines de milliers d'objets mobiliers, dont la majeure partie provient de l'ancienne Université de Paris et appartient à l'indivision des treize universités franciliennes. Administré par la bibliothèque littéraire Jacques-Doucet, place du Panthéon, le fonds littéraire donné en 1929 à l'Université de Paris par le mécène Jacques Doucet affichait en 2012 un budget de fonctionnement de la bibliothèque de 312.929 euros, dont 182.099 euros pour le personnel propre de l'établissement public pour... 329 lecteurs inscrits

Ce n'est pas tout. Une partie du patrimoine mobilier aurait pu être l'objet de pillages, seuls les objets de la donation du duc de Richelieu classés monuments historiques ont fait jusqu'à présent l'objet d'un récolement. "L'inventaire effectué en 2003 par l'administration des affaires culturelles a pris acte de la disparition de sept objets dont cinq tableaux du XIXème siècle et d'une chaise signée Lelarge, mais aucune recherche particulière ni dépôt de plainte n'ont été effectués après ce constat. À la demande du ministère, la Chancellerie procède depuis 2011 à l'inventaire des biens mobiliers provenant de l'ancienne Université de Paris, dont beaucoup ont disparu depuis son éclatement. D'après la Chancellerie, à la date du 3 juin 2013, 50 % des biens avaient été identifiés et localisés. Jusqu'à une date récente, les registres d'inventaire n'étaient pas tenus avec la rigueur nécessaire. Il est donc urgent, 42 ans après la création de la Chancellerie des universités de Paris, de moderniser l'inventaire de ces biens, d'accélérer leur récolement et d'informatiser les bases de données correspondantes ", constate la Cour.

Créer une nouvelle organisation

Au regard de ces éléments, de ces erreurs des gestion, de l'absence de stratégie immobilière, les recommandations de la Cour sont claires. " Le système actuel doit laisser la place à une nouvelle organisation qui pourrait être fondée sur deux principes : assurer en priorité une valorisation efficace du patrimoine indivis au bénéfice des universités qui en sont propriétaires, sans craindre de céder la plupart des actifs immobiliers et de mettre fin à l'indivision ; confier aux services du rectorat les missions effectuées actuellement par l'établissement public pour le compte de l'Etat. Concrètement, la Cour recommande de supprimer l'établissement public de la Chancellerie des universités de Paris " .

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Fabien Piliu
Commentaire 1
à écrit le 11/03/2014 à 2:46
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Eclairant, édifiant...Merci pour l'info

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