De Versailles à Shanghai

La « ville sensuelle », défendue par le pavillon France, regorge de jardins. Rencontre avec Michel Hoessler, un des trois associés de l'Agence Ter, une des premières agences paysagistes de France.

Comment est née cette idée de « la France reçoit dans un jardin » ?
M. H. : Le célèbre paysagiste Jacques Ferrier, avec qui nous avons souvent collaboré, désirait une végétation porteuse de tranquillité, de calme. Une gageure avec un flux attendu de 6.000 visiteurs à l'heure ! Nous avons choisi de les faire patienter plutôt dans la fraîcheur d'un patio végétalisé, se reflétant dans le miroir d'eau central, que dehors.

Versailles à Shanghai, est-ce bien raisonnable ?
M. H. : 95 % des visiteurs seront Chinois, il fallait un archétype du jardin à la française. Versailles nous l'a fourni. La conception est cartésienne : on dompte la nature, on la met en scène, mais des bosquets ménagent aussi la fantaisie. Cependant, la perspective est inversée : le jardin est conçu pour être vu d'en bas. Des colonnes hautes de 14 mètres sont plantées sur leurs quatre faces de milliers de plantes (35 plants au mètre carré). Les espèces varient suivant l'exposition afin d'obtenir un effet différent, et de dessiner des arabesques inspirées des circuits imprimés informatiques. Le végétal s'est glissé dans des endroits qu'il n'occupe pas d'habitude.

Quelles ont été les difficultés techniques ?
M. H. : Il nous a fallus un an pour mettre au point le prototype de notre colonne verte et identifier les plantes capables de résister au climat, froid l'hiver, tropical l'été. Notre horticulteur chinois avait un grand savoir-faire sur la mosaïculture (les parterres de fleurs annuelles composant des dessins), mais nous voulions des vivaces dans un objectif durable. Heureusement, les Chinois utilisent comme nous les noms latins des plantes... Nous avons privilégié le buis de Chine mais aussi planté des tomates, des sauges, des fraises, du piment... Après, il nous a fallu mettre au point l'arrosage. Pour dire notre naïveté : nous avions pensé pouvoir employer l'eau du fleuve Huang Pu en la traitant. Impossible : elle est saturée de métaux lourds. On utilise donc notre quota, et on le recycle en le filtrant grâce à un étang écologique utilisant des granulats de sable et des plantes nettoyeuses. Le tout constitue un autre jardin. C'est notre philosophie : la technique peut être belle. La ville n'est pas une ennemie de la nature. On assume notre part d'urbanité, mais l'arbre ne doit pas être utilisé seulement comme un cache-misère de la tour solitaire au milieu des avenues. Il faut repenser le passage de l'espace privé à l'espace public et vice versa.

À ce propos, avez-vous eu une pensée pour les platanes qui rendent si agréable, aux dires des Shanghaiens eux-mêmes, l'ancienne concession ?
M. H. : Bien sûr ! Ils sont petits à cause des conditions climatiques mais donnent au quartier sa belle échelle. Et témoignent de la mondialisation des plantes, qui a commencé il y a longtemps ! Nous avons aussi pensé au jardin chinois pour le cheminement un peu compliqué, avec des haies en chicanes, de la terrasse. Le point commun entre Versailles et le jardin du mandarin Yu, c'est la mise en scène. Dans ce concours du plus tordu, du plus biscornu, que constitue une exposition universelle, nous avons voulu ménager une terrasse, ouverte sur le pont de Lupu, le fleuve et ses norias de péniches. Alors que la plupart des pavillons fonctionnent comme des boîtes aveugles, notre terrasse est en correspondance avec la ville.
 

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