Ces projets de barrages géants qui fâchent

Par latribune.fr  |   |  640  mots
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En Chine, au Brésil ou ailleurs, la crise énergétique remet au goût du jour ces grands ouvrages hydrauliques. Au grand dam des écologistes.

Glissements de terrains, assèchement des lacs en aval, fréquence en hausse des secousses sismiques... A l'heure où les experts relancent le débat sur les effets néfastes engendrés par le barrage des Trois-Gorges en Chine, Pékin ne désarme pas. Au contraire. Les autorités chinoises et le groupe China Three Gorges Corp. - en charge du projet - ont fait savoir qu'ils allaient mettre les bouchées doubles dans l'hydroélectricité, en investissant pas moins de 400 milliards de yuans (62 milliards de dollars) dans la construction de quatre nouveaux grands barrages.

Situées sur la Jinsha River, un affluent du Yangtsé, les centrales Xiluodu, Xiangjiaba, Wudongde et Balhetan auront une capacité installée de 43 millions de kilowatts (kW), en tout deux fois plus importante que celle des Trois-Gorges, aujourd'hui la plus importante au monde. "Une fois achevées, ces quatre centrales devraient être en mesure de produire 190 milliards de kilowattheures chaque année", estime-t-on au sein de la société Three Gorges Group, qui prévoit de faire démarrer les deux premières en 2012 et 2013.

Remis au goût du jour

Un temps relégués au second plan en raison de leurs impacts sociaux et écologiques souvent lourds, les grands barrages sont aujourd'hui, crise énergétique mondiale et lutte contre le changement climatique obligent, remis au goût du jour, notamment dans les pays émergents dont les besoins énergétiques explosent. "Alors qu'on construisait plus de 7.000 barrages chaque année dans les années 1970, on n'en bâtissait plus que 3.000 dans les années 1990", rappelle le spécialiste des barrages à l'Agence française de développement, Nicolas Fornage, aujourd'hui directeur de l'AFD Pakistan. "Aujourd'hui, la tendance s'inverse", précise-t-il.

Comme le relèvent les statistiques de l'International Energy Agency (IEA), l'augmentation de la production d'hydroélectricité, entre 2003 et 2008, a surtout été le fait de la Chine et de l'Amérique latine. En 2008, leur part respective dans la production mondiale d'hydroélectricité s'établissait à 17,8% et 20,5%, contre 42% pour les pays de l'OCDE. "Des éléments de coûts d'investissements et de production expliquent bien entendu que ces pays privilégient l'hydroélectricité qui offre par ailleurs - sous certaines conditions - avec la géothermie la meilleure réponse aux enjeux de lutte contre le réchauffement climatique", explique Nicolas Fornage. Selon l'IEA, le coût d'investissement pour l'hydroélectricité équivaudrait à 1 voire 2 millions de dollars le mégawatt (en termes de capacités installées), contre 3 à 6 pour le nucléaire et 4 à 5 pour le solaire.

Ce nouveau contexte est également marqué par la montée en puissance d'opérateurs privés et des associations citoyennes et écologiques. "L'essentiel de ces barrages est construit par des opérateurs privés chinois, russes, malais, indonésiens ou thaïlandais", précise Nicolas Fornage, ajoutant que ceux-ci sont très offensifs sur les coûts auprès des gouvernements pour remporter les marchés. Le groupe chinois Sino-Hydro, très présent en Asie, a notamment investi au Laos dans le barrage de Pak Lay sur le cours principal du Mékong.

Mais les pratiques de ces opérateurs ne sont pas toujours exemplaires et donnent matière à de nombreuses contestations. A ce titre, le barrage de Belo Monte situé en Amazonie au Brésil et le projet d'HidroAysen en Patagonie chilienne sont emblématiques. Le premier a obtenu début juin en dépit d'anciennes et de fortes mobilisations le feu vert de Brasilia à sa construction. Le second, en revanche, conduit par le consortium hispano chilien Endesa-Colbun, qui prévoit la construction de cinq barrages dans deux vallées en Patagonie pour produire 2.750 mégawatts et augmenter de 20% la capacité électrique du pays, est pour l'heure à l'arrêt. Les recours initiés par les défenseurs de l'environnement ont fini par porter en justice. Du moins pour l'instant.