G20 : les pays riches prêts à diviser par deux leur déficit

Les dirigeants des pays riches et émergents du G20 ont discuté à Toronto des moyens de consolider la reprise mondiale. Dans un communiqué final très consensuel, les pays riches se sont engagés à réduire sensiblement leur déficit tandis que les pays émergents devront assouplir leurs taux de change. Par ailleurs, le principe d'une taxe bancaire a été acté, mais à titre facultatif.

Favoriser la croissance mondiale. C'est l'objectif qui a été partagé par les dirigeants des pays riches et émergents du G20 réunis ce week-end à Toronto en dépit de leurs divergences en matière de politique économique. "La plus grande priorité du G20 est de protéger et de renforcer la reprise, ainsi que de jeter les bases d'une croissance forte, durable et équilibrée, et de renforcer nos systèmes financiers contre les risques", est-il ainsi indiqué dans un communiqué final très consensuel publié à l'issue du sommet.

"Des défis de taille demeurent. Si la croissance est de retour, la reprise reste inégale et fragile, le taux de chômage dans certains pays se situe encore à des niveaux inacceptables et les impacts sociaux de la crise se font encore largement sentir", a souligné le G20 .

Mais impossible de parler croissance en éludant le problème des déficits publics; d'autant que la montée de la dette publique dans les grandes économies de la planète est un frein à la croissance. Dans leur communiqué, les Etats du G20 se sont donc engagés "à poursuivre des mesures de consolidation budgétaire favorables à la croissance et communiquer des plans à mettre en oeuvre dans les pays avancés".

Autre mesure, celle de "renforcer les filets de sécurité sociale, accentuer la réforme de la gouvernance des entreprises, développer les marchés financiers, investir dans les infrastructures et accroître la flexibilité du taux de change dans certains marchés émergents".

Le G20 veut aussi "poursuivre les réformes structurelles chez tous les membres du G20, afin d'augmenter et de soutenir nos perspectives de croissance et faire davantage de progrès dans le rééquilibrage de la demande mondiale".

Trouver un équilibre

Le G20 met néanmoins en garde contre toute rigueur budgétaire excessive. "Les mesures d'ajustement doivent être soigneusement calibrées pour soutenir la reprise de la demande privée. Il est possible que des ajustements budgétaires menés simultanément dans plusieurs grandes économies nuisent à la reprise. Il est possible aussi que l'absence de mesures d'assainissement là où elles sont nécessaires mine la confiance et ralentisse la croissance", indique le communiqué final du G20.

"Pour tenir compte de cet équilibre, les économies avancées se sont engagées à mettre en place des plans budgétaires qui auront pour effet de réduire d'au moins de moitié les déficits d'ici 2013, et de stabiliser ou de réduire les ratios de la dette publique au PIB d'ici 2016".

"Les pays avancés déficitaires devraient prendre des mesures pour stimuler l'épargne nationale, tout en maintenant ouverts leurs marchés et en accroissant leur compétitivité à l'exportation. Les économies excédentaires procéderont à des réformes pour réduire leur dépendance à la demande extérieure, et se concentreront davantage sur les sources de croissance nationales".

Le principe d'une taxe bancaire acté

Le G20 s'est aussi attelé à la réforme du système financier, entamée lors des précédents sommets. "Notre programme de réforme repose sur quatre piliers", explique le communiqué : un "cadre de réglementation robuste",  une "supervision efficace", le "règlement et la question des institutions d'importance systémique" et "l'évaluation internationale transparente et l'examen par les pairs".

Surtout, le G20 a validé une taxe facultative sur les banques. Au grand contentement de Nicolas Sarkozy qui a exprimé dimanche l'espoir que le projet de taxe bancaire de la France, de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne ferait "tache d'huile". "Pour la première fois dans un communiqué officiel d'un sommet du G20, du G8, d'un sommet international, les mots 'bank levy' sont employés. Très clairement, la possibilité de taxer les banques est reconnue comme légitime par le G20", s'est félicité le chef de l'Etat français lors de la conférence de presse de clôture du sommet de Toronto.

Le communiqué final du sommet de Toronto indique que les pays du G20 sont convenus que le secteur financier "devrait verser une contribution juste et substantielle pour couvrir le fardeau associé aux interventions gouvernementales là où elles ont lieu". "A cette fin, nous reconnaissons qu'il existe plusieurs approches. Certains pays imposent une taxe financière tandis que d'autres ont choisi une approche différente", ajoute-t-il.

Nicolas Sarkozy n'a pour sa part pas précisé les modalités de la taxe bancaire française, tout en indiquant que la question serait évoquée dès ce lundi à l'Elysée au cours d'une réunion sur la préparation du budget 2011 avec le Premier ministre François Fillon et les ministres de l'Economie et du Budget, Christine Lagarde et François Baroin.

