Iran, Libye, Yemen et Bahreïn : d'autres dictatures arabes contestées après la Tunisie et l'Egypte

Des émeutes, manifestations violentes et affrontements entre opposants et forces de l'ordre touchent, après la Tunisie et l'Egypte, d'autres pays arabes aux régimes autoritaires.
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Des affrontements ont éclaté à Téhéran entre des partisans du pouvoir et des opposants, rapporte mercredi la télévision publique IRIB sur son site internet. Les violences se sont produites en marge des funérailles de Sani Zhaled, un étudiant tué par balles lundi lors des tentatives de manifestations organisées par l'opposition. Le gouvernement a imputé sa mort aux manifestants tandis que l'opposition affirme qu'il a été tué par les forces de sécurité.

L'agence de presse Fars assure qu'il appartenait aux bassidji, miliciens chiites liés aux Gardiens de la révolution qui ont joué un grand rôle dans la répression des grandes manifestations de l'opposition après la réélection de Mahmoud Ahmadinejad à la présidence en juin 2009. "Des étudiants et des gens qui participaient à la cérémonie funèbre à la mémoire de l'étudiant martyr Sani Zhaleh se sont heurtés à un nombre limité de personnes apparemment liées au mouvement séditieux et les ont repoussées en lançant des slogans appelant à la mort des hypocrites", écrit l'IRIB.

Le cortège funèbre est parti de la Faculté des arts de l'Université de Téhéran, dans le centre de la ville, où Zhaleh était inscrit. Interdites par les autorités, les manifestations de lundi, en soutien aux soulèvements en Egypte et en Tunisie, étaient les premières organisées par l'opposition iranienne depuis plus d'un an. Un des chefs de file de l'opposition, Mihrossein Moussavi, battu lors de l'élection présidentielle contestée de 2009, a parlé d'une réussite "glorieuse" d'un "mouvement magnifique". Le chef adjoint de la police de Téhéran, Ahmadreza Radan, a affirmé lui que seules 150 personnes s'étaient mobilisées.

Le bilan officiel de la journée d'action de lundi est de deux morts et huit blessés, tous victimes de tirs à l'arme à feu.

Parallèlement, au Yemen, Partisans du pouvoir et opposants se sont de nouveau affrontés ce mercredi à Sanaa alors que la contestation du régime du président Ali Abdallah Saleh échappe au contrôle des autorités. Les forces de police déployées autour d'un rassemblement de l'opposition sur le campus de l'université de Sanaa ont été incapables de maintenir à distance les deux camps.

D'après un journaliste de l'agence Reuters, des centaines de partisans du président Saleh armés de poignards et de gourdins ont chargé les protestataires, qui ont pris la fuite. Un étudiant a été blessé dans la mêlée. D'autres étudiants sont alors sortis de l'université et ont commencé à lancer des projectiles en direction des loyalistes. "Nous continuerons de manifester jusqu'au départ de ce régime", a affirmé Mourad Mohammed, un étudiant yéménite. "Nous n'avons pas d'avenir dans les circonstances actuelles."

Quarante pour cent des 23 millions de Yéménites vivent avec moins de deux dollars par jour; un tiers de la population souffre de malnutrition chronique.

Les dernières manifestations ont réuni moins de participants que dans les semaines précédentes, quand plusieurs dizaines de milliers de personnes descendaient dans les rues. Mais les violences sporadiques sont de plus en plus nombreuses.

La menace de voir le Yémen suivre les exemples tunisien et égyptien a conduit Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis plus de trente ans, à annoncer qu'il s'effacerait du pouvoir à l'issue de son mandat, en 2013, et à proposer un dialogue à l'opposition politique. L'opposition a accepté ces discussions, mais la jeunesse yéménite, base du mouvement, ne s'en satisfait pas. "Nous voulons le changement et nous voulons obtenir ce changement de la même manière que les Egyptiens et les Tunisiens", prévient Mechal Sultan, étudiant à Sanaa.

Le mouvement de contestation est un nouveau front ouvert au Yémen, dont les autorités sont déjà mobilisées dans la lutte contre Al Qaïda dans la péninsule arabique et des mouvements de rebelles. Abdel Malek al Housi, qui dirige un mouvement rebelle chiite dans le nord du pays, a apporté son soutien aux contestataires. "Le peuple yéménite devrait profiter de cette occasion et se mobiliser sérieusement (...) pour se débarrasser de ce gouvernement criminel", a-t-il dit dans un communiqué.

