La Corée du Sud, un "banc d'essai" de la nouvelle politique commerciale européenne

Par Frédéric Ojardias, à Séoul  |   |  513  mots
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L'accord bilatéral est le plus important conclu par Bruxelles avec un pays non-européen. Le volume des échanges entre l'UE et la Corée devrait doubler.

L'accord qui entre en vigueur aujourd'hui va supprimer d'ici cinq ans près de 98% des taxes douanières existantes entre le marché européen et la Corée du Sud. Par exemple, l'Europe éliminera progressivement les 10% de droits de douanes imposées aux automobiles coréennes. "Les voitures arriveront en Europe 10% moins cher", se félicite donc Jean-Marie Hurtiger, président de Renault Samsung, la filiale coréenne de Renault. "Mais l'impact ne sera pas immédiat. En raison des difficultés administratives, il est pour le moment très compliqué de bénéficier des réductions douanières", tempère-t-il.

Selon les estimations de la délégation européenne à Séoul, le commerce bilatéral entre l'UE et la Corée (d'un montant annuel de 65 milliards d'euros) devrait doubler d'ici vingt ans, par rapport à un scénario sans ALE. Côté coréen, on prévoit à long terme une augmentation du PIB de 5,6% et la création de 253 000 emplois.

"La Corée du Sud sera un banc d'essai pour les prochains accords de libre-échange négociés par Bruxelles", explique Jean-Jacques Grauhar, secrétaire de la Chambre de commerce européenne en Corée. "Les enseignements apportés serviront ensuite pour négocier avec les autres pays qui ont été identifiés par l'Union Européenne comme partenaires stratégiques."

Car le traité coréen est le premier à entrer en vigueur depuis que la Commission a choisi de privilégier les accords bilatéraux, en réponse à l'enlisement des négociations multilatérales dans le cadre de l'OMC. Pour Bruxelles, la Corée du Sud, quatrième économie asiatique, représente l'avantage d'être un marché relativement réduit. Les négociations ont débuté en 2007 et se sont déroulées rapidement, notamment en raison de l'absence d'importants conflits sectoriels - en dehors de celui de l'industrie automobile.

Les grands conglomérats coréens, tels Samsung ou Hyundai, très exportateurs, entendent bien tirer profit des facilités d'accès aux marchés européens offertes par l'accord. "Les attentes de l'industrie coréenne sont élevées", confirme Cho Seong-dae, de l'Association coréenne de promotion du commerce international. "Certains secteurs cependant pourraient souffrir de l'ALE. Les agriculteurs par exemple sont très inquiets face à des produits européens plus compétitifs. Séoul a donc prévu des mesures de soutien pour les secteurs mis en péril."

D'un autre côté, l'accord commercial entre les Etats-Unis et la Corée du Sud est toujours dans l'impasse. Conclu en 2007, renégocié en 2010, l'ALE Washington-Séoul reste bloqué : les deux pays ne parviennent pas à le ratifier. En Corée du Sud, en raison du fort anti-américanisme ambiant, le sujet est politiquement très délicat. Aux Etats-Unis, certaines industries - dont l'automobile - s'inquiètent pour leurs emplois.

Les produits américains vont donc se trouver désavantagés en Corée face à leurs concurrents européens désormais exonérés de droits de douane. Une situation qui, du coup, pourrait relancer les efforts de ratification.