Le micro-crédit au secours de la paix en Côte d'Ivoire

L'élection présidentielle de dimanche était censée mettre fin à plusieurs années de troubles civils en Côte d'Ivoire. Les marchandes de la coopérative de Cocovico ont toujours travaillé, même pendant la guerre. Elles sont aidées en cela par Oikocrédit, une institution de micro-crédit.
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"Ce sont les femmes qui ont fait le ciment", proclame Mariam Dao, directrice régionale d'Oikocredit, en parlant des Ivoiriennes qui ont continué, en pleine guerre, à partir de 2002, à vendre fruits, légumes et autres produits au marché de Cocody, dans la capitale, Abidjan. A l'heure où les citoyens attendent, avec une anxiété certaine, les résultats du deuxième tour de l'élection présidentielle, qui a eu lieu ce dimanche, les femmes pourraient une fois de plus servir de lien dans une population scindée entre gens du Nord et du Sud, chrétiens et musulmans.

Un coup de pouce de 2 millions d'euros

Le marché, né spontanément sur un terrain vague, a pris un nouvel envol en 2008, grâce à un coup de pouce de Oikocrédit, une institution internationale spécialisée dans l'investissement solidaire et le micro-crédit. "Le lieu où se trouvait le marché était en fait un terrain squatté par les femmes, raconte Juliette Aubert, représentante en France d'Oikocrédit. Trop petit, trop insalubre, il fallait réagir". Autrement dit, trouver un lieu plus adéquat, et surtout l'aménager pour qu'il puisse accueillir les vendeuses en toute sécurité. C'est avec cette idée en tête que Rosalie Botti, l'une des commerçantes, décide de créer Cocovico (Coopérative des commerçantes du vivrier de Cocody) avec six autres femmes. Elle veut un vrai marché, sûr et accueillant. Mais en 2004, alors que le pays est encore en proie à des troubles, les banques se font tirer l'oreille, d'autant plus qu'elles ont en face des femmes qui n'ont pour la plupart pas suivi de vraie scolarité.. Rosalie se tourne alors vers le micro-crédit et vers Oikocrédit, seule institution qui accepte de soutenir le projet dans le pays à l'époque. Elle octroie un prêt équivalent à: quelque 2 millions d'euros, avec un premier décaissement en 2005.

Un marché sécurisé, aux fonctions multiples

Architectes et urbanistes collaborent avec les femmes, qui savent exactement ce qu'elles veulent : des étals d'une certaines largeur, des toilettes, bien sûr, des dortoirs aussi, puisque les marchandises peuvent être livrées à n'importe quelle heure. A cela s'ajoute la volonté d'avoir un dispensaire, spécialisé dans la pédiatrie, la médecine générale (y compris les tests VIH) et la gynécologie, et enfin, une garderie pour les enfants n'allant pas encore à l'école. Les femmes demandent également à de jeunes hommes de patrouiller les lieux, en particulier la nuit, pour leur sécurité.

En 2008, le bâtiment est terminé, le lieu aménagé. Le marché accueille aujourd'hui plus de 5000 vendeuses, contre 600 à l'origine, auxquelles se sont ajoutés des hommes, qui vendent des poulets (égorgés sur place) et des équipements tels que des téléphones portables. "Un vrai succès pour ces femmes", déclare Mariam Dao, d'Oikocredit.

Impact sociétal

Le prêt devrait être remboursé en 2012, et l'impact social est important : les femmes déclarent, à 62%, selon les données de Oikocrédit, avoir embauché une aide. Certes, le travail est informel, mais il permet quand même d'améliorer le quotidien. Et la mairie prélève désormais une taxe sur chaque étalage, clairement identifié sur le marché.

Fortes de leur succès, les femmes de Cocovico n'ont pas voulu en rester là : elle offrent aujourd'hui de nouveaux services aux commerçantes, tels que des cours d'alphabétisation. Elles souhaitent également informatiser la gestion de leur coopérative. "L'initiative a aussi des retombées sociétales, remarque Mariam Dao, non seulement les femmes sont conscientes de leurs responsabilités - elles doivent rembourser le prêt - mais en plus, elles ont acquis une plus grande confiance en elles, et en leur capacité à faire entendre leur voix", explique-t-elle. Elle estime même que la démocratie s'en trouve accrue : "les femmes ont aussi appris à se défendre", conclut-elle.

La Côte d'Ivoire n'est pas le seul lieu où Oikocrédit, basée aux Pays Bas, est active. L'institution, lancée par des Eglises à l'issue de la période de décolonisation, et rejointes depuis par des donateurs privés (qui sont désormais majoritaires) a actuellement 450 million d'euros d'encours, dans des pays allant de l'Amérique latine à l'Afrique en passant par l'Asie et l'Europe centrale. Chaque projet consiste à soutenir une micro-entreprise, qui doit être rentable (dans l'optique d'un remboursement du prêt) avec un biais en faveur des femmes, en particulier celles des campagnes.

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