Les ambitions impériales de Pékin dans le ferroviaire suscitent crainte et espoir à l'étranger

Par Éric Chalmet, à Lille  |   |  512  mots
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Le gouvernement central table sur un réseau à grande vitesse de 16.000 kilomètres en 2015. Les constructeurs chinois multiplient toutefois les contrats internationaux.

« Je viens m'informer des dernières technologies dans la grande vitesse, le métro et le tramway mais aussi pour présenter l'industrie ferroviaire chinoise. » Secrétaire général de la première délégation chinoise présente au Sifer (le Salon international de l'industrie ferroviaire, qui fermera ses portes jeudi à Lille), Yang Junliang ne passe pas inaperçu. Ce membre de la direction du plus grand constructeur ferroviaire de l'empire du Milieu, CNR, et cacique de la municipalité qui l'abrite, Changchun, suscite à la fois espoir et crainte sur le salon.

Car d'ici à quatre ans, les projets chinois vont redistribuer les cartes du secteur : le pays, qui ne comptait aucune ligne à grande vitesse voilà quelques années, prévoit d'y consacrer jusqu'à 450 milliards d'euros d'ici à 2015. La Chine sera alors dotée d'un réseau de 120.000 kilomètres, dont 16.000 dédiés à la grande vitesse, soit le double d'actuellement. Les principaux constructeurs chinois CSR et CNR s'y préparent. En deux ans, le groupe de Changchun a porté ses effectifs de 10.000 à 15.000 personnes. L'industriel, public mais coté à Shanghai, table sur un chiffre d'affaires de 3,2 milliards d'euros en 2011, trois fois supérieur à celui de 2009.

Sur leur territoire, les Chinois font peur car les industriels des pays matures les accusent régulièrement de piller leurs technologies lors de partenariats locaux, comme l'a fait le japonais Kawasaki. C'est la raison pour laquelle Alstom Transport refuse de transférer ses technologies dans la grande vitesse en Chine même si le groupe y est actif dans la vitesse conventionnelle et le métro (lire ci-contre). « Les technologies avancées sont la propriété de l'humanité entière, rétorque Yang Junliang. Notre R&D se développe et nous sommes de plus en plus autonomes », affirme le responsable. « Il serait intéressant d'inviter des entreprises françaises sur le parc de Changchun », qui regroupe 130 sociétés chinoises.

Opportunité

Certaines s'y préparent. C'est le cas de deux membres de l'Association des industries ferroviaires (AFI) qui regroupe 102 entreprises dans le Nord-Pas de Calais et 9.700 employés, sur les 17.000 que compte la filière en France. « Il s'agit d'une opportunité, le marché est mondial et les PME-PMI doivent s'y adapter », affirme son directeur général, Héric Manusset. Car, pour les entreprises de cette taille, « remporter un contrat en Chine génère de la trésorerie, ce qui permet d'investir dans la R&D et de conserver une longueur technologique d'avance ».

À l'international, les fabricants chinois commencent à faire de l'ombre à leurs concurrents étrangers car ils multiplient les accords dans les pays émergents (Afrique du Sud, Venezuela, Thaïlande..) avec le soutien de puissantes banques publiques (ICBC, Citic..) finançant les infrastructures. Aux États-Unis, General Electric s'est associé au chinois CSR pour répondre aux appels d'offres du plan de relance dans la grande vitesse. Et Héric Manusset de prévenir : « J'ai parlé avec le patron de CNR. Sa priorité est la Chine mais, à terme, il viendra commercialement en Europe ». « Nous serons là où les gens ont besoin de nous », confirme Yang Junliang.