Pékin s'indigne de la visite du dalaï-lama à la Maison blanche

Par Sylvain Rolland, avec Reuters  |   |  738  mots
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Le "soutien appuyé" de Barack Obama au peuple tibétain suscite l'ire de Pékin, qui dénonce une "ingérence grossière dans les affaires intérieures de la Chine", à quelques jours d'une visite de la secrétaire d'Etat Hillary Clinton.

La Chine n'apprécie toujours pas les leçons de démocratie de la part des occidentaux. Et encore moins lorsque Barack Obama apporte son "soutien appuyé" en faveur des Tibétains, lors d'une rencontre entre le président américain et le dalaï-lama, samedi à Washington. "Le président a réitéré son soutien appuyé à la protection de la culture, de la religion et des traditions tibétaines au Tibet et dans le reste du monde", a indiqué le porte-parole de la Maison Blanche. Selon le communiqué de la présidence américaine, Barack Obama a encouragé "le dialogue direct pour résoudre les vieilles divergences" entre la Chine et les Tibétains.

Suite à ces propos, le pouvoir chinois a vu rouge et s'est livré à une avalanche de critiques. Robert Wang, le chargé d'affaires à l'ambassade américaine de Pékin, a été convoqué d'urgence par le vice-ministre chinois des Affaires étrangères Cui Tiankai, pour recevoir les protestations officielles du régime, qui interprête les paroles de soutien du président américain comme une ingérence dans ses affaires intérieures. "La Chine exprime sa vive indignation et son opposition résolue. Le Tibet fait partie intégrante de la Chine et les questions tibétaines sont purement une affaire intérieure", a souligné sur son site internet le ministère des Affaires étrangères chinois. "Entretenir le développement stable et continu des relations sino-américaines demande beaucoup de travail de la part des deux parties", a-t-il taclé.

Le ministre chinois des Affaires Etrangères, Ma Zhaoxu, s'est également exprimé via l'agence de presse Chine Nouvelle. "Une telle action constitue une ingérence grossière dans les affaires intérieures de la Chine, blesse les sentiments du peuple chinois et nuit aux relations sino-américaines". En guise de réponse aux conseils d'Obama sur la crise tibétaine, le ministre chinois a lui aussi prodigué quelques conseils à l'égard du président américain. "Nous demandons aux Etats-Unis de considérer sérieusement la position de la Chine, d'adopter des mesures immédiates pour effacer ce malheureux impact, de cesser de s'ingérer dans les affaires intérieures de la Chine et d'arrêter de soutenir les forces séparatistes antichinoises favorables à l'indépendance du Tibet".

La presse chinoise a également relayé l'indignation du gouvernement.  "Les déclarations de certains aux Etats-Unis montrent l'ignorance et l'hypocrisie et illustrent la profonde hostilité de certains au développement et du progrès chinois", écrit un éditorialiste du Quotidien du Peuple, organe du parti communiste chinois.

Hillary Clinton en Chine le 25 juillet

Ce n'est pas la première fois que la Chine réagit vivement aux propos des démocraties occidentales sur le Tibet, puisque chaque visite du dalaï-lama à l'étranger provoque les mêmes indignations du pouvoir chinois. Barack Obama avait d'ailleurs déjà reçu le dalaï-lama à la Maison Blanche en février 2010, ce qui avait également donné lieu à des déclarations lapidaires des autorités chinoises.

Pour limiter le courroux de la Chine suite à cette nouvelle rencontre, la présidence américaine avait pourtant multiplié les précautions, annonçant l'entrevue vendredi soir, au dernier moment, et interdisant la présence des journalistes et photographes. Le porte-parole de l'administration Obama a également rappelé que "les Etats-Unis ne soutiennent pas l'indépendance du Tibet". Détail révélateur : le dalaï-lama n'a pas été reçu dans le bureau Ovale, où sont conviés habituellement les chefs d'Etat, mais dans la Salle des cartes de la résidence.

Ce nouvel épisode de tension autour des droits de l'homme et de la question tibétaine, bien que plus marqué que les précédents, fait donc presque office de routine dans le jeu diplomatique entre la Chine et les pays occidentaux.  Il révèle aussi que le pouvoir chinois veille scrupuleusement à ne pas faire preuve de fléchissement dans ses positions sur le Tibet, à l'heure où les critiques sur l'absence de respect des droits de l'homme en Chine s'accumulent dans le monde.

Dans ce contexte, la visite d'Hillary Clinton le 25 juillet à Shenzhen, dans le sud de la Chine, s'annonce tendue. La secrétaire d'Etat américaine doit assister en compagnie de son homologue chinois à une conférence régionale en Indonésie, puis rejoindre la Chine le 25 juillet pour rencontrer Dai Bingguo, le conseiller d'Etat chinois chargé des Affaires étrangères.