Wall Street tourne le dos aux démocrates

Pour les marchés, la victoire républicaine aux élections de mi-mandat offre un avantage clé : les avantages fiscaux accordés sous l'ère Bush aux plus fortunés ne risqueront plus d'être remis en cause par le Congrès.

Il n'y a pas si longtemps encore, Jamie Dimon était pressenti pour remplacer Timothy Geithner au poste de secrétaire au Trésor américain. Démocrate convaincu - il a versé plus d'un demi-million de dollars sur les vingt dernières années aux candidats du parti de l'âne -, le patron de JPMorgan a depuis pris ses distances avec l'action de l'administration américaine. "Je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'ils ont fait", expliquait-il laconiquement mi-octobre au cours d'un entretien accordé à Fortune. Des mots qui ne cachent pas le malaise qui règne à Wall Street : après avoir soutenu le candidat Obama, la finance américaine déchante.

Non seulement le président Obama n'a pas pu relancer l'économie et l'emploi, et remettre l'Amérique sur la voie de la prospérité, mais le voilà maintenant qui s'attaque aux avantages fiscaux des plus riches. S'il a bien volé à leur secours quand le château de cartes qu'ils avaient bâti depuis des années menaçait de s'effondrer, il a aussi eu des mots très durs envers les milieux financiers, avec lesquels ses détracteurs lui avaient souvent reproché une certaine proximité. Accusés de prises de risques excessives, stigmatisés pour leur bonus, livrés à la vindicte de Main Street, à tort estiment-ils. Sans oublier cette satanée réforme financière qui, bien que largement édulcorée, menace d'amputer les profits des banques et de restreindre certaines activités lucratives.

Deux ans après avoir massivement soutenu la candidature de Barack Obama, Wall Street a changé de camp. "L'emploi reste la principale préoccupation et les marchés estiment que les propositions républicaines sont les plus pertinentes", explique Art Hogan, analyste chez Jefferies, alors que le taux de chômage reste toujours proche des 10 %. "L'administration a certes hérité d'un contexte économique difficile mais elle a été incapable de mettre en place des programmes permettant de relancer l'économie et l'emploi."

Dans ce contexte, les investisseurs n'apprécient pas du tout la volonté de Barack Obama de mettre un terme aux avantages fiscaux accordés pendant les années Bush aux ménages déclarant plus de 250.000 dollars de revenus par an. Sans intervention, ils arriveront à terme à la fin de l'année. Pour deux tiers des professionnels de la finance, le maintien de ces avantages doit être la priorité du nouveau Congrès, selon un sondage réalisé par Reuters. Pour Kenneth Polacri d'Icap Equities, le retour d'une majorité républicaine au Congrès "va devoir relancer la recherche du consensus".

"Un équilibre des pouvoirs va s'installer, ce qui est perçu comme un frein à la progression hors de contrôle des dépenses publiques", poursuit-il. "L'une des plus grandes critiques envers Obama, c'est le poids de l'État", renchérit Art Hogan. Moins de taxes, moins de dépenses, moins d'État... Moins de régulation également. Les marchés attendent ainsi un assouplissement des obligations prévues par la réforme de la santé, qui devrait amputer les profits des entreprises. Ils espèrent aussi que les républicains pourront influencer les modalités d'application de la réforme financière. La portée des limitations sur le trading pour compte propre ou encore l'importance des baisses des commissions sur les cartes de crédit doivent encore être définies par les régulateurs américains.

La déception des marchés envers l'administration actuelle s'est également traduite sur le plan financier. En 2008, les grandes banques américaines et leurs employés avaient versé 18,3 millions de dollars aux candidats démocrates, contre seulement 12,1 millions à leurs adversaires, selon les données du Center for Responsive Politics (CRP). A elle seule, Goldman Sachs avait donné un million de dollars à Barack Obama. Quatre fois plus qu'à John McCain ! Mais deux ans plus tard, la puissante banque d'affaires finance davantage l'opposition. A l'image de ses cons?urs.

Wall Street est-elle pour autant devenue pro-républicaine ? "Il y a un vieux dicton en politique: ne faites pas de vagues, ne soutenez pas les perdants", analyse Robert Shapiro, professeur de sciences politiques à la prestigieuse université de Columbia. Mais rien n'est inscrit à jamais dans le marbre. "Les grandes banques reviendront vers Barack Obama en 2012", prédit même Charles Gasparino, auteur de "L'alliance contre-nature entre Barack Obama et Wall Street".

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