Séoul profite du G20 pour mettre en avant son goût de la modernité

Par Laurent Chemineau, en Corée  |   |  1349  mots
Copyright Reuters
Le pays veut faire du sommet du G20, qu'il accueille les 11 et 12 novembre, une vitrine de ses prouesses technologiques en matière de télécommunication et d'information. A 50 km à l'ouest de Séoul, la capitale, la ville de Songdo veut illustrer la volonté du pays de se transformer en un "espace compacte, intelligent et vert" grâce au développement de ces technologies de pointe. Reportage.

En arrivant à Séoul, les dirigeants des vingt plus grandes économies du monde, qui se retrouvent entre les 11 et 12 novembre en Corée du sud pour un cinquième sommet du G20, assisteront à un déploiement de savoir faire technologique dont seule la Corée du sud a le secret. Pour le gouvernement coréen, l'évènement international doit non seulement offrir l'occasion de démontrer le poids diplomatique du « pays du matin calme », mais aussi servir de vitrine à ses industries de l'information et de la communication.
Dans le hall d'entrée du Centre de conférence du Coex InterContinental, au sud de Séoul, a été érigée une réplique électronique du Cheomseongdae, le plus vieil observatoire encore existant d'Asie de l'est ( 7° siècle), une des plus anciennes installations scientifiques sur terre. Pour réaliser cette tour de six mètres (deux tiers de la tour originale), pas moins de 1300 dalles lumineuses parcourues de diodes électroluminescentes (LED), fournies ont été nécessaires. Grâce à ce composant opto-électronique d'avenir, les parois lumineuses de la tour feront apparaître des animations visuelles (un poisson en train de nager, un livre noirci de vieux caractères chinois ...).

Les grands leaders resteront connectés en permanence


Le pied à peine posé sur le sol coréen, les grands leaders politiques recevront une Galaxy tab, la tablette internet tactile conçue par le géant coréen Samsung, concurrente de l'ipad. Ainsi ils resteront connectés en permanence au reste du monde, même lors de leur déplacement dans les voitures officielles, et cela grâce à l'opérateur KT qui apportera la technologie WiBro (Wireless broadband). Seule fausse note, au retour ils devront rendre les tablettes à Samsung, car il ne s'agit que d'un prêt.
Une fois autour de la table de négociation, les leaders politiques pourront à tout instant réclamer l'information ou le chiffre dont ils ont besoin en utilisant les stylos électroniques qui leurs seront remis pour noter leurs questions sur des écrans qui tapisseront les murs du Coex et seront reliés aux ordinateurs de leurs conseillers. Pour les personnalités plus importantes, l'hotel Shilla a mis en place un système de télécommunication capable de transférer automatiquement sur leur téléphone portable les appels qui arriveraient dans leur chambre en leur absence. Enfin, à l'issue du sommet, les délégations se verront offrir des photos souvenir où ils figureront durant les deux jours décisifs de leur rencontre.
Il y a près de soixante ans la Corée du sud sortait exsangue d'une guerre fratricide avec celle du nord. «Dans les années soixante, la Corée du sud et la Malaisie étaient au même niveau de développement, mais aujourd'hui la Corée a décollé et creuse l'écart », s'exclame un journaliste malaisien en visite en Corée. Les réformes économiques instaurées au début des années 60 par l'autoritaire Park Chung Hee, mais aussi l'accès commercial privilégié au marché américain et l'aide financière japonaise ont lancé l'industrialisation du pays et favorisé l'émergence des grands conglomérats (chaebols).Ces derniers assurent toujours aujourd'hui la puissance exportatrice de la Corée et lui ont permis de rapidement rétablir une croissance dynamique après la crise de 2009.

Le passé de guerre et de pauvreté semble bien loin à présent, même si les incertitudes sur l'avenir de la Corée du nord demeurent. A Séoul, les buildings modernes et esthétiques se multiplient, effaçant la grisaille des constructions d'antan. La présence technologique est forte : les écrants sont partout, les capteurs et les automatismes pullulent. Un choix qui se combine parfaitement avec les ambitions vertes du pays qui mise sur l'efficacité énergétique et veut réduire ses émissions de CO2.
Le virage de l'industrie électronique est pris dès la fin 1960, suivi , au début de la décennie 1980, de celui des technologies de l'information et de la communication. Samsung sort son premier ordinateur personnel en 1982, développe une mémoire Dram de 64 Kb en 1983, et dépasse successivement ses concurrents Sony, Siemens, Motorola et Hewlett-Packard pour s'imposer aujourd'hui comme numéro un mondial de l'électronique par l'ampleur de ses ventes.

