A la veille d'une troisième séance de négociations avec les syndicats sur l'assurance chômage, Medef, CGPME et UPA leur ont transmis leurs suggestions pour "réformer en profondeur" le système, dans un document révélé par le journal Les Échos.
Vives réactions
Ces propositions ont provoqué de vives réactions du gouvernement et des syndicats ce jeudi, au démarrage des négociations. "Ce n'est pas en période de chômage que l'on va dégrader les indemnités chômage", a réagi Jean-Marc Ayrault, accusant au patronat de jouer les "casse-cou".
Très remontée, la CGT a pour sa part appelé "les salariés, les précaires, les demandeurs d'emploi, les intérimaires, les intermittents à se préparer à un rapport de force", selon les termes d'Eric Aubin, chargé des négociations pour le syndicat, avant de déchirer devant les caméras un projet qu'il juge "inacceptable".
"Ne rien faire dans la période actuelle, c'est prendre le risque dès 2017 de remettre en cause l'existence même de l'assurance chômage", plombée par un lourd déficit et une dette proche de son niveau record, s'est justifié le négociateur du patronat, Jean-François Pilliard.
Intermittents et intérimaires dans le régime commun
Le patronat met ainsi sur la table le dossier très sensible du régime spécial - et déficitaire- dont bénéficient les intermittents, régulièrement pointé par la Cour des Comptes en raison de son coût.
A leurs yeux, "rétablir l'équité" entre demandeurs d'emploi passerait par le respect du principe d'"indemnités chômage égales à cotisations égales". Ils suggèrent donc d'aligner le régime des intermittents sur le régime général. A charge pour l'État d'assumer le "surcoût du traitement plus favorable" réservé aux intermittents s'il le juge nécessaire "au nom de l'intérêt général".
Ils souhaitent de la même façon réintégrer le régime spécial des intérimaires dans le régime commun.
La CGT-spectacle a immédiatement appelé à la "riposte", soulignant "les engagements" du gouvernement en faveur d'un maintien des règles d'indemnisation spécifique pour les intermittents. Quant à la négociatrice de la CFDT, Véronique Descacq, elle a fermé la porte à toute négociation sur ce point, estimant que qu'il "ne fait pas partie de la négociation".
Modulation des droits des demandeurs d'emploi
Le patronat déplore par ailleurs que le système d'indemnisation des chômeurs soit "aveugle à la conjoncture économique". Il juge donc qu'il faudrait moduler les droits des demandeurs d'emploi et la durée de leur indemnisation en fonction du niveau de chômage.
Actuellement, la règle qui prévaut est celle d'un jour indemnisé pour un jour cotisé. De son point de vue, avec un taux de chômage supérieur ou égal à 12%, on pourrait passer à 1,2 jour indemnisé pour un jour cotisé. Mais avec un chômage à 9%, on tomberait à 0,8 jour indemnisé pour un jour cotisé.
De la même façon, la durée maximale d'indemnisation et la durée minimum de travail donnant droit à allocations pourraient varier en fonction du taux de chômage.
Participation de l'État au financement
Notant que dans la plupart des pays de l'OCDE, les États participent au financement de l'assurance chômage, contrairement à la France, le patronat propose encore que tous les employeurs publics cotisent à l'Unedic pour les agents contractuels (employés par l'administration mais sans le statut de fonctionnaires).
Il voudrait aussi ouvrir une concertation avec l'État sur sa participation financière au régime d'assurance chômage, actuellement uniquement abondé par les cotisations des salariés et des employeurs du privé.
Mesures incitatives au retour à l'emploi
En outre, il aimerait revoir les règles permettant de cumuler allocation chômage et activité réduite, afin que le dispositif incite plus à reprendre un emploi. Dans ce but, le cumul entre salaire et indemnités chômage ne pourrait dépasser 80% de l'ancienne rémunération nette du chômeur.
Parmi ces propositions, "il y a un certain nombre de sujets méritant d'être traités", comme celui de l'activité réduite ou du régime des intérimaires, mais à plus longue échéance, a relevé Véronique Descacq. Car l'absence de visibilité sur la croissance et l'emploi ne se prête pas "à une réforme structurelle dans les semaines qui viennent".
Pour elle, l'objectif principal de cette négociation reste la mise en place des "droits rechargeables", dont le principe a déjà été acté par les partenaires sociaux.
Les "droits rechargeables" doivent permettre aux chômeurs qui retrouvent un emploi sans avoir épuisé leurs droits de les conserver, au moins en partie, et de les cumuler avec leurs nouveaux droits s'ils retombent au chômage.
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