L'édito de La Tribune : Dégel historique

Par ebenhamou@latribune.fr  |   |  338  mots
L'éditorial d'Eric Benhamou, rédacteur en chef adjoint à La Tribune.

La visite à Taipei de Chen Yunlin, le négociateur en chef chinois chargé des relations avec Taiwan, concrétisée par une série d'accords commerciaux, marque un tournant. Les plus blasés s'attarderont sans doute sur la reprise d'un dialogue interrompu depuis dix ans. Et qu'importe sa profondeur, l'important est de parler, surtout, de savoir se parler entre frères ennemis. Et depuis que le vieux parti taiwanais du Kouomingtang est revenu au pouvoir en mars, chacun prend soin en effet d'éviter les provocations ou les surenchères nationalistes.

Les plus sceptiques n'y verront qu'une énième tentative de rapprochement sous couvert de « business» qui se brisera fatalement, comme auparavant, sur la question de la souveraineté. Mais les plus optimistes tableront sur un vrai dégel historique. Il est bien sûr trop tôt pour mesurer la portée réelle de ces échanges, mais il existe aujourd'hui incontestablement un climat favorable pour que se nouent des liens entre les deux gouvernements.

Tout d'abord, les nouvelles générations au pouvoir, tant à Pékin qu'à Taipei, souhaitent tourner la page d'une histoire parfois trop lourde à porter. Laissons l'histoire aux historiens, et aux politiques le soin de construire l'avenir sur l'examen des intérêts mutuels. Ensuite, la place de la Chine dans le monde a beaucoup changé : elle est de facto un acteur de premier plan du système multilatéral et pourrait enfin assumer toutes ses responsabilités de grande puissance commerciale.

Pour preuve d'apaisement, elle n'a pas opposé de veto de principe aux demandes de Taiwan de rejoindre certaines organisations internationales, comme l'OMS. Une petite révolution en soi. Enfin, les Etats-Unis aussi ont modifié leur regard sur la Chine, devenue l'un des ses principaux partenaire commercial et surtout son premier créancier. L'Amérique ne fait plus de Taiwan un point de crispation mais un enjeu de stabilité et de prospérité économique dans la région. Pour Barrack Obama, c'est clair: c'est aussi en Asie que se joue la stabilité mondiale.