Climat : l'UE retient son souffle

Par EurActiv.fr pour latribune.fr  |   |  1012  mots
Les diplomates européens ont mené des négociations marathon pour trouver un accord sur le paquet énergie-climat avant le sommet décisif de deux jours, qui commence le 11 décembre. Malgré des avancées sur certains points essentiels, il n'est toujours pas certain qu'un accord soit trouvé.

Selon une version provisoire des conclusions du sommet consultée par EurActiv, les centrales nucléaires situées dans des pays qui dépendent du charbon pour plus de 30% de leur production d?électricité pourraient bénéficier de quotas de CO2 gratuits entre 2013 et 2016, tandis que les industries lourdes menacées par la concurrence des pays tiers et la hausse des prix de l?électricité pourraient obtenir jusqu?à 100% de leur permis de polluer gratuitement dans le cadre du système ETS après 2013.

Par ailleurs, les Etats membres pourraient être autorisés à allouer jusqu?à deux tiers de leurs obligations de réduction des émissions de CO2 dans des secteurs non concernés par le système ETS, comme l?agriculture. Il s?agirait d?investir dans des projets "de développement propre" dans des pays tiers, grâce à un système coordonné par les Nations Unies et appelé "Mécanisme de développement propre" (MDP).

L?un des éléments-clés de l?accord sur le paquet sera la question du «fonds de solidarité», qui prévoirait de redistribuer jusqu?à 10% des sommes collectées dans le cadre des enchères ETS pour aider les Etats membres les plus pauvres à développer leur production d?énergie propre. Nicolas Sarkozy aurait même évoqué le nombre de 12% lors de sa visite en Pologne le 6 décembre.

Paris s?est efforcé de minimiser l?importance des divisions entre les Etats membres lors des négociations sur le paquet climat. Cependant, certains pays comme le Royaume-Uni sont vivement opposés à des instruments tels que le fonds de solidarité. Aussi le représentant permanent du Royaume-Uni auprès de l?UE, Kim Darroch, a-t-il déclaré à des journalistes à Bruxelles, le 10 décembre, ne pas être "enthousiasmé" par ce mécanisme.

Certains considèrent également que la détermination de la France à trouver un accord sur le paquet avant la fin de l?année a donné lieu à des négociations "à tout va", dans lesquelles les Etats membres ont fait toute sorte de demandes pour obtenir des dérogations (EurActiv.fr, 22/10/2008).

L?un des lobbyings les plus intenses a été mené par les industries les plus consommatrices d?énergie telles que les producteurs de ciment, d?acier ou d?aluminium. L?industrie lourde allemande a notamment prévenu que le système ETS entraînerait une telle hausse des coûts d?électricité et de production que les opérateurs seraient forcés de délocaliser leurs usines, leurs emplois et leurs émissions hors de l?UE, entraînant des "fuites" de CO2.

S?il est adopté en l?état, le paquet climat contiendrait des dispositions autorisant les industries lourdes et certains sous-secteurs pour lesquels le risque de fuite de carbone est "important" d?émettre du CO2 gratuitement. Le facteur de risque sera déterminé selon une méthodologie complexe, présentée en près de 3 pages en annexe des conclusions. Le texte prévoit une répartition de l?effort en fonction des hausses de prix de l?électricité envisagées et des niveaux d?exposition à la concurrence possibles avec une législation moins contraignante en matière de réduction de CO2.

La proposition de dérogation de trois ans prévue pour les centrales à charbon en ce qui concerne l?achat de permis ETS vient d?une demande de la Pologne, dont la production d'électricité dépend du charbon à hauteur de 90% (EurActiv.fr, 24/11/2008). Cette mesure pourrait s?accompagner d?une obligation d?investir dans une diversification "de leur mix énergétique et des sources d?approvisionnement pour un montant au moins équivalent à la valeur du marché de l?allocation gratuite", selon le projet.

Jusqu?à 200 millions de permis ETS, normalement réservés aux nouveaux entrants, pourraient également être utilisés pour financer des technologies propres de captage et de stockage du CO2 et d?autres technologies de nouvelle génération pour les énergies renouvelables, indique le document.

L?accord final reste lié aux négociations sur le paquet lors du sommet. Selon de nombreux observateurs, celles-ci devraient durer jusqu?au petit matin du vendredi 12 décembre. Certaines dispositions du projet pourraient par ailleurs être radicalement modifiées.

La chancelière allemande Angela Merkel et le Premier ministre polonais Donald Tusk ont indiqué le 9 décembre que "la possibilité d?un veto s?était réduite", donnant lieu à de nouvelles spéculations selon lesquelles Varsovie et Berlin pourraient "n?en faire qu?à leur tête" pendant les négociations.

Tout accord conclu entre les Etats membres devra être approuvé par le parlement européen (PE), lors du vote en plénière du 17 décembre (lire EurActiv.fr, 5/12/2008). Les principaux députés européens impliqués dans les trilogues ont déjà indiqué leur frustration sur la direction que prennent les négociations.

L?offre de 200 millions de permis ETS pour financer la capture et le stockage de CO2 ne devrait pas impressionner le député britannique libéral Chris Davies, rapporteur du PE sur la directive-cadre dans ce domaine. De leur côté, les organisations non-gouvernementales comme le WWF poussent le parlement à rejeter le paquet si les dispositions relatives à la répartition de l?effort ne sont pas renforcées et si l?on n?oblige pas les industries lourdes à acheter davantage de permis de polluer.

Par ailleurs, la parlementaire chrétienne-démocrate irlandaise Avril Doyle (PPE-DE), rapporteur sur la proposition ETS, a déclaré qu?elle n?accepterait pas un "fait accompli" des Etats membres et a souligné sa détermination à établir des dérogations limitées pour l?industrie, selon des critères stricts.

Cependant, selon de nombreux experts à Bruxelles, il est peu probable qu?une majorité de députés européens décide de bloquer un compromis conclu entre les Etats membres alors que se profilent les élections européennes de 2009.

CALENDRIER
11-12 décembre : sommet européen à Bruxelles
13 décembre : négociations finales en "trilogues' entre la Commission, le Conseil et le parlement
17 décembre : vote en plénière du parlement

 

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