Réactions après le sommet

Le directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn, a jugé dimanche que l'objectif des pays du G20 de réduire de moitié leurs déficits d'ici 2013 importait moins que les mesures qu'ils mettront en oeuvre pour alléger leur endettement. Se fixer un objectif commun, a-t-il ajouté, est une idée intéressante mais simplifie trop le problème.

"Parler de diviser les déficits par deux, c'est simplifier les problèmes à l'excès parce qu'ils sont différents selon les pays", a expliqué le patron du Fonds monétaire international à l'issue du sommet du G20 à Toronto. "Je m'intéresse plus au fait que les pays mènent les politiques adéquates."

De son côté, le président américain Barack Obama a estimé que les règles du jeu devaient être équitables entre les pays afin de garantir une croissance solide et durable, et que cela passait par des politiques monétaires connectées aux marchés. "Une reprise forte et durable requiert qu'il n'y ait pas de pays disposant d'un avantage excessif. Par conséquent, nous avons également discuté de la nécessité de voir les monnaies liées aux marchés".

Nouvelles pressions sur le yuan

Et de mettre une nouvelle pression sur la Chine concernant la réévaluation du yuan. "Comme je l'ai dit hier (samedi) au président (chinois) Hu (Jinato), les Etats-Unis saluent la décision de la Chine de laisser sa devise s'apprécier en réaction aux forces du marché", a poursuivi le président américain. "Nous ne nous attendions pas à une réévaluation de 20% en une semaine. Cela perturberait l'économie chinoise, cela perturberait l'économie mondiale", a-t-il dit.

"Nous nous attendons en revanche à ce que, à mesure que de plus en plus de forces sur les marchés pousseront à une appréciation, compte tenu des énormes excédents que la Chine a accumulés, le RMB (ndlr, le renminbi, autre dénomination du yuan) va progresser, et qu'il va progresser de manière significative."

En réponse, la Chine a fixé ce lundi un taux de change du yuan au plus haut depuis des années, avec un cours pivot de 6,7890 yuans contre le dollar.

Enfin, concernant l'économie mondiale, Barack Obama a noté que la reprise observée était encore fragile. Il a appelé ses partenaires à ne pas précipiter le retrait des plans de soutien mis en oeuvre pendant la récession et à trouver un équilibre entre responsabilité budgétaire et soutien de la croissance.

Le G20 ne remplacera pas le G8

La réunion du G20 a ainsi succédé à celle du G8. "Le G20 a fait un superbe boulot pour contrer la crise économique mais il y a franchement des limites à ce que vous pouvez faire et obtenir dans un groupe de 20", a résumé le Premier ministre canadien Stephen Harper, pour qui les pays du G8 ont une capacité de réponse que d'autres n'ont pas. Personne ne peut être surpris de voir que nous n'obtenons pas de consensus total au sein du G20 d'un jour sur l'autre", a renchéri la chancelière allemande Angela Merkel.

Le Japon a également insisté sur son attachement au G8. Il a même proposé ce week-end d'y associer "au coup par coup"... la Chine. Une manière sans doute d'éviter les critiques à l'égard d'un club trop refermé sur lui-même.

Mais les pays émergents ne partagent évidemment pas cet avis. Acteur majeur de la nouvelle scène internationale qui se dessine, le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a renoncé en dernière minute à venir au sommet du G20 de Toronto. Officiellement en raison de graves inondations dans le nord-est de son pays. Mais certains observateurs y voient surtout un signe de "désillusion des émergents" à l'égard d'anciennes puissances peu disposées à partager leurs prérogatives, comme l'a montré la récente initiative restée sans lendemain du Brésil et de la Turquie pour atténuer la crise du nucléaire iranien.

Violents incidents

La tenue du sommet du G20 à Toronto a également provoqué de violents incidents samedi soir. Des anarchistes vêtus de noir ont endommagé samedi des devantures de magasins de la capitale financière du Canada ainsi que plusieurs voitures de police. Les incidents se sont produits dans Bay Street, le quartier financier, et sur Queen Street, une rue branchée de la ville, en marge de la manifestation plutôt pacifique des anti-G20 qui a attiré plusieurs milliers de personnes.

L'organisation par le Canada d'un G8 suivi d'un G20 - le premier dans un complexe hôtelier de l'Ontario au bord d'un lac, le second dans la foulée à Toronto - a provoqué localement une vive polémique en raison de son budget. Celui-ci a été estimé à plus d'un milliard de dollars canadiens (près de 800 millions d'euros), dont 930 millions pour les seules dépenses de sécurité.

La police canadienne a arrêté près de 500 personnes et craint de nouveaux troubles. Les policiers, qui ont reconnu avoir perdu par moment le contrôle de la situation, ont fait usage de grenades lacrymogènes pour tenter de ramener le calme.

Le G20 en France en novembre 2011

Les Etats du G20 ont convenu de se retrouver à Séoul, en Corée, les 11 et 12 novembre 2010. Le prochain sommet, prévu en novembre 2011 sera ensuite placé sous la présidence de la France, puis sous celle du Mexique en 2012.

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