Ce que coûterait aux banques une faillite de la Grèce

L'abaissement de la qualité de crédit n'est pas suffisant pour contraindre les banques à provisionner une créance. Mais il sera de plus en plus difficile de déconnecter la notation de la notion de dépréciation si la dette grecque devait être placée dans la catégorie défaut.
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"TSD ou Tout sauf le défaut !" La BCE persiste et signe en écartant toujours tout scénario qui s'apparenterait, de près ou de loin, à un défaut sur la dette grecque. Y compris la solution allemande qui propose aux banques, sur la base d'un "volontariat", d'allonger la maturité de la dette. Dans cette partie à plusieurs dizaines de milliards d'euros, la sémantique est d'importance et tout se joue sur les mots : rééchelonnement peut-être, restructuration non ! Les agences de notation ne partagent pas ces arguties technico-financières : un rééchelonnement (pas d'échange de dette) est considéré comme un événement de défaut au même titre qu'une restructuration (échange de titre avec un autre), ce qui implique une dégradation de la note en catégorie D (... comme défaut). Et pour éviter tout malentendu, Standard and Poor's a commencé à sonner le tocsin en plaçant la note à long terme grecque à CCC (avec perspective négative), trois crans à peine au-dessus de la catégorie D.

Un signal inquiétant pour les banques, à peine remises de la crise des "subprimes". Selon la BRI, les banques étrangères détiennent 145 milliards de dollars de créances publiques et privées sur la Grèce, détenues à 93% par des banques européennes. Mais, paradoxalement, le traitement comptable de cette exposition à risque est, pour l'instant, relativement indolore pour les banques. Il faut, comme toujours, distinguer le "trading book" du "banking book" (portefeuille de crédit). La comptabilité bancaire impose de valoriser tous les actifs du "trading book" à la valeur de marché "mark to market", soit pour la dette grecque, avec une décote moyenne de 45%.

Toutefois, la quasi-totalité de la dette souveraine détenue en direct par les banques est comptabilisée dans le "banking book". Les règles comptables sont alors moins strictes. Mieux, elles obligent les banques à provisionner une créance que lorsque le risque est "avéré" et ce, indépendamment de l'opinion des agences. Et, aujourd'hui, la position de place, en France et dans le monde, est de considérer que le risque sur la dette grecque n'est pas avéré ! Du coup, les banques n'ont aucune obligation, tout dépend de leur jugement et des dispositions fiscales des pays. Les banques peuvent donc soit valoriser les créances sur la Grèce au coût historique, soit constater une moins-value latente sur leur portefeuille, mais sans passer par le compte de résultat. La perte latente est alors imputée sur un compte de capital, sans dégrader le ratio de solvabilité, selon les règles de Bâle II.

Toutefois, les commissaires aux comptes ne sont pas très à l'aise avec cette position. En France, ils vont d'ailleurs provoquer une réunion avec l'AMF et la nouvelle Autorité de contrôle prudentiel (ACP) pour faire le point sur cette délicate question avant la clôture des comptes au 30 juin. Visiblement, les comptables ne veulent pas être pris en défaut en cas de détérioration brutale de la situation.

Mais si un abaissement de la note grecque n'est pas considéré comme un indicateur de risque avéré, il pèse néanmoins, plus ou moins en fonction des modèles internes des banques, sur la quantité de fonds propres allouée à ces créances. Une dégradation de note se traduit donc par une détérioration de la solvabilité. Un nouvel abaissement dans la catégorie D, même sans restructuration, rendra la position de place beaucoup plus difficile à défendre sur les provisions à passer. Même un rééchelonnement dont le coût ne serait pas facturé à l'emprunteur devrait se traduire par une perte comptable. Mais, comme toujours, les banques disposent d'un très large espace d'appréciation.

Reste les dérivés, dont le montant est loin d'être négligeable sur la dette grecque. La BRI l'estime à 60 milliards de dollars et cette fois-ci, ce sont les banques américaines les plus exposées (56%). Chacun connaît l'appétence des Américains à vendre des protections... Les dérivés de crédit, en particulier les CDS (protections vendues sur le risque de défaut), sont régis par les conventions standards de l'ISDA qui prévoient le "credit event" qui déclenche le paiement. L'opinion des agences de notation n'a donc que peu de poids, seul le contrat, souvent négocié de gré à gré, fait foi. Les CDS sont obligatoirement comptabilisés dans le "trading book" à valeur de marché mais les protections "achetées" peuvent être logées dans le "banking book". Ces dérivés peuvent générer des profits (position gagnante) sans que les pertes potentielles du sous-jacent soient pour autant comptabilisées. Et il y a toujours le risque que la contrepartie ne puisse honorer ses engagements, ce qui entraîne de facto réfaction du dérivé.

Les agences de notation communiquent donc sur leur vision de la qualité d'un crédit alors que le jugement des banques peut être différent. Une dégradation en note D est un signal très fort mais tout dépendra du jugement que la place financière, y compris les autorités prudentielles, portera sur cette décision.

Commentaires 29
à écrit le 21/06/2011 à 15:18
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ne vous inquiétez pas les banques sont de moins en moins sur les banques de détails, en 2010 bnp paribas, 1er banque francaise et de la zone euro, a affiché 27% du chiffre d'affaire pour la banque de détail, et 39% pour celle d'investissement. il y a...

à écrit le 21/06/2011 à 11:57
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d après les chiffres qui ne paraissent honnêtes, car ils correspondent aux prêts des banques Américaines ,aux, Allemandes,et aux banques Françaises...comme dirait un célèbre Philosophe..."mais qu allait il faire les banques... dans cette Galère"...ma...

