Tentative avortée de coup d'Etat en Equateur

Des policiers en uniforme, fer de lance de ces troubles, ont incendié des pneus pour rejeter une réduction de leurs primes. Le président Rafael Correa a été agressé et retenu dans un hôpital.

Le président équatorien, Rafael Correa, a été agressé jeudi par des policiers et s'est retrouvé dans un hôpital de Quito encerclé par des contestataires sur fond de troubles politiques et de manifestations de policiers. "S'il m'arrive quelque chose, ils seront tenus responsables", a dit le chef de l'Etat dans une interview accordée à un média local. Il a ajouté que des policiers étaient entrés de force dans l'hôpital, un établissement appartenant à la police, et qu'ils étaient à sa recherche. Il a fini par être libéré et a regagné son palais présidentiel sous escorte militaire.

A l'appel de son ministre des Affaires étrangères, Ricardo Patino, qui leur demandait de "secourir" le président, ses partisans s'étaient rendus vers l'hôpital et ont lancé des pierres en direction des forces de l'ordre qui leur en interdisaient l'accès. Le gouvernement a par ailleurs instauré un "état d'exception". Dans une interview téléphonique accordée à une radio équatorienne, Rafael Correa a annoncé avoir été victime de l'explosion d'une grenade lacrymogène alors qu'il tentait de dialoguer avec des policiers manifestant contre des coupes budgétaires. "Mon épouse et moi avons été sonnés pendant quelques secondes, sans doute quelques minutes", a-t-il confié.

Cette agression était le point d'orgue d'une journée de troubles qui a vu des policiers manifester dans les rues, des soldats envahir l'aéroport international de Quito et des pillages se produire dans la capitale et à Guayaquil, sur la côte Pacifique, ville la plus peuplée du pays. Par mesure de précaution, le Pérou voisin a annoncé qu'il fermait sa frontière avec l'Equateur et que plusieurs ministres des Affaires étrangères des pays de la région tenteraient de se rendre à Quito pour mener une médiation. Des messages de soutien à Correa ont afflué, l'Organisation des Etats américains, le Venezuela, le Chili et l'Argentine notamment ont renouvelé leur appui à son administration. En France, Nicolas Sarkozy a "condamné les violences et les tentatives de remise en cause de l'ordre constitutionnel".

"TUEZ-MOI SI VOUS EN AVEZ LE COURAGE"

Un peu plus tôt, avant son agression, Correa avait harangué les policiers: "Messieurs, si vous voulez tuer le président, le voici. Tuez-moi si vous le voulez, tuez-moi si vous en avez le courage", avait-il lancé depuis un balcon, dans son style volontiers théâtral. L'histoire de l'Equateur, pays de 14 millions d'habitants, est semée de périodes d'instabilité politiques. Pas moins de trois présidents ont été renversés sous la pression de la rue dans les dix années qui ont précédé la première élection de Correa, en 2006. Les troubles qui ont éclaté dans la journée interviennent dans un contexte de tensions politiques entre Correa et une partie de sa majorité parlementaire, à qui il reproche de freiner ses réformes.

Accusant l'opposition de chercher à favoriser un coup d'Etat, il a confirmé son intention de dissoudre le Parlement ainsi que l'autorise la nouvelle Constitution, promulguée il y a deux ans. Des scènes de pillages ont été signalées. Plusieurs dizaines de soldats se sont déployés sur la piste d'atterrissage de l'aéroport international de Quito, semant la confusion et forçant la direction aéroportuaire à le fermer.

Dans la capitale, des policiers en uniforme, fer de lance de ces troubles, ont incendié des pneus pour rejeter une réduction de leurs primes. "Respectez nos droits", scandaient-ils. Des incidents se sont également produits à Guayaquil. Les employés de nombreuses entreprises ont été renvoyés chez eux et les écoles ont fermé plus tôt que prévu dans plusieurs villes.

L'ÉTAT-MAJOR DES FORCES ARMÉES AFFICHE SA LOYAUTÉ

Le chef d'état-major des forces armées, Ernesto Gonzalez, a cependant réaffirmé la loyauté de l'armée à l'égard du président Correa. "Nous sommes dans un Etat de droit. Nous sommes loyaux envers l'autorité suprême, à savoir le président", a souligné Gonzalez devant les journalistes. Jugeant "inacceptable et intolérable" le mouvement de contestation des forces de police, le ministre des Affaires étrangères a déclaré, lui, que l'Equateur ne vivait pas une situation de soulèvement populaire. "Ce n'est pas une mobilisation de la population, ce n'est pas un soulèvement populaire. C'est une insurrection de policiers qui sont mal informés", a dit Ricardo Patino à la chaîne de télévision Telesur.

Le gouverneur de la Banque centrale, Diego Borja, a appelé de son côté la population au calme et exhorté ses concitoyens à ne pas retirer leur argent des banques. Elu en 2006 sur des promesses de "révolution des citoyens", réélu en 2009, Rafael Correa, proche du Vénézuélien Hugo Chavez, prône un renforcement du contrôle étatique sur les ressources naturelles du pays. Son gouvernement s'est attiré les foudres des marchés de capitaux en se déclarant en 2008 dans l'incapacité de rembourser 3,2 milliards de dollars d'emprunts internationaux.

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