Même en Libye, l'opposition se mobilise. Des émeutes ont éclaté dans la nuit de mardi à mercredi dans la ville libyenne de Benghazi où plusieurs centaines de personnes ont affronté des policiers soutenus par des partisans pro-gouvernementaux, rapportent des témoins et des médias locaux. La télévision publique libyenne fait état pour sa part de rassemblements de soutien au dirigeant libyen, le colonel Mouammar Kadhafi, dans différentes villes du pays. La chaîne a diffusé des images d'une manifestation pro-Kadhafi dans les rues de Tripoli.

A Benghazi, ville côtière de l'Est libyen, l'arrestation d'un militant des droits de l'homme a servi de déclencheur aux violences. Selon l'édition en ligne du quotidien local Kourina, les émeutiers réclamant sa libération étaient armés de bombes incendiaires et ont jeté des pierres en direction des forces de l'ordre. Plusieurs véhicules ont été incendiés.

Le journal précise que le calme est revenu dans la ville, et que les partisans de l'opposition ont repris aux premières heures de la journée la place Chajara, où les émeutiers s'étaient regroupés dans la nuit. Le bilan avancé par le quotidien libyen est de 14 blessés, dont dix policiers. Aucun ne serait dans un état grave.

D'après un habitant de la ville, 500 à 600 personnes ont manifesté leur colère. "Ils sont allés au comité révolutionnaire (ndlr, cellule de base du pouvoir) dans le quartier de Sabri puis ont tenté de se rendre au comité révolutionnaire central", a-t-il raconté. "Le calme est revenu maintenant", a-t-il confirmé.

BENGHAZI, UNE VILLE PARTICULIÈRE

Il est impossible à ce stade de prédire les conséquences de ces événements, même si les exemples en Tunisie et en Egypte, deux pays voisins de la Libye, ont incité des opposants libyens en exil à tenter de mobiliser, utilisant notamment les réseaux sociaux. Le gouvernement libyen a adopté pour sa part une série de mesures visant notamment à réduire les prix des produits de première nécessité.

Le régime de Tripoli s'apprêterait en outre à libérer 110 militants incarcérés du Groupe islamique libyen de combat, une organisation interdite par les autorités. Selon Mohamed Ternich, président de l'Association libyenne des droits de l'homme, ce sont les derniers membres de cette organisation toujours détenus à la prison Abou Salim de Tripoli.

Fethi Tarbel, le militant dont l'arrestation a déclenché les émeutes de Benghazi, a travaillé avec les familles des détenus de la prison d'Abou Salim, où le pouvoir incarcère opposants et islamistes.

La plupart des analystes s'accordent à penser qu'un scénario à l'égyptienne ou à la tunisienne est peu probable dans la Jamahiriya libyenne, qui dispose d'importantes ressources financières susceptibles d'être utilisées pour calmer les esprits.

En outre, la société libyenne est structurée sur un système de liens tribaux et familiaux. Dans ce cadre, s'il devait y avoir contestation du régime de Kadhafi, au pouvoir depuis 1969, elle se développerait plutôt en coulisse que dans les rues.

La ville de Benghazi, située à un millier de kilomètres à l'est de Tripoli, occupe une place particulière dans l'histoire libyenne. Nombre des opposants à Kadhafi en sont originaires et la ville a été écartée des principaux projets de développement économique, renforçant son particularisme.

Le mouvement touche aussi l'île-Etat de Bahreïn. Un millier de manifestants chiites s'inspirant des soulèvements en Tunisie et en Egypte se sont réunis mercredi dans le centre de Manama, la capitale de Bahreïn, pour rendre un dernier hommage à l'un des leurs mort lors d'affrontements avec les forces de l'ordre.

Fadel Matrouk a été tué mardi dans des incidents qui ont marqué les funérailles d'une précédente victime des troubles, un jeune homme de 22 ans tué lundi.

"Nous revendiquons nos droits de manière pacifique", a dit Bakr Akil, un étudiant de vingt ans qui a couvert sa chemise d'encre rouge pour, dit-il, afficher sa détermination à sacrifier sa vie s'il le faut pour la liberté. Il dit toutefois "croire que notre forte présence suffira pour obtenir satisfaction".

