Valls menacé de blocages par les syndicats, pressé d'agir par le patronat

Par latribune.fr  |   |  947  mots
FO craint que la baisse des cotisations patronales et salariales ne mette en danger l'avenir du financement de la protection sociale. (Photo : Reuters)
Force ouvrière a annoncé qu'elle ne participera pas à la conférence sociale annoncé pour l'été, si celle-ci doit porter seulement sur le Pacte de responsabilité. La CGT a menacé une mobilisation, si l'emploi et le salaire ne sont pas inscrits à l'ordre du jour.

Opération séduction... ratée? Reçues ce vendredi par Manuel Valls et les ministres de l'Economie, du Travail et de la Fonction publique, la CGT et Force ouvrière (FO) sont restés "sur leur faim", selon l'agence Reuters.

Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, a annoncé qu'il n'était pas question pour son organisation de participer à la conférence sociale annoncée par Manuel Valls pour le début de l'été, s'il s'agissait spécifiquement d'une réunion sur le Pacte de responsabilité, qui prévoit moins de charges pour les entreprises en échange d'embauches et d'investissements de la part des entreprises.

Craintes pour le financement de la protection sociale

Ce n'est pas seulement la logique du Pacte que conteste la FO, mais aussi "les risques sérieux sur les prestations sociales" que celui-ci impliquerait. Les baisses de cotisations sociales patronales - à hauteur de 10 milliards d'euros -  et salariales, sur lesquelles il est fondé, mettraient en effet en danger l'avenir du financement de la protection sociale, craignent la FO et la CGT.

Selon Jean-Claude Mailly, le gouvernement envisage notamment de baisser les cotisations patronales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles, ainsi que les cotisations retraite des salariés modestes. L'entourage du Premier ministre a toutefois fait savoir que ces exonérations "n'auraient aucune incidence sur les droits à la retraite des salariés" et seraient compensées par l'Etat.

En outre, les représentants salariaux déplorent que le Premier ministre n'ait pas précisé la façon dont il compte relever le défi imposé par François Hollande de relancer l'emploi et l'investissement tout en réduisant les dépenses publiques de 50 milliards d'euros en trois ans. "Malheureusement, nous en sommes encore au questionnement", a ainsi commenté Thierry Lepaon, secrétaire général de la CGT.

Menace d'une mobilisation de rue

FO et la CGT, hostiles au Pacte de responsabilité, veulent donc mettre aussi l'emploi, les salaires, les services publics et la protection sociale à l'ordre du jour de la prochaine conférence sociale.

Reçu en premier, Thierry Lepaon, a brandi la menace d'une mobilisation dans la rue sur ces thèmes, en particulier pour exiger des négociations salariales.

"Il faut que les salariés fassent irruption sur le terrain social", a-t-il dit. "Ils auront l'occasion de le faire le 1er mai mais aussi dans plusieurs journées interprofessionnelles et professionnelles que nous allons organiser."

L'appel de la CFTC au patronat

De son côté, la CFTC a pris ses distances avec les appels à la mobilisation de la CGT.

"Je pense qu'il faut que ce soient les entreprises qui se mobilisent. Je ferais plus un appel à M. Gattaz", le président du Medef, a déclaré le président du syndicat, Philippe Louis, cité par Reuters. "Il faut que M. Gattaz demande à ses entreprises de se mettre autour de la table."

Le président s'est en effet dit frustré par la lenteur des négociations dans les branches sur les contreparties du pacte en matière d'emploi, prévues dans un accord signé par la CFTC et la CFDT avec le patronat.

"On a des retours de nos négociateurs selon lesquels, quand des négociations s'engagent, on est plus sur le maintien d'emplois que sur la création d'emplois", a expliqué Philippe Louis. "On a demandé au Premier ministre de raisonner le patronat et de le mettre autour de la table. Je pense que le Premier ministre est conscient du bras de fer qui est en train de s'engager avec le patronat", ", a-t-il ajouté.

Le Medef pointe la "nervosité" des chefs d'entreprise

Du côté des patrons, le Pacte de responsabilité et les réductions de dépenses publiques recevaient un accueil plus positif. Pour sa part, le président du Medef, Pierre Gattaz, a dit avoir demandé que les mesures de renforcement de la compétitivité des entreprises prévues dans le Pacte de responsabilité soient "impérativement" inscrites dans la loi "avant l'été".

"Nous avons rappelé l'urgence de la situation économique du pays et la grande nervosité des chefs d'entreprise que nous voyons tous les jours, qui ne voient rien venir et qui sont toujours en crise", a déclaré Pierre Gattaz à l'AFP, à l'issue de sa rencontre avec Valls.

La CGPME demande d'abaisser plus rapidement le taux de l'IS

Le président de la CGPME, Jean-François Roubaud, a dit soutenir le pacte, qui "va dans le bon sens", tout en regrettant un volet fiscalité trop orienté vers les grandes entreprises. Il a également jugé trop lointain l'horizon de 2020 fixé par Manuel Valls pour l'abaissement du taux nominal de l'impôt sur les sociétés (IS) à 28% au lieu de 33,3%, en souhaitant qu'une étape intermédiaire "de l'ordre de 30%" en 2016 soit annoncée "très rapidement".

Les artisans souhaitent une accélération du calendrier

Quant aux artisans, ils ont aussi demandé au Premier ministre d'accélérer le calendrier du pacte de responsabilité et d'adopter des mesures immédiates face aux "disparitions" d'entreprises artisanales.

"Nous lui avons dit que 2015, c'est trop tard, 2016 c'est encore beaucoup trop tard. C'est immédiatement qu'il faut que des mesures soient prises, avec un budget rectificatif éventuellement", a déclaré à l'AFP Jean-Pierre Crouzet, le président de l'organisation patronale des artisans, l'UPA. "Compte tenu aujourd'hui du nombre d'entreprises qui disparaissent, il y a urgence", a-t-il insisté.

"Le Premier ministre a été attentif à nos propos mais nous attendons maintenant les décisions qui seront prises : nous allons les suivre et de très près", a averti le représentant des artisans, rappelant que ces derniers sont forts de 1,3 million d'entreprises et 4 millions de personnes.