Les paradis fiscaux européens tentent de se défendre face à la pression internationale

Par latribune.fr  |   |  763  mots
La Suisse, le Luxembourg et l'Autriche exigent d'être associés à la discussion concernant la liste des paradis fiscaux établie par le G20. Les trois pays européens, qui pratiquent le secret bancaire, se sont réunis dimanche pour un mini-sommet.

C'est pour tenter d'établir une position commune face aux grands pays industrialisés que la Suisse, l'Autriche et le Luxembourg se sont réunis dimanche dans le Grand Duché. A l'issue de cette réunion, ils ont mis en garde contre toute tentative du G20 de les placer sur une "liste noire" des paradis fiscaux.

"Les débats au sujet du secret bancaire sont menés dans des enceintes dont nous ne faisons pas partie, comme par exemple le G20. Nous exigeons qu'on nous ouvre les portes de ces débats pour voir comment on va établir la liste des paradis fiscaux", a déclaré le ministre luxembourgeois du Trésor, Luc Frieden.

Les trois pays ont confirmé leur volonté de mieux aider à sanctionner la fraude fiscale, affirmant être prêts "à dialoguer pour trouver des pistes communes afin de renforcer la lutte contre les délits fiscaux". Par contre, tous trois ont exclu d'abolir le secret bancaire, à l'origine de la prospérité économique de leur pays, en particulier en Suisse et au Luxembourg. Dans le Grand Duché, les activités financières représentaient en 2007 plus d'un tiers des richesses du pays et près de la moitié des rentrées fiscales.

Le "mini-sommet" a réuni, outre le luxembourgeois Luc Frieden et ses collègues suisse et autrichien des Finances, Hans-Rudolf Merz et Josef Pröll. Le "mini-sommet" a été mis sur pied à l'initiative de la Suisse. Berne cherche avant tout à éviter d'être placé sur une liste noire des paradis fiscaux lors du sommet des grandes puissances du G20 le 2 avril, consacré à la réforme du système financier international.

Ils ont établi un début de position commune sur le secret bancaire avant ce G20 de tous les dangers, où ils pourraient être sérieusement mis en cause. La pression pesant sur ces pays s'est en effet nettement renforcée depuis l'éclatement de la crise financière qui a convaincu la communauté internationale de réguler davantage le secteur bancaire et de lutter contre les paradis fiscaux.

Refus de lever le secret bancaire

Ils sont notamment montrés du doigt pour avoir protégés, grâce à leur secret bancaire, les man?uvres des Madoff et autres escrocs de la crise. L'Allemagne et la France, qui se plaignent de voir de riches contribuables échapper ainsi à l'impôt, ont proposé cette semaine que les pays du G20 mettent fin à leurs conventions bilatérales avec les pays jugés "non coopératifs".

La Suisse est particulièrement dans le collimateur des grands pays de l'Union européenne mais aussi des Etats-Unis. En février, la banque suisse UBS a été contrainte de livrer à Washington les noms de quelque 300 clients américains soupçonnés de fraude fiscale et de payer une amende de 780 millions de dollars. Et le fisc exige que les noms de 52.000 clients supplémentaires lui soient livrés.

Face cette pression, la Suisse, l'Autriche et le Luxembourg sont désormais prêts à lever un coin du voile, en acceptant d'aider à mieux sanctionner les abus. Le ministre suisse des Finances s'est dit cette semaine favorable à ce que son pays élargisse des accords existants sur une imposition indirecte des intérêts des dépôts bancaires des Européens en Suisse. Le Luxembourg, que le président français Nicolas Sarkozy a égratigné à plusieurs reprises sur cette question, est lui prêt "à discuter" d'un aménagement autorisant des administrations fiscales d'autres pays de l'UE à avoir accès à certaines informations bancaires limitées sur leurs résidents.

Mais tout en se défendant de l'accusation d'être des paradis fiscaux, ils refusent l'abolition du secret bancaire. Ainsi la Suisse opposerai une fin de non recevoir aux demandes des Etats-Unis, qui veulent qu'UBS leur livre les identités de quelque 50.000 clients, rapporte le journal Berner Zeitung daté d'hier samedi 7 mars, citant la ministre de la justice suisse. "Le secret bancaire fait partie de notre mentalité sociale, de notre conception de la protection de la sphère privée", a martelé Hans-Rudolf Merz cette semaine.

Dans le cas du Luxembourg et de la Suisse il s'agit surtout de protéger la prospérité des banques dont dépendent l'économie de ces deux pays. Au Luxembourg, les activités financières assuraient en 2007 plus d'un tiers des richesses du pays et près de la moitié des rentrées fiscales. "Le Luxembourg n'est pas prêt à abandonner le secret bancaire même s'il est nécessaire de lutter contre la criminalité fiscale", a récemment clamé le ministre luxembourgeois, Luc Frieden.