Hollande-Montebourg : la fin du jeu de dupes

Le départ annoncé d'Arnaud Montebourg du gouvernement met fin à un jeu de dupes qui servait les intérêts du ministre et de l'Elysée. Et qui n'avait plus lieu d'être.
La rupture entre François Hollande et Arnaud Montebourg est consommée.

En « s'excluant » de fait du gouvernement, Arnaud Montebourg est allé au bout de sa logique. Celle consistant à chercher à infléchir de l'intérieur la politique de François Hollande. En réalité, depuis 2012, le Bressan et le Corrézien jouent (volontairement) un jeu de dupes.

Un « ministre sans portefeuille »

Car du côté de l'Elysée, on a toujours considéré Arnaud Montebourg comme ce que l'on appelait sous les 3ème et 4ème républiques un « ministre sans portefeuille », maroquin qui n'avait d'autres fonctions que d'assurer la fidélité d'un groupe de député au gouvernement. Avec la présence d'Arnaud Montebourg au gouvernement, François Hollande s'assurait à bon compte le soutien de l'aile gauche du PS à ce « socialisme de l'offre » qu'il entendait mener. Aussi, à la différence des habitudes de la 5ème république (que l'on songe à Jean-Jacques Servan-Schreiber, Alain Madelin ou Jean-Pierre Chevènement), laissait-on le bouillant ex-député de Saône-et-Loire pester contre une politique qui était celle de son propre gouvernement. On le laissait ainsi également dénoncer la politique d'une Allemagne que, par ailleurs, on cherchait par tous les moyens concrets à caresser (que l'on songe à la ratification du pacte budgétaire, pacte de responsabilité, passivité dans les conseils européens...).

Le leurre du ministère de l'Economie

L'acmé de cette stratégie a été la nomination d'Arnaud Montebourg au « ministère de l'Economie. » Perçu un peu trop rapidement par certains analystes comme une victoire de la ligne du Bressan, cette nomination était proprement un leurre. La réalité du pouvoir, là où se faisait la politique économique restait entre les mains du ministère des Finances confié au très fidèle Michel Sapin. C'est lui, et non Arnaud Montebourg, qui allait à Bruxelles négocier avec la Commission la marge de manœuvre de la France sur le plan budgétaire. C'est lui, et non Arnaud Montebourg, qui définissait les choix budgétaires et donc économiques du pays. C'est lui enfin qui était l'interlocuteur de Wolfgang Schäuble, le véritable dirigeant économique de la zone euro aujourd'hui. En conséquence, jamais Arnaud Montebourg n'a pu peser sur les destinées économiques du pays. Il était, comme lorsqu'il était ministre délégué au redressement productif, réduit à inaugurer des labels et à faire la tournée des PME « innovantes. »

Prouver l'incapacité à peser de l'intérieur

Arnaud Montebourg était-il dupe du rôle qu'on lui faisait jouer ? Sans doute pas, mais, soutien de François Hollande pendant les primaires socialistes, il se devait, avant de rompre, prouver par les faits qu'il était impossible de peser « de l'intérieur » sur la politique du gouvernement. Aussi a-t-il cherché en permanence la rupture pour éprouver la capacité de résistance de François Hollande. Cette stratégie d'attente était pour lui absolument nécessaire pour gagner en crédibilité et, in fine, apparaître comme une alternative au « socialisme de l'offre » du duo Valls-Hollande. Une fois à l'extérieur du gouvernement, personne ne pourra reprocher au Bressan de ne pas avoir « essayé », de ne pas s'être frotté à la pratique gouvernementale, de n'être qu'un excité prônant l'impossible. Pour Arnaud Montebourg, il s'agissait de désamorcer cette éternelle accusation que les socialistes « réformistes » adressent depuis plus d'un siècle à leur gauche : celle de l'irresponsabilité.

Bon moment pour la rupture

Or, le moment est particulièrement bien choisi pour Arnaud Montebourg pour franchir le Rubicon. Car son discours est, quoi qu'on en dise en France, de plus en plus crédible. La critique de la politique menée en zone euro sous la pression allemande prend de l'ampleur. Le président du conseil italien Matteo Renzi réclame à nouveau que l'on modifie le calcul des déficits en excluant les dépenses d'investissement. Le nouveau président de la Commission promet un plan de relance. Et, surtout, vendredi, dans son discours de Jackson Hole, Mario Draghi a appelé, pour la première fois, les gouvernements de la zone euro à soutenir sa politique monétaire par une politique de soutien à la demande. Pendant ce temps, Paris semble toujours tétanisée par sa crainte de déplaire à Berlin et refuse de se mêler à ce mouvement. Ainsi, lors du conseil européen, François Hollande n'a guère soutenu les exigences de Matteo Renzi. Par ailleurs, le président français a affirmé « maintenir la ligne » après les Européennes et a nommé son ancien ministre des finances, Pierre Moscovici, « le grand ami » de Wolfgang Schäuble (et le seul Français acceptable à ses yeux pour les affaires monétaires), à la Commission européennes. Bref, Arnaud Montebourg peut sortir du gouvernement en représentant une alternative crédible au « socialisme de l'offre. » C'est ce qu'il cherchait.