Les manifestants ont accompagné en cortège la dépouille criblée de balles de Fadel Matrouk, enveloppée dans un linceul de coton blanc et un drapeau vert, couleur de l'islam.

Ces deux décès tendent à radicaliser la contestation dans ce petit royaume du Golfe gouvernée par une famille régnante de confession sunnite mais dont la communauté chiite, majoritaire, se dit victime de discrimination dans l'accès au logement, aux soins et aux emplois dans la fonction publique.

INQUIÉTUDE À WASHINGTON

"On a le sentiment qu'une dynamique est enclenchée, qu'on peut faire quelque chose", a dit une des manifestantes, Kholoud, vêtue d'une abaya noire, la longue robe islamique, mais arborant rouge à lèvres rose et lunettes de soleil.

"Lundi, les manifestants voulaient réformer le régime. Aujourd'hui, ils veulent qu'il parte, ils ne veulent plus de la famille régnante."

Plusieurs milliers de manifestants ont passé la nuit dans un campement improvisé sur la place de la Perle, dont ils tentent de faire le symbole de leur mouvement à l'image de la place Tahrir au Caire. La police s'est tenue à distance.

Dans une allocution télévisée, le roi Hamad ben Isa al Khalifa a présenté mardi ses condoléances aux familles des deux victimes - "deux de nos fils précieux", a-t-il dit - et promis qu'une commission ferait le jour sur les circonstances de leur décès.

Les Etats-Unis ont exprimé leur vive inquiétude face aux violences qui secouent ce petit royaume du Golfe, où est basée la Cinquième Flotte de l'US Navy. Le Bahreïn est aussi un important centre bancaire dans la région.

"Nous appelons toutes les parties à faire preuve de retenue et à s'abstenir de toute violence", a dit le porte-parole du département d'Etat, P.J. Crowley.

Principal bloc d'opposition chiite, le Wefaq, qui a suspendu ses activités parlementaires, a annoncé la tenue de discussions avec le gouvernement, prévues ce mercredi. "Nous soutenons le peuple, mais nous ne prenons pas les décisions. C'est le peuple qui décide", a souligné Ibrahim Mattar, élu du Wefaq,

Mattar a précisé que le parti demanderait l'élection directe du Premier ministre.

UN MÊME PREMIER MINISTRE DEPUIS 1971

La principale revendication des manifestants est la démission du Premier ministre, le cheikh Khalifa ben Salman al Khalifa, qui gouverne le pays depuis son indépendance en 1971. Oncle du roi, il est perçu comme le symbole de la richesse de la famille régnante.

Lutte contre la pauvreté et le chômage sont au nombre des demandes. Les manifestants s'inquiètent aussi des avantages accordés à des sunnites étrangers venant s'installer dans le petit émirat (citoyenneté, emplois dans les forces de sécurité, logements) qui tendent à modifier l'équilibre démographique.

Dans les années 1990, le royaume avait déjà été le théâtre de troubles. L'adoption en 2002 d'une nouvelle Constitution et l'organisation d'élections législatives avaient contribué à ramener le calme.

Vendredi, tentant d'éviter une radicalisation du mouvement le roi avait annoncé le versement d'une allocation de 1.000 dinars (2.000 euros environ) à chaque famille.

Au contraire des pétromonarchies du Golfe, Bahreïn, dont la moitié des 1,3 million d'habitants est composée d'expatriés, n'a pas des ressources financières illimitées.

De grandes manifestations dans cette île-Etat du Golfe pourraient avoir un effet d'entraînement sur la communauté chiite d'Arabie saoudite voisine, elle aussi marginalisée, jugent des analystes.

Commentaires 3
à écrit le 29/03/2015 à 10:41
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Le rédacteur devrait réviser sa géographie: l'Iran n'est pas un pays arabe.

à écrit le 28/03/2015 à 19:39
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L'auteur du titre de l'article devrait réviser sa géographie: l'Iran n'est pas un pays arabe.

à écrit le 23/03/2011 à 13:14
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moi la seul chose que je regrette , c'est que tout ca ne se met pas a jour tres rapidement, donc pour reagir en "live" c'est un peu tendu !

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