Egypte : les Frères musulmans, une force d'opposition bien installée

Après s'être tenus à l'écart des manifestations, les Frères musulmans ont rejoint la coalition des mouvements d'opposition anti-Moubarak et prennent désormais part au dialogue avec le gouvernement. Une discussion historique.
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Interdits - en tant que parti - mais tolérés en Egypte, les Frères musulmans, qui constituent la plus grande force d?opposition du pays, avec un nombre de militants estimé à quelque 20 millions sur une population totale de 80 millions, sont restés discrets au début des protestations. Le guide de la confrérie, Mohamed Badie, laissait les militants libres de manifester ou non. Ils se sont finalement joints à la "révolution". Invités par le vice-président Omar Souleiman à la table des négociations entre l?opposition et les autorités égyptiennes, les Frères musulmans participent, pour la première fois en cinquante ans, à un dialogue national. Mais ils ont aussitôt dénoncé les insuffisances des réformes annoncées par l?administration Moubarak.

Une organisation islamique militante

Fondée en 1928 par Hassan el-Banna, l?organisation souhaite imposer à la société les valeurs de l?islam en s?appuyant sur le pouvoir politique. Elle militait à cette époque pour l?instauration d?un Etat islamique égyptien et la mise en pratique de la charia ou "loi de Dieu", en opposition aux règles impériales britanniques. Le devise de la confrérie reste d?ailleurs : "l?islam est la solution".

Pendant la seconde guerre mondiale, le fondateur crée une aile militaire secrète, destinée à servir le nazisme contre les Britanniques. Après la guerre, l?organisation continue à jouer un rôle dans le mouvement nationaliste égyptien. En 1948, la police d?Etat saisit des bombes et des documents projetant des assassinats politiques. De nombreuses leaders de la confrérie sont arrêtés par le premier ministre Mahmud Fahmi Nokrashi, qui ordonne la dissolution de l?organisation. En représailles, le ministre est assassiné. Un mois et demi après, Hassan el-Banna est tué à son tour au Caire.

En 1952, les Frères musulmans soutiennent le coup d?Etat de Gamal Abdel Nasser et Anouar el-Sadate, destiné à renverser la monarchie de Farouk. Gamal Abdel Nasser ne leur en sera pas reconnaissant et les Frères tenteront de l?assassiner en 1954. Le président égyptien fait alors emprisonner des milliers de Frères et interdit une nouvelle fois l?existence de la confrérie. Mais de nouveaux membres se lèvent, affirmant que les sociétés musulmanes ne sont plus islamiques. Ils appellent à une violente révolution pour retrouver un islam radical.

En 1965, l?organisation est surveillée de près par le pouvoir, d?autant plus que son idéologie attire les foules. En 1970, Anouar el-Sadate succède à Nasser et se rapproche des Frères musulmans afin de lutter contre l?expansion communiste. Depuis, le groupe, illégal, est cependant toléré. Mais en 1981, le président égyptien est assassiné par un activiste extrémiste proche des Frères.

Un rôle social et politique important

Pendant la présidence d'Hosni Moubarak, de nombreux étudiants islamistes rejoignent la confrérie. Afin de contrôler la renaissance du mouvement, le gouvernement n?hésite pas à poursuivre les mesures de répression. En 1992, recommencent arrestations de masse et harcèlements policiers. Loin de l?affaiblir, ces mesures renforcent l?organisation, qui, en 1997, renonce solennellement à la violence. Les Frères musulmans s?organisent et appellent à un système politique plus démocratique. En 2005, ils participent aux manifestations pour la démocratie organisées par Kifaya, le mouvement égyptien pour le changement. Militant sous l?étiquette d?indépendants ? la constitution égyptienne interdit tout parti religieux - les Frères obtiennent, la même année, un cinquième des sièges aux élections législatives. Lors des élections de novembre 2010, dénonçant la fraude du premier tour, ils se retirent de la course.

Depuis sa fondation en 1928, la confrérie religieuse s?est étendue dans le monde arabe. Les Frères musulmans accroissent leur influence dans le domaine social. Nombre d?entre eux sont médecins, avocats, pharmaciens, ingénieurs, professeurs? La confrérie palie aux manques de l?Etat dans les secteurs de l?éducation et de la santé en s?occupant des pauvres. Dans un pays où 40% de la population vit avec moins de 2 dollars par jour, les Frères jouent donc un rôle politico-social considérable. Aujourd?hui principal opposant politique de Hosni Moubarak et éternelle bête noire du pouvoir, le mouvement, très organisé et respecté par la population, s?impose dans les discussions avec les autorités. Les Frères sont prêts à participer à la vie politique du pays, ont-ils déclaré.

Commentaires 2
à écrit le 08/02/2011 à 11:46
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La république islamique d'Egypte n'est plus très loin car les frères musulmans sont actuellement la seule opposition structurée dans ce pays à majorité musulmane. Donc tout le monde suivra la confrérie et son islam radical qu'elle appelle depuis ses ...

le 08/02/2011 à 21:20
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L'Europe compte beaucoup de partis chrétiens-démocrates qui n'offusquent personne (Allemagne, Italie, Irlande etc.). Les Frères Musulmans accomplissent actuellement une oeuvre proche de celle du "secours catholique" en France qui n'a pas grand chose ...

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