La Fed ouvre la voie à un nouvel assouplissement de sa politique monétaire

Les banquiers centraux américains pourraient décider de reprendre les rachats d'emprunts d'Etat américains lors du prochain Comité de politique monétaire de la Réserve fédérale.

Les responsables de la Réserve fédérale américaine ont considéré en septembre que de nouveaux soutiens à l'activité économique pourraient être prochainement nécessaires, indique ce mardi ses traditionnels minutes. Les banquiers centraux américains pourraient notamment décidé de reprendre les rachats d'emprunts d'Etat américains lors du prochain Comité de politique monétaire, les 2 et 3 novembre prochain.

Les membres du Federal Open Market Committee (FOMC) ont eu "le sentiment qu'une accommodation (supplémentaire) pourrait être appropriée avant longtemps", explique le compte-rendu de la réunion du 21 septembre. La Fed avait franchi à cette occasion un pas de plus vers l'adoption de nouvelles mesures d'assouplissement en expliquant qu'elle était prête à faire davantage pour soutenir l'activité économique.

Abaissant pour la troisième fois consécutive leurs prévisions de croissance de l'activité pour 2010,   les banquiers centraux américains ont débattu de plusieurs approches possibles pour soutenir l'économie, en privilégiant de nouveaux achats d'emprunts du Trésor à long terme et des moyens qui permettraient un relèvement des anticipations d'inflation. La Fed explique qu'"une hausse des attentes d'inflation abaisserait les taux d'intérêts réels à court terme et stimulerait l'économie".

Sur ce dernier point, les responsables de la Fed ont débattu de la possibilité de fournir au marché des informations plus détaillées sur les taux d'inflation souhaités par la banque centrale et de celle consistant à déclarer ouvertement qu'elle accepterait temporairement un niveau d'inflation plus élevé.

Ils ont aussi discuté de l'éventualité de fixer un objectif de croissance du produit intérieur brut (PIB).

L'avis du directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management

Selon Philippe Waechter,  directeur de la recherche économique chez Natixis Asset Management, ces minutes de la Fed "sont probablement le point de départ tangible de la stratégie de Quantitative Easing. Les discussions autour de la publication de ces minutes font parties du plan de communication de la Fed dans le cadre de sa nouvelle stratégie. C'est inscrit page 7 à la fin du premier paragraphe de la colonne de droite. C'est ce paragraphe de la page 7 qui est important puisqu'il indique d'abord les préoccupations des membres du FOMC face à une croissance faible et une inflation insuffisante. Puis les discussions entre les partisans d'une action rapide de la Fed et ceux qui préfèrent attendre une dégradation supplémentaire de la situation avec un risque plus marqué de déflation.
 

Cependant ces discussions sont très courtes et convergent vers les moyens que la Fed pourrait utiliser pour intervenir. Ce sont les achats de titres longs du Trésor qui sont d'abord évoqués mais aussi la façon d'affecter les anticipations d'inflation. L'objectif est alors très clairement d'agir pour relever les anticipations d'inflation afin de réduire le plus possible les taux d'intérêt réels ex ante et ainsi affecté les comportements des acteurs économiques. Des taux réels anticipés à un faible niveau (voire en étant négatifs) incitent à dépenser maintenant plutôt que d'attendre, facilitant ainsi la reprise de la croissance.

Il fallait donc communiquer et éviter que la tendance à la baisse des anticipations se prolonge. Les articles se sont multipliés dans la presse financière et plus personne aujourd'hui ignore ce qu'est le Quantitative Easing et surtout le fait que la Fed souhaite le mettre en ?uvre. Le résultat de cette communication se lit sur le graphique ci contre qui décompose le taux d'intérêt nominal dans sa partie réelle et sa partie inflation.  On observe bien une baisse du taux réel et une hausse de la partie liée à l'inflation.

Ces opérations ont été mises en place en calibrant le message pour éviter qu'un éventuel caractère structurel des anticipations d'inflation vienne altérer le message. La communication de William Dudley le 1er octobre était tout à fait dans le ton. Il fallait rendre crédible le cadre d'intervention de la Fed. Cela a bien marché puisque nous attendions tous les minutes de la Fed, que je commente maintenant, pour vérifier et valider que nous avions compris le message.

Maintenant, il faut passer à l'action. Ce sera l'enjeu de la prochaine réunion du 3 novembre. Il faudra alors donner des éléments sur l'ampleur des achats et le rythme de ceux-ci. Il faut en effet que le mouvement s'inscrive dans la durée pour réellement infléchir les comportements.
Pour l'instant, la baisse de 40 points de base depuis la mi-septembre, et l'évocation intensive de cette nouvelle stratégie, suggère que les investisseurs s'attendent à une opération de l'ordre de 1 200 milliards de dollars (8.2 % du PIB). Selon les travaux d'Hamilton et Wu, l'achat de 400 milliards aurait un impact de 13 points de base. L'autre point est de savoir quel taux d'intérêt va être ciblé par la Fed dans son processus. Selon Joseph Gagnon, dans un article paru cet été dans l'Huffington Post (21 juillet), la Fed doit cibler le taux des obligations à 3 ans et faire tendre le taux s'y attachant à 0.25 %. Ce taux est ce soir à 0.56 %. Ces obligations courtes sont proches de l'action de la politique monétaire et plus facile à infléchir que le taux à 10 ans. Gagnon suggère aussi de réduire à 0 le taux servi sur les réserves.

Le mouvement est en marche.
 

Pour nous européens la mise en route effective de ces achats de titres du Trésor aura un impact baissier sur la structure des taux d'intérêt. L'Euro aura tendance à s'apprécier puisque l'afflux de liquidités nouvelles en dollars pèsera naturellement sur la valeur du billet vert. Quelles seront alors les réactions de la BCE et des gouvernements ? Si la monnaie européenne s'apprécie, la phase de consolidation budgétaire, qui a démarré dans plusieurs pays européens, risque d'être plus complexe à mettre en ?uvre. Généralement la baisse de la monnaie dans une phase de consolidation permet de compenser l'effet restrictif de la politique budgétaire. Une telle stratégie de la Fed fragilise la situation européenne.
 

La BCE ne mettra pas en ?uvre elle même de Quantitative Easing. Cependant, elle pourrait, pour participer au mouvement de politique monétaire accommodante visant à favoriser une reprise globale, avoir la tentation d'infléchir son taux de refinancement et limiter ainsi l'impact des ajustements monétaires internationaux sur l'activité de la zone Euro. Le mouvement initié par la Fed est d'une ampleur spectaculaire et la BCE ne peut pas faire l'hypothèse que cela n'aura pas d'incidence sur la dynamique européenne."

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