«Il faut s'attendre à une croissance externe de la part des groupes coréens pour lesquels le marché national est devenu trop étroit », estime Philippe Li, avocat d'affaires et président de la chambre de commerce franco-coréenne. Fin 2009 un consortium emmené par l'énergéticien coréen Kepco soutenu par Hyundai a raflé de gros contrats nucléaires (20,4 milliards de dollars) dans les émirats Arabes unis au nez et à la barbe des Français Areva et EDF. « Grâce à son expérience de pays émergent, la Corée peut faire des offres adaptées aux autres économies émergentes», ajoute t-il.  Dans le quartier de GangNam, dont les nombreux bars attirent les jeunes séoulites le soir, ce ne sont pas des arbres qui bordent l'artère principale mais des « media poles », de larges mâts suffisamment large à la base pour enserrer un écran tactile donnant accès à de multiples services gratuits (internet, photo, e-mails ...).

Songdo, cité de l'ubiquité

A 50 km à l'ouest de Séoul, la zone économique libre d'Incheon (iFez), tout près de l'aéroport international, mise sur les technologies les plus pointues. Songdo, la municipalité autour de laquelle s'étend cette zone, veut devenir la ville de l'ubiquité, un espace compacte, intelligent et vert", explique Lee Jong-Cheol, commissaire de l'iFez. "En appuyant sur une table ou une autre surface vous pourrez obtenir les informations dont vous avez besoin sur la circulation, le temps, ou obtenir une consultation avec votre médecin à distance", précise t-il. « Pour réaliser une ville connectée, les efforts d'infatruscture sont considérables», explique Heekyung Jo Min, directeur général du service des opportunités d'affaires . Du soixante-huitième étage de la Northeastern Asia Trade Tower, la plus haute tour de Corée (304,8 mètres), elle explique comment « tous les câbles électriques et de télécommunication ont été enterrés, portant le coût de construction de la zone à 230 milliards de dollars». Organisée en espaces dédiés (bio tech, technologies de l'information, nanotechnologie, semi-conducteurs dernier cri avec une orientation particulière vers le domaine de la Radio frequency identification device, tourisme et culture ...), cette zone comportera aussi des écoles internationales, des hopitaux internationaux, des centres commerciaux . Pour attirer les entreprises, les incitations financières sont généreuses (incitations fiscales ...).

Risque de surdimensionnement

Lancée en 2003, iFez compte déjà près de 3 millions d'habitants. Balayant du regard l'immense surface de la zone économique libre, Heekyung Jo Min, annonce fièrement que «presque tous les terrains de la zone ont été vendus ».  Certes les entreprises étrangères ne se sont pas précipitées pour peupler iFez comme l'avait espéré le gouvernement.

Le risque de surdimensionnement n'est jamais très loin dans les projets ambitieux du pouvoir coréen qui veut développer en parallèle cinq autres zones économiques libres. Dans un tout autre domaine, l'organisation acrobatique du championnat de Formule 1 tout récemment a démontré combien Séoul veut parfois aller trop vite. De même , entendre le gouverneur de la province de Gyeonggi, Kim Moon Soo, possible futur candidat à la prochaine présidentielle de Corée, évoquer placidement l'hypothèse de la construction d'un tunnel sous-marin long de 374 kilomètres entre les côtes de sa province et celles de la province chinoise du Shandong, peut surprendre par son aspect pharaonique (au moins 100 milliards de dollars de coût).

"Mais même si tous les objectifs ne sont pas toujours atteints, ils galvanisent les énergies et le pays avance", estime Philippe Li. Il faut dire que, encadrée au nord par le géant chinois et à l'est par le toujours puissant Japon, la Corée et ses cinquante millions d'habitants n'ont de toute façon guère d'autre choix que de miser sur l'accélération de leur essor.