Poul Thomsen : "Pour la Grèce, le sujet essentiel n'est pas la dette mais la croissance"

Poul Thomsen, chef de mission du FMI à Athènes, explique dans une interview à La Tribune le rôle du FMI dans le plan de sauvetage de la Grèce. Il salue les efforts réalisés par le gouvernement et le pays et insiste sur la nécessité de mener à bien les réformes structurelles, socle indispensable pour relancer la croissance économique, qu'il voi poindre à l'horizon de la fin 2011.
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Il semble que vous ayez attendu la fin des élections régionales pour annoncer la nouvelle estimation révisée en hausse du déficit. Est-ce pour ne pas gêner le gouvernement Papandréou?

J'entends souvent dire que le gouvernement n'arriverait pas à remplir les objectifs. Son programme est très ambitieux, mais les objectifs du mois de septembre ont été atteints. Et il reste encore six semaines avant la fin de l'année. Les objectifs seront atteints, j'en suis convaincu. En revanche, il est vrai, qu'Eurostat (l'office des statistiques de l'Union européenne. NDLR) a révisé en hausse de 1,5 point, à 9,5% du PIB, le déficit public pour 2009. Evidemment, personne ne s'attend à ce que le ministre puisse rattraper en deux mois 1,5% du PIB. Nous savions dès le départ qu'il y aurait une réévaluation mais nous ignorions de combien. Nous avons donc évalué le déficit en excluant cette révision. C'est pourquoi j'affirme que les objectifs seront atteints. Le gouvernement grec a d'ailleurs indiqué que malgré cette révision, il maintient ses objectifs de déficit initiaux pour 2011.

Ce qu'il faut toujours garder en tête, c'est que la Grèce est partie d'un déficit de 15,5% du PIB en 2009 pour arriver à 9,5% en 2010, soit une baisse de 6 points alors que l'économie s'est contractée de 4%. Elle a réalisé cela, tout en nageant à contre-courant. Et Athènes compte encore diminuer le déficit de 2 points en 2011 alors que l'état de son économie va encore empirer, c'est-à-dire avec moins de recettes pour l'Etat et une hausse du chômage. Quel autre pays a fait cela ? Si au début, il a fallu tailler dans les salaires et les retraites du secteur public, aujourd'hui il n'est plus possible de le faire sans risquer une déstabilisation sociale. Il nous faut donc trouver une façon socialement équitable de réduire les dépenses. C'est autrement plus compliqué.

Par exemple, nous avons conscience de l'inefficacité du contrôle de certaines dépenses du service public, tout particulièrement dans la santé. Plus d'une centaine d'hôpitaux n'ont pas de système informatique. Il faut donc d'abord les équiper. Ils n'ont pas de système de comptabilité. Il faut mettre aussi en place un tel système. Cela ne donne pas lieu à un différend politique, mais à un choix techniquement plus complexe. Et il faut réaliser toutes les réformes simultanément, cela prend donc du temps. On retrouve la même problématique avec les entreprises d'Etat. En fait, deux domaines ne sont pas à la hauteur des attentes : les dépenses dans le secteur de la santé, et la rentrée des impôts ...

Cela vous inquiète ?

Beaucoup, mais il faut souligner que le gouvernement a su compenser ce manque à gagner en réduisant d'autres postes de dépenses. Mais ce n'est pas viable à long terme, il faut donc mener ces réformes.

Cela dépend aussi des responsables de l'administration des impôts ?

Ils disposent désormais des informations nécessaires. Ils savent exactement qui sont les contribuables propriétaires de piscines, de voitures de luxe, de grandes propriétés, qui ne déclarent que 20.000 euros de revenus annuels.

Le personnel de cette administration est-il bien formé ?

Oui. C'est plutôt l'amélioration de la qualité des services qui est en question. Par exemple, faire en sorte que l'inspecteur chargé de collecter les impôts dans un petit village n'habite pas juste à côté de l'entreprise qui dépend de lui. Je suis persuadé que dés l'année prochaine le nouveau système de fiscalité enregistrera des résultats probants. Et je le répète, c'est essentiel pour réaliser les objectifs de politique budgétaire sans tailler à nouveau dans les salaires ou les retraites.

Que pensez-vous de l'idée d'étaler le remboursement de la dette sur deux années supplémentaires? Selon George Papandreou, le président français Nicolas Sarkozy n'y est pas opposé.

L'aide fournie par le FMI et les partenaires européens est à court terme, elle doit être remboursée un à deux ans après la fin du programme. Cela signifie implicitement que la Grèce retournera sur les marchés financiers pour lever le fonds nécessaires au remboursement du FMI et des partenaires européens. Certains diront que c'est trop optimiste. Mais en cas d'impossibilité il y a d'autres solutions. L'une serait de mettre en place un prêt relais. L'autre solution consisterait dans un remboursement étalé de l'aide versée au cours des six derniers mois du programme d'aide. Pour résumer, il y a potentiellement un problème, mais s'il s'avérait réel nous savons avoir les moyens d'y répondre.

Ce gouvernement, comme les précédents, est réticent à faire payer des impôts à certaines catégories comme les armateurs et l'église orthodoxe. Qu'en pensez-vous ?

Il ne m'incombe pas de désigner qui doit être imposé ou pas, c'est à l'administration des impôts de le faire.

C'est une réponse diplomatique...

C'est une réponse réaliste. Vous savez, il y a toujours cette idée que « le FMI vient et dicte aux pays ce qu'ils doivent faire ou pas faire... ». C'est inexact. Le gouvernement socialiste grec savait dés le début ce qu'il devait faire. Avant même notre participation, il avait déjà décidé de réduire les dépenses publiques de 5% du PIB. Lorsque nous sommes arrivés à Athènes, ils nous ont dit : « Nous savons qu'il faudra faire encore des coupes dans les salaires et retraites, sinon on n'arrivera pas à faire le plan de restructuration. » Dans la négociation, nous apportons notre expertise technique, car nous disposons d'une certaine expérience tirée des programmes que nous avons élaborer dans nombre de pays. Sur tel problème, nous pouvons indiquer la palette d'options pour le résoudre.

La Grèce est en récession, quant renouera-t-elle avec la croissance ?

C'est la question clé. On parle beaucoup de la dette, de son remboursement. Ce n'est pas le sujet essentiel. Ce qu'il faut se demander c'est comment la Grèce peut-elle être compétitive au sein d'une zone où se trouvent des pays hautement productifs ayant la même monnaie ? Cela nécessite des réformes structurelles, comme celle du marché du travail, la libéralisation de certaines professions privilégiées. C'est cela qui permettra d'améliorer la compétitivité et d'augmenter les salaires. Ces réformes font partie du programme d'aide. Et je pense que vers la fin de 2011, la Grèce verra la récession s'estomper. Mais la solidité de la croissance dépendra des réformes structurelles.

La Grèce sera-t-elle affectée par la crise irlandaise et vice versa ?

Nous avons sorti la Grèce des marchés financiers pour une durée d'un an et demi, elle n'a donc pas besoin de faire appel à eux pour emprunter. Il n'y aura donc pas d'effet de propagation via les marchés de capitaux. Surtout, je suis persuadé que résoudre aujourd'hui les problèmes de l'Irlande ne fera qu'aider la Grèce.
 

 

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