Comment la Chine avance ses pions en Afrique du Sud

Craig Bond travaille depuis 25 ans dans le secteur bancaire sud-africain et, depuis 2008, il pilote le partenariat stratégique qui lie Standard Bank, première banque africaine à la banque chinoise ICBC, première capitalisation boursière mondiale. Installé à Pékin, ce sud-Africain a une vision très lucide de la façon dont les Chinois misent sur son pays pour se développer en Afrique et comment cet interventionnisme peut profiter à la première puissance économique du continent noir.

Les Chinois sont très intéressés par le financement des infrastructures du continent africain. Le constat n'est pas nouveau, mais dans la bouche de Craig Bond, directeur général de Standard Bank China, la première banque d'Afrique (détenue à 20 % par son homologue chinoise ICBC) il prend tout son sel. Ce sud-Africain qui vit à Pékin a accepté de répondre aux questions de "La Tribune" une semaine après la visite officielle en Chine du président Jacob Zuma (voir photo)

"La Chine considère le milliard d'Africains en 2050 comme un marché d'avenir et tient à capitaliser dessus" explique-t-il d'emblée. Et le pays le plus riche du continent est aux yeux des Chinois une passerelle idéale pour conquérir ce marché. A titre d'exemple, Craig Bond cite l'accord conclu la semaine dernière entre Standard Bank, ICBC et China Railway, la compagnie nationale chinoise. Détériorées et mal entretenues, les infrastructures sud-africaines pénalisent aujourd'hui la vie des entreprises, l'aide chinoise est donc la bienvenue. Autre exemple : alors que les régulières surcharges électriques handicapent également l'économie du pays, Guangdong Nuclear Power Company, l'opérateur cantonais spécialisé dans le nucléaire, a proposé des centrales nucléaires low-cost à l'Afrique du Sud.

Ce partenariat a été noué, comme beaucoup d'autres, par Standard Bank et ICBC. Il est vrai qu'à ce jour, les deux grandes banques sont impliquées dans plus de quatre-vingts projets à travers le monde, et ont notamment remporté en 2008 le projet de financement d'une centrale électrique au Botswana pour 1,6 milliard de dollars.
Les bureaux chinois travaillent sur les fusions-acquisitions, le financement d'infrastructures publiques, la gestion de trésorie et la banque de financement et d'investissement. Dans certains secteurs-clé du partenariat avec ICBC, comme les produits miniers, le gaz, les infrastructures ou l'énergie, des structures sont dédiées. Le portefeuille de clients est prestigieux et compte de nombreuses entreprises parmi les cinquante premières en Chine.

Craig Bond est également au coeur des négociations exclusives entre HSBC et l'assureur Old Mutual pour le rachat, à terme, d'une majorité du capital de Nedbank, troisième banque sud-africaine, également membre du club des « Big Four ». Selon le banquier sud-africain, il est difficile pour HSBC de communiquer sur le thème '"The World's local bank" sans être présente significativement en Afrique. L'opération d'HSBC serait donc "une occasion de s'introduire sur le marché". Mais une initiative périlleuse selon la banque américaine Citigoup qui se présente comme la seule banque vraiment panafricaine en couvrant les zones du nord ou du sud, francophones ou anglophones-africaines.

Citi souligne dailleurs que l'économie sud-africaine tourne en ce moment au ralenti. Malgré les liens commerciaux très forts entre les deux puissances (la Chine est la première destination des exportations sud-africaines), Standard Bank ne tire pour l'heure que 1% de ses revenus de ses revenus en Chine. La plupart des opérations de fusions-acquisitions se déroulent dans le sens Chine-Afrique. Mais Standard Bank a également acquis une capacité de projection internationale et est devenue une force de proposition pour les entreprises chinoises à la recherche de bonnes affaires dans les pays émergents. Elle conseille par exemple en ce moment une entreprise intéressée par un important acteur énergétique brésilien. C'est un des plus gros deals que Craig Bond aura réalisés depuis son arrivée en Chine il y a deux ans !

En revanche, la conviction profonde que les Chinois pillent les ressources africaines pour soutenir leur besoin en matières premières ne serait qu'un cliché, selon Craig Bond. "En deux ans, il n'y a pas eu de deal sur les ressources naturelles, et aucune pression de la part d'ICBC", assure ce Sud-Africain établi à Pékin depuis deux ans. Les liens entre l'Afrique du Sud et la Chine ne relèvent pas d'une logique court-termiste, assure-t-il. Ils n'ont rien d'opportuniste, selon le Sud-Africain. Durant l'apartheid, il n'y avait pas de relation officielle mais la Chine soutenait la résistance de l'ANC. Depuis 1994, la Chine a développé et officialisé son soutien et son attachement à la tenue de bonnes relations avec l'Afrique du Sud.

En liant des partenariats stratégiques avec l'Europe, les États-Unis autant qu'avec de grands pays émergents comme la Chine, le Brésil, la Russie ou l'Inde, l'Afrique du Sud manifeste l'envie de prendre son envol. Le Mondial de football entre le 11 juin et le 11 juillet lui ont permis de se dévoiler mais elle reste encore un acteur modeste parmi les pays émergents, avec seulement 15 millions d'habitants, et n'a pas fini de réinventer son modèle social longtemps opprimé.
 

Commentaire 1
à écrit le 21/01/2011 à 23:22
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Pour l'instant c'est encore Afrique du Sud qui dirige ses banques et se sert de l'argent des chinois...et en tant que 1ère puissance du continent africain,ils rient encore blanc et noir....

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