à écrit le 21/06/2011 à 1:43
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les banques connaissaient le risque grec, elles l'on dit aux politiques qui en réponse ont garantis ces prêts

à écrit le 18/06/2011 à 21:00
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il faut que les banques paient pour leur mauvaise analyse du risque grec .Comment nous faire croire que le risque etait proche de celui de l 'allemagne !!

le 19/06/2011 à 11:01
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Mais les banques ne prenaient aucuns risques. Elles savaient que leurs prets etaient de facto garantis par les gouvernements, donc par les contribuables. Elles avaient raisons, l'Allemagne vient de reculer et s'aligner sur Trichet. Elles ne paieront ...

à écrit le 18/06/2011 à 19:53
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TITRE TERRIBLE Pourquoi poser la question ainsi? Cela ne devrait il pas être: "Ce que couterait aux grecques la faillite de la Grèce. Et aussi: combien aux européens?

à écrit le 18/06/2011 à 15:36
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@greekpatriots: que ce soit avant ou après l'Euro, le fait est que la Grèce a largement bénéficié des aides de l'Europe, et cette aide a toujours été vitale. La Grèce ne peut quitter la zone euro qu'en quittant l'UE. Si elle quitte l'UE, en supposant...

le 20/06/2011 à 7:27
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Je partage votre analyse, ce qui me fait horeur puisque elle revient à dire que les banques peuvent faire ce qu'elles veulent, avoir la plus mauvaise gestion du monde : puisque les états ont besoin d'elles, elles seront aidées de toute façon... Du ...

le 22/06/2011 à 6:47
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Les banques prennent des risques, quand ils gagnent ils ne vous donnent rien et quand ils perdent ils font appel au peuple ! Avec une PME ou une PMI faites pareil pour voir si on vous sort du trou.

à écrit le 18/06/2011 à 12:45
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gasp, je viens de comprendre pourquoi M. Juncker voulait tant que l'Europe aide la Grèce !

à écrit le 18/06/2011 à 8:24
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Arrêtons de nous voiler la face : l'europe implose

le 18/06/2011 à 8:43
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camarade l'europe a été construite pour enrichir les pays riches et ecraser les pays pauvres de l union européenne! on etaient pas mieux sans l' euro?

le 19/06/2011 à 15:16
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@Marie, l'europe a été construite, pour faire face aux U.S.A ,mais elle n'a pas la puissance des U.S.A!!

le 20/06/2011 à 10:34
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cela n'empêche pas les usa d'être trop endettés ! ils sont aussi pointés du doigt ! la crise des subprimes c'était pour que des insolvables empruntent faisant croire que les states continuaient à prospérer !

à écrit le 18/06/2011 à 8:23
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Y aura-t-il beaucoup de volontaires... je suis là profondément dubitative

le 18/06/2011 à 8:33
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qu' on nous laisse etre en faillite! qu' on revienne aux drachmes! l ancienne grèce nous manque celle ou tous les jours les tavernes etaient remplies et les bouzoukias aussi!

à écrit le 18/06/2011 à 4:26
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60 milliards, ce n'est même pas la capitalisation de Goldman Sachs... pas de quoi se manger les doigts.

le 18/06/2011 à 15:57
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C'est vrai. Vous me faites un chèque de ce montant ?

à écrit le 17/06/2011 à 18:27
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Face au scandale de la banqueroute potentiel de la Grèce, je me permet de dire que si un pays qui en a les moyens et qui en plus en est le principale créancier devrait pouvoir acquérir en dédommagement les îles de la mer Egée... Pourquoi pas? Ça n...

le 18/06/2011 à 8:28
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ca serait une broutille en comparaison de la dette

le 18/06/2011 à 8:41
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nous voulons pas vendre nos terres! si ca arrive ce sera la guerre civile!

le 18/06/2011 à 9:05
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A mon avis ce serait un casus belli. Les Malouines, Gibraltar, les deux cailloux revendiqués par l?Espagne près des côtes Marocaines , la partition de Chypre etc etc? çà ne peut pas marcher. Je suis d?accord avec Greejpatriots, certains pays n?ont ...

le 18/06/2011 à 9:42
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la banqueroute de la Grèce est due à l'imcompétence des hommes politiques Grecs qui devraient tous aller en prison mais aussi et surtout aux banques qui ont cru qu' un Etat est eternellement solvable . Elles sont plus exigeantes quand il s'agit de p...

le 18/06/2011 à 13:38
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Il y a, certes, beaucoup de responsables, du sommet à la base de la pyramide. Je me pose toutefois quelques questions... qui paie ses impôts en Grèce, à quel âge les Grecs prennent-ils leur retraite, combien travaillent-ils d'heures réelles dans la s...

le 18/06/2011 à 13:54
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Marc entierement d'accord avec vous sur votre commentaire -

le 20/06/2011 à 13:41
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Greekpatriots, on vous comprend, d'autant plus que nous sommes nous aussi au bord de la faillite. de savoir que les chinois exploitaient vos ports -quel coup, alors pour vous bien plus . Il faut revenir à notre monnaie respective -quitter l'euro- et ...

le 21/06/2011 à 7:29
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@Odette: comment on va faire quand on sera sorti de l'euro et qu'on aura chacun son ancienne monnaie nationale bien dévaluée pour rembourser nos dettes contractées au prix fort (en effet, l'euro sera plus fort que notre monnaie nationale et le taux d...

le 21/06/2011 à 9:07
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tartemol, Pas de panique, une monnaie dévaluée a l'avantage (et oui ) pour le commerce extérieur de vendre moins cher, d'où augmentation de la croissance. l'inflation : après la guerre 39-40, les ministres ont bloqués les prix de grandes nécessité - ...

le 22/07/2011 à 6:11
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Esclavage financier à tous les échelons.

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