"Je doute qu'il y ait un plan permettant d'organiser une éventuelle évacuation de Tokyo"

Pour cet expert de l'économie japonaise, les autorités nippones sont dépassées par les événements.
Copyright Reuters

Une catastrophe nucléaire de grande ampleur semble se confirmer au Japon. Quel serait l'impact pour l'économie du pays, si comme à Tchernobyl, un périmètre d'une trentaine de kilomètres autour de la centrale était déclaré zone interdite ?

La région située au nord de Tokyo est moins industrielle que la région de Kobé sévèrement touchée par un tremblement de terre en 1995. Elle ne concentre à elle seule pas plus de 10% de l'activité industrielle du Japon. Mais Sendai est l'un des dix plus grands ports du pays. Cela ferait une voie d'accès en moins pour cet archipel pour lequel les approvisionnements, notamment en énergie sont vitaux. Cela dit, Sendaï est situé à plus de 30 kilomètres de Fukushima.

Mais c'est dans cette ville que passe la ligne de Shinkansen (train ultra-rapide) entre Tokyo et Aomori, tout au nord du Japon, ainsi qu'une autoroute importante... Quelles serait les conséquences d'une fermeture de ces deux axes pour des décennies ?

Le fret ferroviaire est peu développé au Japon. Quant aux camions, ils pourraient passer par la côte ouest. Une autoroute relie Tokyo à Niigata. En revanche, c'est vrai que la toute nouvelle ligne de Shinkansen sur laquelle circule le plus récent des trains rapides japonais constituait un symbole national. L'arrêt de la circulation sur cet axe pèserait donc aussi lourd sur le plan symbolique. Le pays serait, d'une certaine façon, coupé en deux

Imaginons le pire... Croyez-vous que les autorités puissent ordonner l'évacuation de Tokyo ? Est-ce possible techniquement ?

Je pense qu'il y a un mythe sur l'expertise des Japonais en matière de gestion de crise. Voilà pourquoi je doute qu'il y ait un plan réellement opérationnel permettant d'organiser une éventuelle évacuation de Tokyo. Et quand bien même il existerait, je doute que les autorités communiquent sur le sujet. Historiquement, elles ont été régulièrement dépassées par ce type d'événements, et il n'est pas évident qu'elles ne le soient pas maintenant. Dois-je vous rappeler Après Kobé, ce sont les yakusas (mafia japonaise, ndr) qui ont été les premiers à intervenir en distribuant des vivres, et qui ont notamment contribué à relancer l'économie locale.

Vous semblez très pessimiste ?

Sur la capacité de l'Etat au Japon et sur ce gouvernement en sursis précisément, oui. Le contrôle public sur les centrales nucléaires a toujours été très faible, de nombreux incidents ayant été "escamotés" du public. D'une manière générale, les Japonais n'ont pas confiance dan l'Etat sur ces problématiques. Ceci étant dit, il y a une chose qui m'incite à penser qu'ils peuvent s'en sortir, et c'est l'extrême résilience de ce pays. Je vous rappelle qu'il est le seul à avoir subi par deux fois un bombardement nucléaire et qu'il lui a fallu moins de trente ans pour devenir ensuite l'une des principales économies mondiales. Certes, l'endettement du pays est important, mais la dette publique est détenue par les Japonais et la situation est beaucoup moins critique que dans le cas de la Grêce par exemple. Par ailleurs, l'archipel nippon figure parmi les pays qui, dans le monde, dispose du plus fort taux d'épargne.

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.