Un Montebourg devenu gênant

Du côté de l'Elysée, la voix dissonante du Bressan était de moins en moins acceptable alors que le gouvernement cherche à créer une unité d'action et à renforcer la clarté de son action. Au moment où le gouvernement entreprend un "détricotage " de plusieurs de ses mesures comme la loi Duflot. Vis-à-vis de Berlin, Arnaud Montebourg rendait la position de Paris impossible par ses attaques. La presse allemande s'est souvent émue des propos du futur ex-ministre. Or, Paris veut négocier avec l'Allemagne sa bienveillance sur le plan budgétaire. Elle veut donc ménager toujours plus Angela Merkel. C'est le fond de la dissension entre le Bressan et le Corrézien : le premier pense que la confrontation avec l'Allemagne est plus efficace que les caresses. L'autre envisage l'inverse.

Et maintenant ?

Que va-t-il en faire ? C'est toute la question. Désormais, l'ex-ministre ne pourra pas être discret. Il incarne une opposition claire à la ligne gouvernementale et une alternative à cette dernière. Est-ce compatible avec le maintien dans la majorité ? Le Bressan est-il prêt à la rupture ? Les députés PS le suivront-ils ? De la réponse à ces questions dépend l'avenir du gouvernement.

Commentaires 13
à écrit le 26/08/2014 à 12:30
Signaler
on devrait donc remplacer un hollande démago promettant beaucoup et tenant peu de ses promesses par un super autre démago dont la tête égale son tour d'estomac qui promet encore plus et nous assure qu'on va raser gratis...une majorité de français do...

à écrit le 26/08/2014 à 11:08
Signaler
Du balai pour ce politicard nombriliste !!! C'est un soulagement pour la France !!! Qu'il aille faire ses pitreries ailleurs....

à écrit le 26/08/2014 à 8:33
Signaler
que des comédiens dans ce gouvernements, ou des incapables, OU des 2 !!

à écrit le 25/08/2014 à 17:30
Signaler
Le discours de Montebourg crédible? Pour moi c'est de la démagogie pure, rien de crédible.

le 25/08/2014 à 19:24
Signaler
@Mougeon Pas sûr, pas sûr du tout, attendez-vous de savoir comme disait l'excellente g Tabouis!

à écrit le 25/08/2014 à 16:32
Signaler
Les Parlementaires et ex Ministres socialistes et verts qui ne veulent plus suivre Hollande Valls sont courageux, il faut leur reconnaître leur courage et leur abnégation d'hommes et de femmes d'Etat ; Nous regrettons de ne pas avoir vu les UMP et N...

à écrit le 25/08/2014 à 16:00
Signaler
La bourse n'a pas bronché après la démission de gouvernement. La droite est heureuse, la gauche libérale est soulagée, le BCE, Merkel et ses industriels apprécient. Normal, la finance a gagné, la politique allemande a gagné et les retraités alleman...

le 25/08/2014 à 16:10
Signaler
On est les meilleurs ,cocorico, mais aussi pour les impôts et le chômage .

le 25/08/2014 à 20:24
Signaler
"La bourse n'a pas bronché après la démission de gouvernement.". La bourse a pris 2% a la fin de la journee. Avec un tel chiffre, on pourrait presque parler du pot de depart de la "gauche de la gauche".

à écrit le 25/08/2014 à 15:48
Signaler
Tout à fait d'accord. Le discours de Montebourg est de plus en plus porteur. Et quand en plus on va s'apercevoir que la politique de Valls Hollande n'ra strictement aucun effet bénéfique, il va apparaitre comme celui qui avait raison avant tout le mo...

à écrit le 25/08/2014 à 13:52
Signaler
Montebourg croit pouvoir se créer une opportunité pour 2017 (?!) en se montrant mauvais joueur (comme un politique à 'l'ancienne'), plutôt qu'en travaillant correctement et fidèlement dans son ministère... Stupide et incongru!

à écrit le 25/08/2014 à 12:11
Signaler
le journaliste a raison, le discours de montarebourg est de plus en plus credible, tout comme celui de du-flop, dont les brillantes lois commencent a porter leurs fruits, vu que la france va construire 250 000 logements en 2014 et 200 000 en 2015

le 25/08/2014 à 12:42
Signaler
Pour toutes celles et tous ceux qui ont voté pour le père noël en 2012 un discours crédible c'est de continuer à taxer pour filer des salaires à du personnel inutile dans des services étatiques dispensables. On n'est pas encore sorti de l'assistanat ...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.