Irlande : l'aide de l'Europe et du FMI atteindra 85 milliards d'euros, pas sûr que cela calmera les marchés

Les taux des obligations d'Etat irlandais, espagnols et portugais sont nettement repartis à la hausse ce mardi. Les incertitudes sur les contours exacts de l'aide à Dublin ont miné les marchés, tandis que les spéculations sur un recours de Madrid et Lisbonne à une aide s'exacerbent.
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L'Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI) dégageront 85 milliards d'euros de prêts pour l'Irlande, qui pourront être employés à recapitaliser les banques irlandaises et à étayer les finances publiques, a annoncé mardi soir la radiotélévision irlandaise RTE.

Le média précise que le paquet UE/FMI procurera 48 milliards d'euros pour financer le déficit public durant les trois prochaines années et 15 à 20 milliards d'euros pour recapitaliser le système bancaire. Ce dernier pourra en outre s'appuyer sur un fonds d'urgence de 20 milliards d'euros.

"Le paquet permettrait de porter le niveau de fonds propres des banques irlandaises de 8 à 12% et ce afin de remonter la confiance des déposants du système financier", explique la RTE sur son site.

L'information n'a pu être confirmée dans l'immédiat.

Le ministère des Finances irlandais a déclaré mardi dans la soirée que les négociations étaient toujours en cours avec le FMI et l'UE et que les détails donnés dans les médias étaient prématurés. "Je vois qu'il y a toutes sortes de spéculations mais c'est juste de la spéculation", a déclaré Eoin Dorgan, porte-parole du ministère. "Les équipes techniques tentent encore de définir ce que sera le paquet et nous pensons que ces discussions prendront quelques semaines; elles n'ont débuté que lundi", a-t-il ajouté.

L'Irlande, vivement attaquée sur le marché obligataire, a accepté dimanche l'aide de l'UE et du FMI.

Par ailleurs, le Financial Times croit savoir que Dublin prendra une participation majoritaire dans Bank of Ireland. Le gouvernement irlandais veut éviter une nationalisation intégrale de la banque mais l'injection de fonds dont elle bénéficiera, par le biais d'un programme de renflouement, laissera à l'Etat une participation importante, ont déclaré des hauts fonctionnaires du gouvernement, selon le quotidien financier.

L'annonce officielle de la demande d'aide de l'Irlande ce week-end n'aura en tout calmé les marchés que quelques heures. Le CAC 40 a chuté mardi de près de 2,5%. Les taux d'intérêts des pays fragiles de la zone euro, notamment l'Espagne, se sont envolés. Et l'euro a chuté sous la barre de 1,34 dollar.

Pis, le phénomène de contagion aux autres pays dits « périphériques » a pris une nouvelle ampleur, malgré les dizaines de milliards d'euros qui devraient être mis à la disposition de Dublin via le fonds de 750 milliards d'euros (FESF) annoncé en mai, précisément, pour éviter une aggravation de la crise grecque d'alors.

Également engluée dans des difficultés budgétaires, l'Espagne a en effet vu ce mardi l'écart de taux entre ses obligations d'État à 10 ans et celui des titres allemands - une mesure du risque de la dette espagnole - bondir à 234 points de base (soit 2,34 % de plus), un nouveau plus-haut cette année et surtout depuis l'entrée du pays dans la zone euro. « Les tensions s'inscrivent dans la dynamique de la séance de lundi. Après un mouvement de détente à la suite de l'annonce de l'aide à l'Irlande, les intervenants se sont très vite rendu compte que cela n'annonçait pas la fin de la crise. Ils se demandent déjà quelle sera la prochaine cible », explique René Defossez, stratégiste taux chez Natixis. « La situation actuelle ressemble fortement à celle prévalant en avril dernier, quand le premier plan de sauvetage de la Grèce de 40 milliards d'euros n'avait pas convaincu », ajoute-t-il.

Depuis le bref répit qui avait fait baisser lundi le taux à 10 ans irlandais à son plus bas niveau depuis le 9 novembre, les mauvaises nouvelles se sont accumulées. Lundi soir, le Premier ministre, Brian Cowen, en grande difficulté politique, a annoncé qu'il dissoudrait son gouvernement après le vote du Budget 2011, le 7 décembre.

Crise immobilière et bancaire

Quelques heures avant, Moody's avait estimé que le plan d'aide à l'Irlande allait « cristalliser davantage de dettes liées au secteur bancaire dans les comptes du gouvernement » et prévenait qu'elle allait probablement dégrader de plusieurs crans la note Aa2 de l'Irlande. « Les discussions de la semaine passée ont abouti ce week-end à une demande formelle de l'Irlande, mais en réalité rien de concret n'a été annoncé et on est revenu dans l'incertitude, dans un contexte aggravé par la mise en garde de Moody's », estime Nicolas Forest, stratégiste taux chez Dexia. « L'aide à Dublin a en outre induit des anticipations de sauvetage du Portugal, tandis que la crise immobilière et bancaire irlandaise fait écho à la situation difficile sur ce point de l'Espagne », poursuit-il.

Mardi, l'Espagne a péniblement émis 3,2 milliards d'euros de titres de dette à 3 et 6 mois à des taux supérieurs d'environ 80 points de base à ceux qui prévalaient fin octobre. Des taux durablement élevés pourraient mettre en difficulté Madrid, qui doit refinancer environ 35 % de sa dette l'an prochain. Évoluant en sens inverse des prix, le taux des obligations à 10 ans espagnol a grimpé de 17 points de base, à 4,90 %, son plus haut niveau depuis la mi-juin, quand les craintes de contagion de la crise grecque étaient à leur paroxysme. Les taux à 10 ans portugais et irlandais ont, eux, rebondi à 6,90 % et 8,43 %, leur plus haut niveau depuis le 12 novembre. Ce jour-là, en plein G20 de Séoul, les dirigeants européens avaient dû faire voix commune pour rassurer les marchés sur l'accord intervenu fin octobre lors du sommet de l'UE visant à créer un mécanisme permanent pour prendre le relais du FESF expirant en 2013. Et notamment sur l'idée prônée par Berlin de faire supporter aux investisseurs privés une partie du coût des futurs sauvetages, qui avait mis le feu aux poudres sur les marchés.

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